lundi 15 juin 2020

LE PRÉSENT RETROUVÉ…AU DOUBLE SENS DU MOT « PRÉSENT »…






A quelques jours du début du 21 è siècle (et du « bug » électronique que nous attendions tous avec naïveté), le 21 décembre 1999 exactement, je publiais dans « Le Siècle », (journal aujourd’hui disparu) un reportage  pleine page réalisé à Mostaganem…

Comme d’habitude, celui qui m’avait avec patience et gentillesse reçu, aidé, guidé, introduit à travers les arcanes de Mosta, ses curiosités, son passé, ses personnages, ses vivants et jusqu’à l’ombre de ses morts c’était Abderrahmane Mostfa. A l’époque photographe, un des animateurs et comédiens du théâtre de la Salamandre, animateur également de ciné-club et passionné de recherches historiques contemporaines (ses pistes et traces) à travers toute la région de Mostaganem et au-delà…




Où l’on commence d’abord loin du centre-ville…


Quand Abderrahmane Mostefa me signala la publication du « Diwan du Cheikh Abdelkader Betobdji » édité par la Société d’Impression de la wilaya de Mostaganem au début de cette année 99, ma première curiosité fut de savoir pourquoi un jeune chanteur châabi, Ghlamallah Abdelkader, s’était passionné pour de longues et difficiles recherches puis la publication de textes d’un poète soufi, poète traditionnel du medh décédé en 1948 à Tigditt, soit enterré cinquante ans plus tôt…

Mais avant d’aller voir le musicien, Abderrahmane Mostefa téléphona sur une ligne fixe au vieux maitre érudit de la ville (il n’existait pas alors de smartphone) lequel accepta de nous recevoir sur le champ à son domicile. Ā Hassi Mamèche, petit village à 8 kms de Mostaganem, sur la route de Mazagran et de Mascara. Edifié sur une colline dominant la plaine et le golfe de Mosta, dans un paysage (à l’époque) rural, dont le nom avait été Rivoli dès le milieu du 19 è siècle ; nom donné par des familles venues de Paris y installer, sous la sécurité de l’armée, une colonie agricole après la troisième révolution française de 1848 qui avait destituée le roi Louis Philippe et proclamée la République… Ainsi : percée démocratique là-bas (chantée par un Lamartine) et poids de plus en plus cruel de la colonisation ici que les tribus dépossédées de leurs terres collectives ne cessaient de combattre désespérément..

Notre hôte n’était autre que l’érudit Abdelkader Benaissa El Mostaghnmi à la longue carrière de militant nationaliste au PPA/MTLD, animateur d’associations culturelles et musicales durant les vingt dernières années de la colonisation : Essaidia, dont firent entre autres partie le dramaturge Ould Abderrahmane Kaki (qui adaptera Samuel Beckett en arabe parlé en 1958 à Mosta même) et le chanteur châabi Maazouz Bouadjaj… 

Avec l’âge et l’ingratitude des temps, Abdelkader Benaissa  s’était retiré pour approfondir en solitaire ses activités de chercheur et d’essayiste infatigable d’essais et opuscules d’histoire locale et nationale.

Il nous reçu d'abord au premier étage de sa villa, une maison de maître où il nous offrit café et rafraîchissements. Puis nous descendîmes au rez-de-chaussée dans son bureau où il était évident qu’il devait y passer le plus clair de son temps. Un bureau-bibliothèque encombré de livres, de journaux, de boites d’archives, de catalogues, de manuscrits, de pièces de collection, de photographies et d’objets divers…  Ce "laboratoire du savoir" donnait sur un jardin égayé de multiples pièces archéologiques en pierre dont il nous contait avec un sourire de tendre fierté comment il en avait trouvé les morceaux et remonté l'histoire....[Pour mémoire, il a été l'auteur en 1968 d'un livre intitulé: "Mostaganem & sa wilaya dans l'Histoire & la Pré-Histoire"]


C’est dans cet espace magique (fin de siècle 20!) que l’érudit m’apprit, au fil de la discussion, que Cheikh Betobdji était de la lignée d’un Sidi Lakhdar Benkhlouf , « un des sept oualis ou « gardiens mythiques »  de la ville et que sa poésie est bien sculptée ! »… Après un moment méditatif il ajoutait à notre intention : « Lakhdar Benkhlouf est le premier poète de Chi’r el melhoun algérien à avoir eu son œuvre imprimée et diffusée à Rabat en 1958 »…

En repartant de chez lui, le vieil homme tint à m’offrir deux de ses livres : « Annales Mostaganémoises 1952-1962. L’art au service de la patrie » (qu'il me dédicaça) et un autre sur l’Emir Abdelkader.





Rencontre avec Ghlamallah au centre-ville…


Si je ré-insiste, vingt ans après, sur cette traversée de la ville à pieds, c’est que la Mostaganem d’alors m’apparaissait avoir une échelle sympathiquement humaine. Ville portuaire, ville populaire et paisible, ville de plages et de poisson, ville où la ruralité de bon sens avait aussi ses allées et venues, elle était comme ouverte au ciel, à sa lumière, à l’espoir des belles et bonnes rencontres … Abderrahmane Mostefa qui en est natif n’y a jamais « circulé » qu’à pied. Tout au plus, parfois, en taxi pour une urgence… Qui aurait alors pu imaginer l’insupportable cacophonie automobile d’aujourd’hui ?... Et l’exiguïté d’une ville, ses boulevards, places et vieux marchés qui ne semblent au vu des foules browniennes ne plus bien savoir où sont ses points cardinaux…

[Juste avant d'écouter le récit de Ghlamallah lui-même, savoir que le petit magasin "Le Carré" où il me reçut est aujourd'hui fermé... Ce fut un éphémère lieu de rencontres des musiciens, mais aussi de beaucoup de jeunes...]








Ghlamallah, jouant de son instrument préféré


(2) [Savoir que né en 1960 à Mostaganem, Abdelkader Ghlamallah est enseignant de musique tant dans l’enseignement public qu’au Conservatoire de l’Association du Nadi El Hillal Ethaqafi dirigé par Moulay Benkrizi, « mon maître » dit Ghlamallah pour ce qui est de la musique andalouse.


L’inattendu, où l’arrivée du petit-fils du Cheikh…




Didi Mahieddine Betobdji, 
petit fils coté maternel du Cheikh Betobdji 
et ancien avocat à la cour de Mostaganem.


Le récit de Didi Mahieddine Betobdji.




Coucher du soleil sur le golfe de Mostaganem.
On voit sur la ligne d’horizon le nuage de fumée d’une des torchères des GNL du port gazier d’Arzew…
(photo Abderrahmane Djelfaoui)








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