jeudi 18 mai 2017

Cascades, Effel et TGV à El Ourit

Des amis cinéastes, journalistes ou voyageurs avertis m’avaient beaucoup parlé des cascades de Tlemcen, les vantant et me rapportant même comment un Bachir Hadj Ali, alors jeune responsable politique en clandestinité dans les années 50, s’extasiait au lumineux plaisir de cerisiers sauvages au bord d’eaux fraiches et limpides… C’était avant que les travaux du barrage de Meffrouch (« l’étalé ») ne soient achevés en 1960… 

Panorama paradisiaque d’ El Ourit (Photo d’archives)

Ces chutes de cascades d’El Ourit (le gouffre) , les tlemcéniens y vont en petits groupes de camarades ou en famille ainsi que les touristes par la vieille route en lacets reliant Tlemcen à Alger par Sidi Bel Abbès et Mohammedia, que  l’autoroute est-ouest  aujourd’hui a remplacée, bien loin des pics escarpés avec un de ses passages qu’on nommait « le col du juif » ….



En sus de la retenue drastique des eaux par le barrage en amont, la baisse de la pluviométrie ces trois dernières décennies a durement asséchée cette région majestueuse en faisant disparaitre nombre d’arbres fruitiers à l’exception des pins le long des rives de l’oued ou l’olivier qui s’accroche encore bien aux falaises…
Cet immense précipice vers lequel je lève les yeux me rappelle celui des gorges de la Chiffa (Médéa) ou de Lakhdaria (ex Palestro, wilaya de Bouira) à des centaines de kilomètres de là…




Dés la fin du 19ème siècle, un train faisait gronder la montagne en direction de Tlemcen qui n’était qu’à quelques kilomètres en « sortant du tunnel creusé dans les dolomies traversant un pont, ouvrage unique en son genre, construit par Gustave Effel, le réalisateur de la tour de Paris qui porte son nom » (« Tlemcen en un clin d’œil » par Bouayed Mohammed Morsli, 2017)



Le musicien Hami Benosmane de Tlemcen (mon guide avec l’ami Kamel Bendimered dans cette visite) me précise une fois au bord du grand bassin (« Zerga ») que « les femmes allaient à la cascade pour laver la laine et, toutes occupées à leur labeur, se récitaient entre elles des poèmes improvisés; c’est l’origine du Haoufi, d’où en arabe le verbe « thaouef » : déclamer ce genre de poésie…

De ce mode féminin nous reste, entre autres, un beau chant de Cheikha Tatma (1891-1962) une des étoiles de la chanson maghrébine avec Meriem Fakkaï dans les années 30 du 20ème siècle:

« je me suis rendu à el Ourit
« j'ai découvert des rochers entre lesquels coulait une eau abondante
« je me suis rendu aux cascades pour les visiter
« J'ai aperçu quatre jeunes femmes qui y lavaient du linge
« la première une lune, la seconde en cristal,
« la troisième ô mon frère a enflammé mon cœur,
« Et la quatrième, ô mon frère, une brûlure sans feu
 ».



Vers la plaine, non loin de ce rare micro climat, en revenant vers Tlemcen, de grands travaux d’ouvrages d’art sont en cours.
Une autre autoroute ? je demande aux amis qui m’accompagnent…
Que nenni! s’empressent-ils de me répondre. Mais une nouvelle ligne de chemin de fer pour le futur TGV qui reliera Rabat à Tunis en traversant toute l’Algérie.





Peut-être que sur ce TGV de demain, assis confortablement dans leurs compartiments aérodynamiques filant à des centaines de kms/heure, les passagers verront-ils, sur l’écran du dossier faisant face au leur, défiler l’histoire des calèches d’antan qui menaient les gens hors de la vieille cité prendre l’air des champs et la fraicheur d’un bain dans les bassins de la cascade d’el Ourit…
Peut être…


Abderrahmane Djelfaoui



vendredi 12 mai 2017

INSTANTS DEBLADJI AU VOL

L'artiste venu de Mostaganem

 "CONSOLATION" est le titre de cette exposition d'oeuvres à la Galerie Yasmine (Alger)












Le galériste









Sur des musiques de Stevie Wonder...



Enfance de l'art...








Sans interdit ni de limite d'âge...





Les connaisseurs apprécient à la lumière printanière du jour...


Une griffe d'avenir.



