samedi 27 juillet 2019

UNE TUNISIE A LA MODERNITÉ RENOUVELABLE…





C’est l’image qui m’a le plus frappée et dont le souvenir m’est resté, jusqu’à ce jour, vif d’un voyage éclair de quelques jours à l’automne 2018…
Nous remontions de Hammamet, longeant la cote en voulant faire un crocher complet de la péninsule du Cap Bon afin de visiter les ruines phéniciennes de Kerkouane au nord de Kélibia dont on nous avait beaucoup parlé…
La visite de ces ruines (inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO) est une aventure en soi mais c’est une autre histoire…







Un indicateur géographique nous apprend :
« Le cap Bon d’une longueur de 80 kms a un relief de montagne à l'ouest avec l'aboutissement de la chaîne de la dorsale tunisienne  au niveau du Djebel Ben Ouli (637 mètres). Il offre un point de vue sur les îles de Zembra et Zembretta  situées à une quinzaine de kilomètres de la cote ainsi que, par très beau temps vers l'est, sur l'île italienne  de Pantelleria »…


Nous arrêtant au bord de la petite route pour mieux apprécier le panorama, l’animal est notre première rencontre. Pacifique… C’est que la zone a été respectée en tant que région agricole.

Avec une bonne pluviométrie et un sol fertile, la région est riche de cultures maraîchères , de vergers d'agrumes  et de vignes.
Ne voyant pas de pylônes électriques à haute tension, on a presque l’impression que ces énormes éoliennes qui fabriquent proprement de l’électricité sont « naturellement » là depuis les temps les plus anciens, tant elles sont intégrées au paysage, au ciel et ses vents allant d’ouest vers le nord-est…



Constitué d'une quarantaine d'éoliennes , Le parc de Sidi Daoud situé sur une zone montagneuse à moins d’une cinquantaine de kilomètres de la capitale est en fait une centrale électrique  qui fournit 2 % de la consommation de la Tunisie dans son ensemble…
Ce qui laisse rêveur !



Abderrahmane Djelfaoui

jeudi 25 juillet 2019

UN CRÉPUSCULE AU-DESSUS DE HAMMAM MELOUANE





Quand les algérois comme nous n’ont pas  les moyens d’aller loin (« pour se dépayser »), ils montent juste au-dessus de la plaine ; celle de la Mitidja…

C’est ce que nous avons fait en famille cette fin de journée brûlante de juillet.  Aller observer de là haut le coucher de notre boule du monde, le coucher du soleil…






La route qui descend de la crête vers Hammam Melouane est bordée, envahie par de hautes herbes sauvages, sèches, bellement odorantes mais prêtes à s’embraser…

On sent d’ailleurs dans l’air une odeur de cendre, lointaine …
Au fond de la gorge : l’oued Bouserdina avec ses cailloux et son remarquable filet d’eau malgré l’été, la sécheresse…


En bord de route, un pin sur un talus attire notre attention et nous prie de faire halte… Il est accompagné d’un magnifique olivier, mais tous deux semblent solitaires tant ils donnent l’impression de vieillir et, sans un mot, s’en aller à petits pas de cette contrée où ils ont pourtant prospéré des millions d’années…




Une des raisons, la plus directe de cette régression est l’érosion des sols…  Erosion terrible et toujours plus cruelle sur ces pentes d’une terre riche, humide et foncée… L’érosion, plus les feux de forets, comme on en voit encore trace du dernier dont l’odeur des 48 heures passées est toujours inquiétante et étouffe presque celle du lentisque et des autres plantes…








Pourtant, par endroits, la nature sur l’étroite route en lacets fait quasiment rêver, telle une carte postale… juste le temps de prendre une photo à la va vite…


Puis, la lumière du jour commençant peu à peu à chuter nous rebroussons chemin vers la route de la crête pour aller observer  l’autre versant de la montagne, laissant Hammam Meloune et son oued derrière nous…






