jeudi 17 mars 2016

La préhistoire ? Un travail de maintenant pour maintenant !

« Une expo sur la préhistoire ?! Mais vraiment à quoi bon ?... Déjà que l’histoire, elle-même !…. » s’exclameraient bien gens sans trop réfléchir …


Pourtant qui peut oublier l’exposition des restes de Lucy « la mère de l’humanité » à l’occasion du Panaf? Jamais peut être un musée d’Alger n’avait connut une telle influence ; si vieux et tranquille dans ses jardins silencieux le musée était soudain devenu une ruche sinon une place publique recherchée… N’y est-on d’ailleurs pas venu d’autres villes et localités ? Et beaucoup de jeunes avec leurs parents, tel un raz de marée, heureux,  dont la majorité (une masse qui n’a cessé de gonfler depuis 2009), ne jurant que par les activités de face book, de jeux, de films, de sms et autres communications de copier-coller in live. Les médias, tous supports confondus, ne s’étaient-ils pas alors emparé du filon de la nuit des temps : une jeune femme de plus de 3 millions d’années nommée Lucy ? A croire qu’il y a bien un lien (positif) entre la préhistoire et le numérique !..



D’abord un scoop d’histoire sur la préhistoire…

Tabelbala, vous connaissez? Moi non plus avant que des préhistoriennes préparant cette exposition ne m’en parlent. « Tabelbala est un site au sud de Beni Abbès dans la région de Béchar. On y a découvert une technologie de fabrication d’outils extraordinaire », dit posément Faiza Riache, chercheur en préhistoire, commissaire de l’exposition et conservatrice du patrimoine culturel au Musée National du Bardo. Son enseignante de préhistoire, chercheur et contributrice à l’UNESCO, madame Aumassip, précise : « Extraordinaire, parce qu’on y a inventé différentes manières d’obtenir des éclats »…
Qui n’existaient pas avant, je demande…
« Si on les a inventé, c’est que cela n’existait nulle part ailleurs…. Et cela il y a un million, un million deux cent mille ans, à peu prés…» Une époque où la région de Tabelbala avait certainement des lacs et des savanes où évoluaient des hippopotames, des zèbres, des crocodiles et autres immenses oiseaux disparus depuis… Une région de chez nous où des inventeurs anonymes ont vécu et participé à transformer l’histoire de l’humanité il y a plus d’un million d’années, juste le temps pour la lumière de sortir de notre galaxie, une des plus humbles de l’univers. De quoi rêver…

Façade d’entrée du Musée (photographie Abderrahmane Djelfaoui)


Nouvelles recherches et pluridisciplinarité

Pour revenir à l’exposition et avoir un aperçu sur la manière dont a été conçue « L’Algérie dans la préhistoire »), sa laborieuse préparation depuis une année et les objectifs attendus, nous nous sommes adressés à un autre membre du staff du Musée, madame Boudjebbour Samia, archéologue et conservatrice en chef.
« Cette exposition procède d’une nouvelle vision de la préhistoire vu que les recherches des cinquante dernières années ont amenés beaucoup de changements. Par exemple à coté des sites anciens, comme celui Ain El Hnach, découvert en 1949, il y a des sites de fouilles nouveaux qui ont apportés des informations nouvelles et ont permis de préciser beaucoup de connaissances sur la préhistoire en Algérie, au Maghreb et en Afrique du nord. Cette exposition est donc née grâce aux chercheurs qui ont bien voulu remettre au Musée leurs conclusions de fouilles, leurs résultats d’études et d’analyses, leurs photographies inédites, leurs films et leurs relevés. Cela s’est fait avec la collaboration des professeurs de l’Institut d’archéologie et les chercheurs qui sont en activité. » 

Panneau mural sur les fouilles effectuées à Errayeh, prés de Sidi Ali, Mostaganem
par l’équipe du docteur  Derradji Abdelkader


