jeudi 19 octobre 2017

« La découverte de l’Afrique ? C’est mon premier pas en Algérie avec papy Jacques ! »

Telle est l’exclamation de Caroline, 24 ans, biologiste, à la fin d’un séjour de moins d’une semaine qui se décompte en centaines de kilomètres sur l’autoroute est-ouest vers Mostaganem, puis retour sur Alger par la petite route passant par-dessus l’oued Cheliff à son embouchure, les villages et villes de Hadjaj, Sidi Abderrahmane, Ténes, Beni Haoua, Hajrat Enouss, enfin l’autoroute Cherchell-Alger au pied du Tombeau des rois de Maurétanie (salut par-dessus les millénaires à Juba II et Cléopatre Sélénée son épouse…) avant d’atteindre le centre de la capitale, rond point Addis Abéba…

Caroline, le lendemain de son arrivée à Alger


Les sœurs Delphine et Caroline avec leur grand père Jacques (88 ans) dans le centre d’Alger

Découverte d’Alger

« C’est très émouvant,  parce que ça fait des années qu’on insiste, moi notamment, pour demander à papy Jacques de me montrer où il a grandi et me faire visiter Alger comme il l’a connu pour partager et mettre une photographie sur ses souvenirs », dit Delphine qui travaille dans un bureau d’architecture à Paris.  Elle et sa sœur caroline sont les filles du fils de Jacques Fournier, Denis, et de leur mère camerounaise.
Et Delphine d’exprimer sa première impression : « Quand on a descendu l’avenue Didouche, hyper commerçante, j’avais l’impression d’être  à Marseille… Mais quel dommage ces trottoirs tout cassés ; on a tous failli tomber au moins une fois !..  Deuxième surprise, on s’était bien sur renseigné avant sur le voile, comment on s’habillait et ou était la norme ici; eh ben je n’ai pas été surprise de voir qu’il y a beaucoup de filles voilées ; j’en ai vu d’autres qui n’étaient pas du tout voilées et qui se baladaient sans qu’on les embête ; et je vois que les plus jeunes font très attention à comment elles s’habillent, coté esthétique, avec recherche… Vraiment, je trouve que les filles sont beaucoup mieux habillées que les garçons à Alger! »
« Autre chose, et je ne sais pas si c’est juste une impression ou une réalité : j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup moins de personnes dans la rue qui font la manche, la mendicité, qui vivent dehors, que j’en vois depuis cinq ans dans le quartier populaire de l’est de Paris où j’habite… »
Je réponds qu’Alger, comme d’autres grandes villes du pays, a aussi malheureusement ses innombrables mendiants, SDF et ses flux de migrants venus par milliers depuis le Niger et le Mali, entre autres…

Scène de rue du coté de la Fac centrale d’Alger



En route vers Mostaganem

L’ancien haut cadre de l’Etat et dirigeant de sociétés publiques françaises qu’a été Jacques Fournier, voulait montrer à ses deux petites filles le village où il avait vécu son enfance et adolescence jusqu’en 1947, date à laquelle il partit faire des études à Paris en Sciences Po et à l’ENA.
Pour visiter le village de Sidi Ali, (ex Cassaigne, du nom de l’aide de camp du général Pélissier), dans le Dahra, nous décidâmes de faire la route dans ma propre voiture en deux jours aller-retour avec une nuitée à Mostaganem. Quelques 800 kms de voyage …
Durant toute la route où nous avons échangé et croisé à quatre nos points de vues sur l’histoire contemporaine de l’Algérie (et parfois de la France) Jacques ne s’est jamais départi de sa carte routière d’Algérie (une carte Michelin, ainsi qu’un bon guide : un livre bien  illustré et détaillé). 


Ici sur l’aire de repos de Hmadna, en bordure de l’autoroute, 
à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de Chlef (ex El Asnam, ex Orléansville)


Delphine et Caroline assurant le service de la pause café avec le thermos que feu ma mère allah yerhamha avait ramenée à l’occasion de son pèlerinage à la Mecque et dans lequel ma fille, Yasmine, avait choisi de mettre le café chaud préparé très tôt matin pour notre longue traversée des terres intérieures d’Alger à Mostaganem…

Il y a douze ans, je me rappelle qu’au premier voyage de Jacques l’autoroute est-ouest  n’existait pas; nous étions passés dans le village de Oued Rhiou, ex Inkerman et nous avions visité sa petite gare où, à la fin de la seconde guerre mondiale Jacques ado venait prendre le train pour Oran où il était lycéen….


