samedi 7 juin 2014

Bribes sur les pas de Si Mohand u Mhand



Du port de Tigzirt, deux mini bus nous ont emportés en gravissant l’étroite route de montagne en lacets jusqu’au village de Tifra. Là se sont arrêtés les bus pour que nous commencions la balade à pied sur les traces du poète Si Mohand U Mhand (né aux environs de 1845 et décédé le 28 décembre 1905). Tifra n’était pas le village du poète, mais dans son incessante errance Si Mohand U Mhand était souvent passé dans cette région dans son cheminement vers la Zaouïa de Timliline… 



Cimetière de Tifra en dessous du poste militaire français construit après la défaite de 1871…



Au nom de Dieu je vais entamer le poème
Puisse-t-il être bon
Et s’en aller errant dans les plaines

Quiconque l’aura entendu l’écrira
Il ne l’oubliera plus
L’esprit sagace en comprendra le sens […]


                                                Premières lectures tour à tour en tamazight puis en français




On grimpe encore, en passant devant une maison en construction. Tout autour une campagne féérique malgré la chaleur ; fleurie de senteurs. De temps à autre on aperçoit un troupeau de moutons à l’ombre généreuse d’un olivier. Myrtes blanches aux graines noires sur les bords du chemin. Elles sentent, comme le pouliot (flyou) un temps sans temps…


Du temps que j’étais enfant
Sans pareille était ma beauté
Mon père travaillait pour moi

Nous possédions les bonnes terres de Chemlal
Et d’autres en montagnes
C’était pensais-je la fortune

Maintenant que je prends appuis sur la férule
Mon bonheur penche
Hélas Où est le temps d’antan



L’artiste peintre Arezki Larbi en halte devant ce qui reste de la maison d’une poétesse
du nom de Fadhma Tiliket, décédée l’année passée…


Le chanteur Salah Gaoua, vice-président de l’association Bla-Tiless (sans frontière) organisatrice de la randonnée



Ce siècle ingrat
A la fin m’avilit
Et chaque jour augmente mes peines

Jadis j’étais chevalier
Pourvu de fortune
Je montrais la voie à beaucoup

Maintenant le destin m’est contraire
Et mon bonheur s’est endormi
Sans doute irais-je jusqu’au bout de l’épreuve

Esprit avisé écoute moi je t’en conjure
Ne tiens pas de propos inconsidérés
Car mon mal à personne je ne puis le dire […]




A la halte de la maison de Mohand Akli, chevrier, le grand gaillard explique que son grand-père mort à l’âge vénérable de 114 ans (en 1954) était l’ami de Si Mohand U Mhand qu’il recevait, hors de la maison, lors de ses passages et pour lequel il sacrifiait tantôt un bouc, tantôt un mouton.
L’échange avec ce descendant nous apprend peu à peu que le centenaire avait trouvé une recette éprouvée contre les invasions de sauterelles qui s’attaquaient à l’écorce des arbres. Il les recouvrait de la laine des brebis, ce qui les sauva…


Ne te fie pas au monde il ne dure pas
Il peut démentir ton étoile
J’ai vu la chèvre insulter le bélier

Le faucon qui allait en tête des foules
Aujourd’hui pauvre hère
Est devenue la proie des battues

Les bouchers qui lavaient la viande
De sa bouse sauf votre respect
Sortent maintenant vêtus richement
 

Mais comment retrouver au plus prés de sa vérité cette voix d’un grand bohème du 19ème siècle ? Surtout dans ces espaces d’air pur, lumineux où des centaines d’oiseaux pépient mélodieusement en concert rappelant l’autre grand poète du 12ème siècle : Attar…


            Où l’on marche même sur des centaines de mètres pieds nus sur les petits cailloux et les crottes de biques…


[…] Je n’avais pas de compagnon
Il est bon pourtant de faire route ensemble
A deviser tout en marchant […]



[…] Et moi voué à la bohème
Et à l’exil
Je trouve les morts plus heureux […]



                                                             Khaled Louma T34, sur le chemin du retour…

  

[…] Je suis comme l’oiseau sur qui dans son nid
L’épouvante fond
Parce que ses frères envolés l’ont laissé seul […]



Après une belle et longue balade l’appétit est heureux. Un couscous est offert à l’association sur l’esplanade du port de Tigzit.
Ce même port, sur les quais duquel, le matin tôt avant le départ en montagne j’avais vu les pécheurs débarquer un très gros thon…




Nous sommes tombés raides dans la mer

Sans espoir de nous en tirer

A moins que Tu ne nous sauves mon Dieu
 
Voici fondre sur nous la vague
Mes yeux pleurent
Mes amis familiers […]
 
 
 










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