De nos yeux voir…

Et de l’air à nos narines sentir les tableaux composés par dame Nature…

Si c’était possible, on aimerait ramener les doubles de tout cela dans son quartier pour en enjoliver trottoirs et murs nus des HLM des cités…








Malgré la légère brume et la lumière décroissante, ce qui peut se voir encore de la vaste plaine de la Mitidja est enivrant… 
Si les jeunes figuiers pouvaient dire, ils raconteraient des mythologies entières accompagnés du son des oiseaux et des criquets… Ici le passage d’une seconde à une autre est un monde…


Ma fille, silencieuse et consciencieuse, photographie…








La nuit tombe comme tomberont bientôt une à une les étoiles…




Il est l’heure d’allumer les phares de la voiture et redescendant la montagne puis traversant la plaine obscure de regagner rêveurs la périphérie de notre mégalopole…




Abderrahmane Djelfaoui

samedi 20 juillet 2019

YES WE C.A.N. : VENDREDI HIRAKIEN, VENDREDI AFRICAIN





Ce vendredi 19 juillet, comme les 22 précédents, il y avait marches populaires à travers toutes les grandes villes du pays dans l’après midi.

En début de soirée, à plusieurs milliers de kilomètres de là, au Caire, commençait la finale de la coupe d'Afrique engagée entre l'équipe du Sénégal et celle d'Algérie...

Dans mon quartier de Ain Naadja ("la fontaine de l'agnelle"),   la plupart des jeunes étaient massés dehors, debout devant des écrans géants pour suivre la retransmission...
Des les premières minutes une ovation sismique prolongée ébranla le quartier et ses cités. Les Fennecs venaient de marquer... 
Mais restaient plus de 90 minutes de jeu, 90 minutes de tension  forte, très forte...

5 secondes après la fin de ce match mémorablement dur, le quartier de ma banlieue sud  "brûle", explose, change de couleurs et de vie...















On danse, on crie, on chante, on siffle, on hurle, on interpelle au milieu d'un vacarme de klaxons, de rugissements de motos, de pétards, de vuvuzelas, de youyou fusant des étages des cités... 

C'est inédit, spontané, mouvant telles des vagues et toute la soirée, toute la nuit jusqu'au petit matin va se dérouler à ce rythme sans que jamais n'apparaisse un seul uniforme, policier ou gendarme...

Le quartier, tout le quartier est à ses réels habitants, sans réserve, dans la joie et la transe... 










C'est une jeunesse tout feu tout flamme.
Enthousiaste.
Passionnée.
Pacifique et pleine d'humour...





Une jeunesse et des enfances sortant parfois dangereusement des vitres des véhicules, protégées par on se sait quels anges...










Anges Papas, Anges Mamans. Les femmes sont aussi là, nombreuses, à l'aise et rayonnantes...












On a l'impression que les femmes, après le départ des ados des maisons, ont décidé de sortir leur mari, leurs enfants, leurs drapeaux (certaines une bouteille d'eau) sans oublier d'emporter leurs portables pour immortaliser cette nuit de la Victoire, nationalement et internationalement partagée....

En fait, ces  jeunes filles et ces femmes ont fait vibrer la nuit de leurs youyous...

Elles ont ajouté de leur présence rassurante une étoile de plus dans la nuit Algérie,nuit de liesse et d'espoir...







Et la nuit follement sympa, follement douce et populaire de se poursuivre sous les sifflements des fusées, les boums des feux d'artifices, les flammes des fumigènes, les gros et petits pétards, les chants des stades ou d'autres et tout ce que l'on peut entendre mais dont on ne peut tout se rappeler...













Je peux dire et affirmer qu' ALGÉRIE MON AMOUR en cette nuit de la Victoire, c'est mon quartier, sa population....




Abderrahmane Djelfaoui









dimanche 7 juillet 2019

INOUBLIABLE JOUR D’INDÉPENDANCE, AU GOÛT DE MER ET VASTES STEPPES





Au matin de ce 5 juillet je me suis éveillé en me demandant : quelle image choisir à partager sur mon mur facebook pour cette date anniversaire?