En 2005 à la gare d’Inkerman replongé dans ses souvenirs d’ado alors qu’il fut président du conseil d’administration de la SNCF de 1988 à 1994 …

Puis à quelques bornes de Hmadna, nous sortons de l’autoroute pour bifurquer vers la cote méditerranéenne encore lointaine dont nous sépare la petite ligne descendante des monts du Dahra…

Arrêt-bonheur aux abords de la riche plaine qui s’enfonce au loin jusqu’à l’ancienne cité de Mazouna

Arrivés début d’après midi à l’hôtel des Sablettes nous déposons nos affaires, faisons un brin rapide de toilettes puis nous, par la grande rocade qui contourne la ville,  à la rencontre des amis mostaganémois Abderrahmane Mostefa (cinéaste) et Mohammed Ould Mammar (musicien) qui doivent nous accompagner avec leur voiture jusqu’à Sidi Ali...

Jacques et Delphine en séance photo rapide au-dessus de la piscine de l’hôtel


Mohammed prenant de l’essence à la sortie est de Mostaganem ; une zone qui il y a une dizaine d’années n’était que foret et maquis face à la mer où sont érigées aujourd’hui de nouvelles cités résidentielles et de nouvelles universités avec leur gigantesque parc d’attraction et voies ferrées pour un tramway en construction…
Jacques lui-même qui est passé à plusieurs reprises par Mostaganem ces dix dernières années a du mal à la reconnaitre. Il me dira nettement : 
« On sent bien ici qu’on s’affirme en construisant »….


Montant vers le village de Hadjaj, le phare de Willis derrière nous en bord de falaise, la gendarmerie arrête la voiture de nos amis. Nous saurons après que l’infraction était une affaire de vignette non apposée sur le pare brise …
En les attendant, plus loin, nous descendons de voiture et entrons dans une vaste vigne dont on sent qu’elle attend avec impatience les premières pluies… Au fond à gauche, à peine visibles au dessus des tètes des filles : des chevaux en pâturage…

Puis c’est une halte improvisée au village de Hadjaj où à la terrasse d’un café nous prenons café et thé dans des verres et non des gobelets jetables. Après une belle discussion collective et ses flashs back, Jacques va nous faire une surprise. Il sort deux de ses livres de son sac : « L’Algérie retrouvée » et « Mohand Tazrout, la vie et l’œuvre d’un intellectuel algérien ».  Il déclare qu’il dédicacera le premier à un ami de Mostefa Abderrahmane, Nadir Kaid, chez qui nous nous rendrons le lendemain, et, le second, sur le champ à Mohammed Ould Mammar. Mostefa Abderrahmane avait déjà eu sa dédicace à Bosquet trois années auparavant à la ferme Edmée de Janson à Bosquet…


Heureuse improvisation sous le parasol d’un café de village du Dahra….




Sidi Ali, ex-Cassaigne …

Déjà en 2005…

JACQUES : « C’est la troisième fois que j’y viens, mais là c’est avec mes petites filles, c’est plus significatif en même temps. Je me dis… c’est peut être la dernière fois que j’y vais…
C’est vrai, ça m’a fait plaisir. La maison je l’ai vu il y a douze ans, nous étions ensemble toi et moi. On y est retourné ensemble il y a deux-trois ans ; des gens en sont sortis et nous ont invité à rentrer, moi j’ai alors refusé énergiquement parce que je les aurais embêté et je n’avais pas envie de recommencer. Mais cette fois ci revenant avec Delphine et Caroline, ça m’a fait beaucoup plaisir qu’on puisse à nouveau y accéder. »


Caroline et Delphine sur le perron de la maison d’enfance de leur grand père et où le père même de Jacques exerçait en tant que médecin de colonisation dans les années 1940, le seul sur prés d’une dizaine de circonscriptions à la ronde de cette partie nord des monts du Dahra…


Dans le jardin de grenadiers, de néfliers et citronniers, les Fournier et Mostefa Abderrahmane sont en discussion avec le petit fils, de dos, de l’occupant qui nous avait fait visiter la maison en 2005…
On voit en arrière fond à droite, la vieille maison et, en haut à gauche, une des deux maisons construite depuis 2005…
Sans nostalgie aucune Jacques constate :
« Le jardin a rétréci, il a rétréci, et ça rejoint ce qu’on disait à propos de la construction dans toute l’Algérie,  puisque le monsieur qui nous reçoit  est le petit fils du précédent occupant. Il a donc hérité de la maison qu’on a visitée, celle où j’habitais, mais il a maintenant flanqué cette maison de deux autres maisons, qui ne sont pas rien. Il y en a une qui existe juste au dessus. Il y en a une autre qu’il a fait pour ses enfants et qui est plus bas. Donc on sent bien qu’ici on s’affirme en construisant ! »

Du gout de la pomme à Paris à celui des grenades à Sidi Ali






Abderrahmane Djelfaoui, texte et photos

(fin de la première partie.
Prochain article : retour de Hadjaj beach à Alger par la côte)





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