« Même si la préhistoire a été l’objet d’expositions régulières dans notre musée durant les dernières décennies, poursuit madame Boudjebbour, on doit dire que la différence avec celle d’aujourd’hui c’est qu’elle est sortie de la présentation de la préhistoire seulement à travers les outils.  Avant, la présence du fabricant d’outils n’existait presque pas ou n’était pas palpable. Aujourd’hui, à des centaines de milliers ou millions d’années de distance, nous pouvons découvrir son environnement ; les animaux sauvages qui l’entouraient ; comment il vivait avec ses rituels, son art, ses coutumes, etc. Cela grâce aux nouvelles technologies qui ont permis de meilleures investigations. A l’époque coloniale des Gabriel Camps et Lionel Balou, la recherche en préhistoire ne disposait pas des laboratoires de recherches et d’analyses avec leurs différents matériels microscopiques … On n’avait pas la qualité photographique d’aujourd’hui, ni l’apport d’autres domaines scientifiques comme la géologie, l’informatique  ou ceux des techniques de datation précises actuelles». Et la conservatrice (actuellement en deuxième année de doctorat) d’attirer mon regard vers une vitrine où figure en très gros plan un infime morceau de viande détecté sur la cote fossile d’un hippopotame par le microscope électronique…


De  grandes espérances.

On ne peut ni tout expliquer ni « tout montrer » par les mots. Il faut bien entendu, comme les équipes de chercheurs eux-mêmes qui se donnent la peine et le plaisir d’aller sur le terrain des fouilles que nous, tous publics intéressés, allions voir de prés les innombrables objets soigneusement mis en valeur pour cette grande exposition. Y aller en groupe, en amis, avec nos enfants, ou nos invités côtoyer la ligne de crête d’un passé d’avant le passé…

Il faut savoir que les non voyants, par exemple, trouveront des documents d’explication en braille dans chaque espace et pour les jeunes et moins jeunes des copies de galets, de silex, de poteries ou flèches et autres qu’ils pourront toucher, palper, sentir de leurs propres doigts… D’ailleurs, précise Faiza Riache, Commissaire de l’exposition, « depuis 2012, nous avons prévu en parallèle de faire des ateliers de préhistoire. Et pour cela j’ai moi-même fait une formation avec les enfants… Des ateliers fonctionneront pour donc pour les 6 à 13 ans. On leur montre comment se fait une fouille archéologique. Egalement un atelier de peinture rupestre. Et au-delà de cette exposition, il est prévu un programme tout au long de l’année. Le 1er juin nous espérons organiser un rallye de préhistoire avec plusieurs groupes d’enfants dont chaque groupe représentera un homme de la préhistoire : l’homo sapiens,  l’australopithèque, etc., avec au centre du jeu une énigme à résoudre…Mais pour cela, bien sur, les enfants devront lire attentivement l’exposition… » Une sorte de recherche au trésor… « Exactement ! »

La commissaire d’exposition devant une des vitrines d’exposition du Bardo (Photo Abderrahmane Djelfaoui)


Procession d’il y a 7000 ans peinte sur la paroie de l’abri du taureau à Tin Hanakaten




Pour le plaisir allons donc au Bardo pour (un peu) comprendre comment l’humanité a commencé son aventure qui ne tenait qu’à un fil; (un peu) méditer les conséquences sur nos vies d’aujourd’hui et de demain, et certainement même (beaucoup) sourire de notre smartphone a qui il a arrive parfois de bugger alors que nos ancêtres avaient eux trouvé un moyen sur de nous communiquer en « hors champ » leurs peintures et dessins depuis des distances qui se comptent en millénaires bien avant l’invention même des permières cités et de l’écriture en Mésopotamie (aventure qu’on peut par ailleurs redécouvrir en allant cliquer sur Youtube)…

C’est d’ailleurs à peu de chose prés le vœu de la conservatrice en chef qui nous a fait l’honneur d’une visite inédite. Pour elle, cette exposition qui a demandé tant d’efforts, un temps long  et nécessité les contributions multiformes et neuves de très nombreux chercheurs et spécialistes de la communication, cette expo doit avoir de fructueux prolongements dans la vie active comme il en est déjà dans certains pays voisins…
« Que cette exposition ouvre donc des portes, dit-elle. Que la recherche soit sérieusement aidée à être développée et transmise aux jeunes générations. Cela avec la contribution de différents ministères, pas uniquement celui de la culture. Egalement ceux de l’enseignement supérieur, de l’environnement, du tourisme…et cela dans la perspective d’intégrer harmonieusement différentes branches et activités  pour valoriser notre pays qui a un patrimoine archéologique très riche et régulier dans le temps. Régulier pour seulement dire que depuis les temps de la préhistoire à nos jours cette terre, notre terre, a toujours été habitée, sans rupture depuis Ain El Hnech, depuis deux millions d’années et Tighnennif depuis 700 000 à 900 000 ans... »


Galerie de vitrines et panneau mural sur l’environnement préhistorique d’un des terrains de fouilles qu’est Taza




Abderrahmane Djelfaoui






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