Je le savais depuis la veille, en fait, puisque en feuilletant des photos de mes voyages dans le pays et vues de ses paysages dans la nuit, une image d’altitude avait saisi mon esprit ; mieux : elle avait saisi en moi quelque chose de profond et d’aérien à la fois comme les cigognes savent d’instinct faire vol d’un continent à l’autre…

Le lieu et la date de cette vue n’ont apparemment aucun lien direct avec la célébration de l’évènement.

Bon Jour A Toutes et à Tous
Vendredir de fierté
Vendredir une pensée à celles et ceux qui ont humblement accompli leur part du destin
Vendredir pour le présent de nos enfants
Vendredir la terre et ses coquelicots
Vendredir ses arbres méditerranéens



Et pourtant !


Pour « ce » juillet, il y bien sur encore en moi des centaines de bribes de souvenirs d’avant cette date, durant la période de la guerre de libération nationale quand enfant j’allais entre quatre et onze ans… 
Il faudra bien, me dis-je,  que je  mette un jour bout à bout (délicatement) ces bribes vives, chantantes ou silencieuses de mystère, d’interrogations…

Donc cette image du jour (prise en juin 18, sur le chemin du retour d’Azzefoun par la montagne d’Aghribs à plus de 1000 mètres d’altitude ; région d’où sont issus le musicien Iguerbouchène ou la famille du héros Didouche Mourad, né lui-même à Alger Belcourt …

D’ailleurs, à 10 kms à vol d’oiseau au-delà ces monts, c’est la commune de Fréha dans la plaine d’où étaient issus les grands parents de ma mère et qui s’expatrièrent tous à la fin du 19 eme siècle vers le Titeri ; -un des frères de mon arrière grand père, m'a-t-on dit, avait été envoyé pour le restant de son existence à plus de 17 000 kms dans le Pacifique sud, dans le bagne de Nouvelle Calédonie…


La seule photo de mon grand père maternel, Mohamed, né en 1901 à Médéa, qui de très actif et humblement patriote toute sa vie n’eut jamais l’occasion ni la joie de revoir ne serait-ce qu’une fois la terre de ses aïeux… Mon autre grand père paternel, Aïssa, me répétait avec la sérénité de celui qui a dompté son amertume: la terre d’Allah est vaste

Je laisse là Mohamed et Aïssa et je  plonge directement dans le 5 juillet 1962 à Alger. 



C’est une vue prise sur le vif à la basse Casbah, par le regretté Mohamed Kouaci qui de 1958 à l’indépendance fut le photographe de l’exode des populations paysannes algériennes fuyant bombardements et misères pour se réfugier en Tunisie ; il photographia également les dirigeants du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) installées à Tunis, comme encore Frantz Fanon ou les rédacteurs du Journal El Moudjahed , etc…



5 juillet 2019, Rue Hassiba Ben Bouali



Avec le stationnement depuis deux vendredis de lignées de cars de police le long des trottoirs,  la spontanéité du contexte n’est plus la même, encore bien moins que celle que nous communique une autre photographie de Mohamed Kouaci prise le 5 juillet 1962, à la basse Casbah d’Alger, à l’angle de la rue du Lézard…





Aujourd’hui c’est une manifestation de modernité pacifique et de bonheur partagée, certes, mais avec l’appréhension de ce qu’est la (difficile) nécessité d’un nouveau vivre-ensemble, à peine entrevu, à peine abordé au travers d’une inouïe course d’obstacles…


Fin du boulevard de l’immortelle jeune héroïne Hassiba, les fourgons de la police sont garés en travers de la chaussée rendant impossible la poursuite de la marche populaire, comme les autres vendredis depuis le 22 février, à travers la trémie vers le colonel Amirouche puis la rampe Tafouraf …


Alors ?