Abderrahmane Djelfaoui

mercredi 10 mai 2017

Nos Afriques ce jour

Inouï ce que deux retraités peuvent se dire, parce qu’écrivains tous deux depuis leur retraite ! De nos enfants, bien sur, d’abord, parce que devenus adultes et nous faisant découvrir d’autres continents plus immergés encore que ne peut l’être la partie immergée des icebergs ! Puis, plus prosaïquement de l’essentiel de la vie passée depuis, depuis… Eh non Youcef en est sûr : jamais, affirme-t-il, nous ne nous étions accoudés ensemble à une table de café depuis ces dernières 25-30 ans…


Dans l’allée du café menant aux fleurs, j’ai demandé à l’ami une seconde de pose…


Quelques dizaines de minutes avant de rencontrer l’ami Youcef, l’attendant en bord de route, j’observais ces deux enfants de notre généreuse Afrique, en train de prendre un simple yaourt chacun, me rappelant un poème court de Nazim Hikmet qui dit :

Si je ne brûle pas
Si tu ne brûles pas
Si nous ne brûlons pas
Comment les ténèbres deviendront –elles clarté (sur l’autre contient ?...)

Comme quoi la fiction peut écrire et décrire bien des réalités…



Abderrahmane Djelfaoui, texte et photos

samedi 6 mai 2017

Tehouissa fi Jnân Dzair (Ballade à…)

A peine revenu de Mostaganem par l’autoroute Ouest-Est, je suis appelé par Ratiba Aitchafaa au téléphone qui propose de me guider dans la nouvelle grande exposition qu’elle coordonne au Bastion 23 pour plusieurs mois et à laquelle elle partici
pe à donner le ton d’un temps retrouvé, sa densité de belle ombre plurielle, ombre claire…





Dés le début de cette promenade me voila confronté, avec plaisir, à des œuvres de deux générations : l’une « d’argent » venue de Mostaganem, l’autre « à la patine du vieux port de Franco » d’Alger…


Et, parmi les visiteurs, je rencontre une fillette particulièrement enjouée et timide à la fois, Rania…
Comme je la trouve magnifiquement en  place devant l’œuvre d’un des artistes décorateurs et céramistes qui exposent
je lui demande d’y rester une seconde encore pour la  photo… ce qu’elle fait avec grâce
et lui montre le cliché qui la fait sourire parce qu’elle s’y reconnait …


Et « la nave va » (va le navire) comme aurait dit Fédérico Fellini …
à travers les escaliers, les balcons et les salles des Palais des Rais où l’on ne cesse d’entendre le roulis de la mer.
Palais où sont exposées diverses œuvres des siècles  passés
en provenance du Musée National des Beaux Arts
ou du Musée des Antiquités,
juste avec la signature de leurs auteurs.
Ici et ci-dessous deux tableaux de Mohamed Temmam (1915-1988)
côtoyant d’autres peintures de l’Ecole dite d’Alger


Ce même Temmam peintre et miniaturiste écrivait en 1976
en Présentation du livre de photographies La Casbah d’Ali Marok
« Ce vieil Alger « où l’on tissait l’or et la soie »… 






« … Nous sommes en Afrique. Ce soleil, cet espace d’azur et d’eau, ces verdures ont entouré les gestes de Salambô, les actes de Scipion et d’Annibal comme de Kheireddine le Barbaresque. La mer, la chaine de l’Atlas et les monts de Kabylie déploient leurs fastes bleus.  La terre est rouge. Les végétations sont de palmiers, d’eucalyptus, de gommiers, de chênes-lièges, d’oliviers et de figuiers de Barbarie ; les parfums, de jasmin et de mimosa. Du premier plan jusqu’aux confins des horizons, la symphonie est immanente …»
Ecrivait Le Corbusier en 1950 dans « Poésie sur Alger » republié pour l’Algérie par les éditions Barzakh en 2013.







Rania qui a cueilli quelques feuilles au milieu du patio s’amuse maintenant à leur parler
sur les marches qui mènent aux galeries de l’étage supérieur…


« …On ne l’a pas su. Elle était méconnue des historiens de l’Art, éblouis par l’abondance de décor du Maghreb occidental et de l’Espagne ; elle est le très pur fruit du génie algérien. On la disait turque mais les maisons de Turquie n’ont pas ses patios, ne lui ressemblent en rien. A leur arrivée, les Turcs ont construit comme il était déjà d’usage dans le pays ».
La Casbah d’Alger, et le site créa la ville,
de André Ravéreau (Sindbad 1989)






Rania a maintenant un petit peu faim…
Au jardin de ses jeux et murmures insouciants
c’est l’heure de son gouter pour lequel elle traverse en petite course l’étage à ciel ouvert…





Pour moi, à la sortie lumineuse de ce Palais des Rais, il est temps avant le grand rush d’aller marcher un bout et prendre le métro rejoindre par la ballade des souterrains ma banlieue sud…




Abderrahmane Djelfaoui