mercredi 13 février 2019

Torture / Algérie en guerre





Anna Gréki (1931-1966)
écrivait à Serkadji sur qu'elle avait subie en 1957:


Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur
C'est ma manière à moi d'avoir du cœur à revendre
C'est ma manière d'avoir raison des douleurs
C'est ma manière de faire flamber des cendres
A fond de cale à fleur de peau à l'abordage
Ma science se déroule comme des cordages
Judicieux où l'acier brûle ces méduses
secrètes que j'ai draguées au fin fond du large
Là où le ciel aigu coupe le ciel au rasoir la terre
Là où les hommes nus n'ont plus besoin d'excuses
pour rire déployés sous un ciel tortionnaire
Ils m'ont dit des paroles à rentrer sous terre
Mais je n'en tairai rien car il y a mieux à faire
Que de fermer les yeux quand on ouvre son ventre...


A la même période, le peintre surréaliste chilien Roberto Matta (1911- 2002), d’abord installé en France au début des années 50 puis en Italie peignait "La question" (d’après le récit d’Henri Alleg) , en 1958, une toile de prés de 2 mètres sur 3 mètres...





Analysant cette œuvre et la volonté du peintre « les émanations de l’innommable » et de « visualiser l’histoire », l’historienne de l’art Anissa Bouayed écrit  dans son livre « L’Art et l’Algérie insurgée. Les traces de l’épreuve 1954-1962 » édité à Alger en 2005 :


« … Des pans disjoints, verticaux et horizontaux, structurent partiellement l’espace où s’activent des figures totémiques dans une gestuelle infernale.  Réduction des bourreaux à n’être que des agents macabres.  Réduction par la violence subie et la douleur de l’être supplicié qui résiste à son anéantissement, on pourrait dire à sa désintégration tellement les formes empruntées par le peintre, les lignes brisées en autant d’éclats et d’éclairs montrent l’épouvantable intensité des champs magnétiques et des forces assaillant un être pour briser son intégrité physique et morale. Le blanc des éclairs, lignes brisées, irradiantes parcourent un univers gris, celui des tortionnaires, réduits à leur fonction délétère et perverse, tout entiers tendus vers leurs appareils, pointes métalliques, robots, dans un attirail de signes, une machinerie envahissante et terrifiante… »



dimanche 10 février 2019

Act 3 - Réfugiés au Bangladesh et +…




La rétrospective des photographies primées par la Fondation du World Press  Photo 2018 à Amsterdam se poursuit au Mama d’Alger.

Ici quelques prises en noir et blanc du photojournaliste canadien  Kevin Frayer,  basé en Asie, montrant la tragédie d'innombrables  familles de musulmans birmans fuyant vers le Bangladesh pour sauver leur vie…











Kevin Frayer (46 ans) est déjà bien connu pour ses reportages couvrant le Moyen orient et plus particulièrement la Palestine.




Image de la BBC - 19 septembre 2008

Les Palestiniens de Cisjordanie attendent la permission d'accéder au point de contrôle israélien à Kalandia pour pouvoir assister aux prières du vendredi à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem-Est occupée par les Israéliens (photo: Kevin Frayer / AP)




Abderrahmane Djelfaoui



mercredi 6 février 2019

Bandit d’honneur mexicain ou chilien ? - Chilien ! répond le poète Pablo Néruda…


Portrait imaginaire de Joaquin, « Le Voleur des Montagnes »…



Cette histoire vraie d’un bandit d’honneur me rappelle, entre autres, celle du chaoui Messaoud Benzelmat, surnommé Le gaucher, de la tribu des Beni Bouslimane, né vers 1894 et tué par les goumiers en 1921…

Pour ce qui est de Joaquin Murieta, voilà de larges extraits de l’histoire telle que la raconte Pablo Néruda dans le recueil de ses articles et papiers intitulé : « né pour naître » (« PARA NACER HE NACIDO »), traduit de l’espagnol par Claude Couffon et édité en 1980 par Gallimard.




… Lorsque la nouvelle de la découverte de l’or en Californie s’ébruita, une multitude de Chiliens se transporta là bas à sa recherche. On partait de Valparaiso qui était à l’époque le port le plus important du Pacifique Sud. Les émigrants étaient des mineurs, des paysans, des pêcheurs, des aventuriers, irrésistiblement attirés par le hasard éblouissant. Des hommes accoutumés à vaincre au Chili les difficultés engendrées par une terre pauvre et âpre.


… Parmi eux se trouvait Joaquin Murieta, le plus célèbre des bandits du Chili. Mais n’était-il vraiment qu’un bandit, qu’un hors-la-loi ?
C’est le sujet de mon poème.



Murieta eut de la chance. Il dénicha de l’or, se maria avec une compatriote, et tandis qu’au prix d’un effort inouï il continuait à chercher de nombreux gisements éclata le drame qui changea sa vie.
Mexicains, Chiliens et originaires de l’Amérique centrale vivaient dans les quartiers pauvres des cités qui poussaient comme des champignons aux environs de San Francisco. On entendait le soir, palpiter les guitares et s’élever les chansons du continent brun.

Bientôt cette avalanche d’étrangers, d’or, de refrains et d’allégresse suscita la violence. Les Nord-américains constituèrent des associations de gardes blancs qui s’abattaient la nuit sur ces gîtes, incendiant, rasant, massacrant.

L’idée du Ku-Klux-Klan, sans aucun doute, est née de là. Car ces premiers croisés yankes qui voulaient débarrasser la Californie des Latino-Américains et, aussi, bien entendu, faire main basse sur leurs découvertes, montraient le même racisme frénétique que ceux qui leur ont succédé jusqu’à nos jours. C’est au cours d’une de ces razzias que fut assassinée la femme de Joaquin Murieta.
Le Chilien, qui était au loin, jura, à son retour, de se venger.

Dés lors, les humiliations et les raids des bandes ne restèrent plus impunis.
La nuit, le clan vengeur partait à la chasse aux Nord Américains et ceux-ci tombaient comme dxes épis murs chaque fois qu’ils rencontraient Murieta et ses hommes.
Durant plus d’un an cette guérilla secrète s’exerça comme elle put et, pour répondre à la légende des bandits au grand cœur, vola le riche pour donner au pauvre, autrement dit restitua aux détroussés ce que leur avaient dérobé les détrousseurs.



Joaquin Murierta mourut comme les gens de son milieu : durant une escarmouche, et criblé de balles.  Sa tête fut exposée à la foire de San Francisco et enrichit ceux qui faisaient payer les badauds pour contempler ce triste trophée.

Pourtant Murieta – ou mieux, la tête de Murieta- ressuscita pour un nouveau destin. Une légende surgit qui, cent ans plus tard, continue de chevaucher dans la mémoire de tous les peuples de langue espagnole. Une multitude de livres, de chansons, de poésies populaires maintiennent vivant son souvenir. Les Nord-Américains l’ont traité de bandit, mais le terme s’est ennobli dans le souvenir du peuple, qui le prononce avec respect quand il s’agit de Murieta…


Affiche de la pièce de théâtre écrite par Pablo Neruda




Salvador Allende et  Pablo Neruda. FUNDACIÓN ALLENDE






Abderrahmane Djelfaoui