Chaque
été les feux de forets, un peu partout sur les reliefs du nord de l’Algérie, plombent
les populations d’un lot inédit de détresse. En cet août 17, plus caniculaire
que d’autres, la limite de la désespérance des cendres qui étouffent, aveuglent
et enragent a été atteinte; cendres qui (surajoutées aux longues coupures
d’eau) ont plu jour et nuit sur la ville de Annaba, entre autres, à partir de
ses monts de chênes liège de Séraidi, de
Bougentas, de Bouzizi et Ain Barbar sans parler des forets de la Calle à
quelques encablures de la frontière algéro-tunisienne…
Vue de départs de feux à l’ouest de la ville…
Tel un ou plusieurs volcans qui s’éveillent
menaçants…..
A 1000 mètres
d’altitude, au village de Seraidi édifié par des alsaciens au 19ème
siècle et où se trouve l’hôtel El Moutazah créé à flanc de falaise par Pouillon
après l’indépendance, les colonnes de fumées s’élèvent monstrueuses dans la
stratosphère -déportées par un faible vent marin au-dessus de la ville de
l’acier et de l’ammoniac-, rappelant de très sombres souvenirs, notamment
l’incendie des environs de la plage de Djenan el Bey (ou oued Baqrat) et plus
particulièrement de Seraidi même, « village
de villégiature et de tourisme » qui en garda de lourdes marques des
années durant…
Tant qu’on voit
l’épaisse fumée de loin (ou qu’on a l’illusion de la voir de loin), on suffoque
de chaleur comme dans un four, tout au plus… Mais dés que les flammes ont fini
par atteindre le centre sportif du village (le CREPS), les maisons de la
première périphérie du coté de Temmam et les aires de jeux d’enfants, les
poteaux et les câbles du téléphérique au dessus de la route du « Lidou » (l’Edough, en fait).. ainsi
que la roche très peu en équilibre au-dessus des lacets de la route qui grimpe
sur 16 kilomètres, la peur panique s’installe alors et les équipes de pompiers
mobilisées avec leurs camions et 4x4 ne suffisent plus face à l’enfer des
flammes, face à l’air irrespirable des fumées toxiques, aux morceaux de grosses
branches et d’écorces qui explosent jusque sur les toits et les jardins des
maisons…
… Etrange Bouna-Annaba
qui semble jouer en maître du béton qui bouffe à pas de géant le piémont de la
montagne mais qui ne semble pas se soucier des meilleurs moyens pour éviter ou
alors de contrôler et juguler les feux à répétition qui embrasent la peau de
son corps indolent…
… Ils et elles sont
encore nombreux à Annaba à se souvenir d’une année terrible où l’embrasement de
la foret, coté mer et ses criques de rêve, avait quasiment bloqué les estivants
sur la plage de Oued Baqrat… Une magnifique plage de carte postale entourée par
des kilomètres carrés de fournaise. Voitures atteintes par le feu. Brûlées...
Cul de sac ! Impossibilité de prendre même la route à pied. Impossibilité
d’y acheminer les secours. Impossibilité de tout sauf la vision de la mort par
crémation… La fin du monde ! Et les animaux devenus fous de dévaler de la
montagne vers la plage. Les sangliers notamment, poil brûlé, museau enflé filant
comme des saouls furieux sur la plage de sable… Et les baigneurs tous
contraints de nager vers le large où, après des heures de dérive et d’angoisse,
ont put enfin être récupérés avec des barques et des petits bateaux de fortune…
Un film-catastrophe !...
Et en cet aout 17
c’est le remake d’un film
d’épouvante…
Avant la fin d’un
monde : les sous bois et la légèreté des fougères (dont les scientifiques
affirment que c’est la plus vieille plante de la planète) ; c'est-à-dire la
nature dans toute sa splendeur avec ses nuances de vert, ses fleurs, ses
papillons, ses parfums et sa fraicheur ; le désir de s’arrêter en bord de route
et de prendre plusieurs bols de plaisir ; de rêver à une randonnée à
pied ; d’observer de loin des ruchers d’abeilles; un vol plané de
faucon ; de voir parfois surgir par dessus la route un lapin, une fouine
ou un petit renard et s’émerveiller de l’équilibre multimillénaire entre les
flancs de ces vieux monts, la plaine, les routes, la densité des constructions
et la mer… La mer méditerranée ou « el
bahr el abyadh el moutaouassit »… Un instant on croit que la beauté est
éternelle (juste un instant dans le vent) quand tout va basculer dans le pire…
Boites de conserve et bouteilles de verre éclatées
ne sont pas parties en fumée, elles….
Des images de
désolation qui me remettent en mémoire des vidéos d’été de multiples chaines
internationales d’information où l’on observe des hydravions canadairs en train
de larguer à basse altitude leur cargaison de poudre ou d’eau sur les flammes…
Sur d’autres continents, d’autres terres où les gens en charge du patrimoine
parlent d’autres langues…
A PLUSIEURS
KILOMETRES DE LÀ. . .
Dans le jardin d’une maison, les feuilles encendrées
d’un figuier attendant désespérément quelque orage de pluie…
texte et photographies Abderrahmane Djelfaoui
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