Changement d’itinéraire pour les dizaines de milliers de marcheurs.
Passer par les petites rues et les escaliers transversaux montant vers la Rue Didouche et la place Maurice Audin… Et c’est sur ce parcours tortueux qu’on peut voir leur misère, au moment où la terre de ce pays produits ses belles richesses…



Mais aussi ceci 



C’est dire qu’un barrage 300 mètres plus bas n’a pu empêcher au final le rassemblement d’une foule millionnaire et coloriée ! 
Une vue qui a fait mille fois le tour des réseaux sociaux, signée Youcef Ketfi auteur de plusieurs beaux livres sur l’Algérie publiés tant au Canada qu’en Suisse…


Ce même lieu, au ras de la chaussée où la foule ovationnait Benyoucef Mellouk pour son courageux combat solitaire mené depuis un quart de siècle contre « les magistrats-faussaires » (procureurs et procureurs généraux) qui se sont indument accaparés du titre de Moudjahed et jamais inquiétés jusqu’ au jour d’aujourd’hui…


Photographie diffusée le 5 juillet  sur internet par l’éditeur 
Boussad Ouadi


C’est sur ce même croisement de boulevards centraux, cinq semaines auparavant, lors de la marche du vendredi 31 mai, dernier du ramadhan, que je rencontrais par hasard madame veuve Kouaci, contente mais qui me sermonna de ne pas l’avoir appelée  pour discuter de l’état du projet commun d’un ouvrage à la mémoire de feu Mohamed Kouaci (1922-1996) dont on a vu quelques photos plus haut. Un ouvrage projeté pour vulgariser son œuvre auprès des jeunes générations comme l’avait souhaité Kouaci lui-même, homme d’une autre époque de terribles luttes et de résistance…

Avec madame Safia Kouaci


15 heures 30, remontant Didouche dans la liesse populaire :

Sous les 40 degrés torrides de juillet, je captais  ces autres images:




Comme celle aussi d’un carré de marcheurs unis par une grande banderole exigeant la libération du commandant Lakhdar Bouregaa, officier de l’historique wilaya IV, emprisonné fin juin pour ses propos critiques contre l’armée et certaines personnalités de l’oligarchie administrative.


Ce même boulevard où l’icône de la révolution algérienne, Djamila Bouhired, est également photographiée au centre de ce 5 juillet 2019 par Mohamed Cherchal






Image d’un groupe de jeunes dans le flux de la marche claquant des mains et chantant la gloire des héros de « la bataille d’Alger », Hassiba Ben Bouali et Ali la Pointe, tout comme celle du Colonel Amirouche…


Du colonel Chaabani, exécuté à son trentième anniversaire le 4 septembre 1964 à Oran sur ordre de Ben Bella et de son chef d’Etat major et ministre de la défense, etc, etc…


La fierté enfin de se faire photographier avec Larbi Ben Mhidi, dirigeant de la Révolution algérienne (exécuté par l’officier parachutiste de renseignement Paul Aussaresses, sous les ordres directs du général Massu en 1957)…





En mémoire de Fatma Nsoumer, Malika Gaid, Hassiba Ben Bouali, Meriem Bouatoura, Fadhela Saadane…


…Et si nos tee-shirts et cassettes sont mouillés de sueur, ils le sont aussi par la bonté d'une Madone à son balcon qui a su, contre la canicule et la fatigue,  faire de la pluie pour toutes les  passantes et passants



Puis une autre vague, partie de la Grande poste en remontant d’abord tout Didouche Mourad, bifurque pour descendre la rue Victor Hugo afin (« Légende des siècles ») de rejoindre le boulevard Hassiba ben Bouali arborant un drapeau de plusieurs dizaines de mètres confectionné de 48 exemplaires représentant les 48 wilayate du pays…




Ce qu’exprime tout aussi bien à sa manière Le Hic, (de son vrai nom Hichem Baba Ahmed) dessinateur de presse, bédéiste et caricaturiste algérien, né en 1969) dans le journal El Watan :












Ni cette magistrale manifestation aux centaines de ramifications de rues, de places, d’escaliers, ni cette magnifique journée d’été ne sont évidemment terminées ;  mais il est tout même reposant de s’adosser un moment à la mer, même si c’est une image…


Abderrahmane Djelfaoui