Anna Gréki (1931-1966)
écrivait à Serkadji sur qu'elle avait subie en 1957:
Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur
C'est ma manière à moi d'avoir du cœur à revendre
C'est ma manière d'avoir raison des douleurs
C'est ma manière de faire flamber des cendres
A fond de cale à fleur de peau à l'abordage
Ma science se déroule comme des cordages
Judicieux où l'acier brûle ces méduses
secrètes que j'ai draguées au fin fond du large
Là où le ciel aigu coupe le ciel au rasoir la terre
Là où les hommes nus n'ont plus besoin d'excuses
pour rire déployés sous un ciel tortionnaire
Ils m'ont dit des paroles à rentrer sous terre
Mais je n'en tairai rien car il y a mieux à faire
Que de fermer les yeux quand on ouvre son ventre...
A la même période, le peintre surréaliste chilien Roberto Matta
(1911- 2002), d’abord installé en France au début des années 50 puis en Italie
peignait "La question" (d’après le récit d’Henri Alleg) , en 1958, une
toile de prés de 2 mètres sur 3 mètres...
Analysant cette œuvre et la volonté du peintre « les
émanations de l’innommable » et de « visualiser l’histoire », l’historienne
de l’art Anissa Bouayed écrit dans son livre « L’Art et l’Algérie
insurgée. Les traces de l’épreuve 1954-1962 » édité à Alger en 2005 :
« … Des pans
disjoints, verticaux et horizontaux, structurent partiellement l’espace où s’activent
des figures totémiques dans une gestuelle infernale. Réduction des bourreaux à
n’être que des agents macabres. Réduction par la violence subie et la douleur
de l’être supplicié qui résiste à son anéantissement, on pourrait dire à sa
désintégration tellement les formes empruntées par le peintre, les lignes
brisées en autant d’éclats et d’éclairs montrent l’épouvantable intensité des champs
magnétiques et des forces assaillant un être pour briser son intégrité physique
et morale. Le blanc des éclairs, lignes brisées, irradiantes parcourent un
univers gris, celui des tortionnaires, réduits à leur fonction délétère et
perverse, tout entiers tendus vers leurs appareils, pointes métalliques,
robots, dans un attirail de signes, une machinerie envahissante et terrifiante… »
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