dimanche 7 juin 2015

Poésie. « La profonde terre du verbe aimer »



« La profonde terre du verbe aimer » est composé deux courts recueils : « De bouche à oreille » de Marc Bonan et « Après la main » de Hamid Nacer-Khodja, tous deux humbles poètes du terroir, - « terroir » au sens d’une terre qui prend le temps de son mûrissement pour dire lumineusement et avec une grâce nostalgique ce que d’amour elle fait de nous.

Le plus proche de ces poètes est bien entendu Hamid Nacer-Khodja, aujourd’hui reconnu comme un des plus grands spécialistes de la vie et de l’œuvre de Jean Sénac. Sénac que nous citons en  « passeur », puisqu’il y a prés de quarante ans, en 1971, sortait à Paris dans la revue de poche « Poésie 1 » une « Anthologie de la jeune poésie algérienne d’expression française », dirigée par Jean Sénac et où figurait pour la première fois le nom d’un tout jeune poète de 18 ans : Hamid Nacer-Khodja…

Lazahari Labter, poète et éditeur qui présentait la sortie de « La profonde terre du verbe aimer » à la librairie Omega de l'Hôtel Aurassi d'Alger, se rappelle avoir déjà tenu le recueil de Hamid Nacer-Khodja (« Après la main ») alors un assemblage de feuilles dactylographiées avec une vielle machine Jappy, il y a des dizaines d’années de cela… « Il ne voulait pas le publier », et de préciser : « à le relire, il n’y a pas changé grand-chose en quarante ans, si ce n’est de menues corrections ici ou là…. »



Un poème parmi d’autres intitulé « Les fausses paroles » est dédié à Jean Déjeux.

Poète
Que peut la parole
Contre l’Amour
Le verbe a toujours mordu
Il n’a jamais surgi
Au poing
La Bête
Aucune vérité mon cœur
Aucune fausseté aussi

Il nous donne également des pièces aux titres recherchés : « La vierge et le verseau », « Rime beau, Arthur ! » ou « Quetzal »…



Le second poète qui n’en ouvre pas moins ce livre à deux voix avec « Bouche à oreille » s’appelle Marc Bonan. C’est un inconnu de la littérature, un poète âgé de 80 ans, né à Blida en 1928 et vivant aujourd’hui à Marseille… Marc Bonan était entré dans la vie active en tant que meunier en même temps qu’il commença d’écrire de la poésie.  Il reçu Le Grand Prix de Littérature de la ville d’Alger en 1955 pour, justement, de « Bouche à oreille », aujourd’hui réédité. Il écrira d’ailleurs de ce métier de meunier : « L’artisan est très prés de l’artiste, qui cherche la noblesse et la dignité, qui enseigne la ferveur»…

Poussière de ce temps, le premier poème qui ouvre « Bouche à oreille » et l’ensemble de l’ouvrage («La profonde terre du verbe aimer ») s’intitule « Tilleul » et est dédié « Pour Hamid »… 

Au silex au couteau
sur ton écorce d’âges
l’enfance d’un cœur.

A pas de feuilles
à pas de fleurs
errances
sous ton voile d’ombre
qui roucoule et jacasse
au soleil de midi.

Terrassier
reprends ta pioche :
l’arbre est ma forêt.

Un poème que suivront d’autres aux noms de « Araignée », « Lézard », « Abeille », « Cigale », « Libellule » et « autre « Papillon » avant d’embrayer sur une série nommée « De Médéa à Alger ». Puis à la fin de "A la vie à la mort", ce poème intitulé "Grenade"

A Grenade 
je suis juif, chrétien
et maure de surcroît

D'en haut, d'en bas, 
Grenadins, 
pourquoi fondre l'or du Siècle
en vils bijoux, 
donner à Lorca des éclats d'échoppe
et des rimes marchandes aux coplas?

Pour les oubliés,
pour les insoumis,
je rouvre les bûchers,
circonscris les mémoires
d'où jaillissent les encres des livres de nos cris
et mêlant à vos sangs
l'huile de nos lampes
fais renaître des cendres
la prière des rebelles.

Enfin, un plaisir inattendu que nous offre ce livre est que sa couverture en est signée par le poète, dessinateur et peintre Hamid Tibouchi… La couverture (un Noun) ainsi que les deux fausses unes qui ouvrent l’intérieur de l’ouvrage…
Ce n’est donc plus « d’une pierre deux coups » (Nacer-Khodja/ Bonan) ; ni même d’une pierre trois coups (les deux premiers + Lazhari Labter), mais carrément d’un jet plus de quatre coups : Nacer-Khodja/ Bonan / Labter / Tibouchi… en y ajoutant les dédicaces aux Sénac, Max Jacob, Déjeux et autres Vercors...

Un livre à se procurer absolument ; à lire et à offrir sans compter.

L'éditeur Lazhari Labter (à droite) présentant le nouvel ouvrage de Hamid Nacer Khodja:
 "La profonde terre du verbe aimer" (Poésie)
à la librairie Oméga, Hôtel Aurassi, Alger


Abderrahmane Djelfaoui

*Les illustrations originales de couvertures sont de Hamid Tibouchi que je remercie

1 commentaire:

  1. Un verbe que tu as merveilleusement conjugué pour rentre 4+1 fois plus intensément hommage à la poésie..

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