dimanche 19 avril 2020

Avril 2020- la grâce de « petites retrouvailles » dues au confinement du covid 19…





Tirant le gros ouvrage des « Œuvres poétiques » de Jean Sénac d’un rayonnage de ma bibliothèque pour y chercher une référence, je tombe sur de vieilles coupures de presse de 1999 que j’avais pliés là entre les pages…

L’une d’elle n’est autre qu’une interview que j’avais faite au directeur des éditions Actes/ Sud, Jean-Paul Capitani, qui avait pris justement l’initiative de la publication de ce « gros pavé éditorial » de l’œuvre de Sénac…


L’INTERVEW :


Comment se fait-il que  Actes/sud publie cette année l’intégrale de l’œuvre du poète algérien Jean Sénac ?


Jean-Paul Capitani : Il faut d’abord dire que la libération de l’Algérie et l’existence de grands courants internationaux ont suscité un espoir, pas uniquement en Algérie mais dans la plupart des pays du tiers-monde, et même en France pour des gens qui ont pu y croire.

Cela a créé une sensibilité une écoute chez nous et Hubert Nyssen, le fondateur et directeur d’Actes/ Sud, a déjà écrit un livre sur l’Algérie il y a une décennie.


Photo tirée du film documentaire : « Hubert Nyssen en 22 fragments »…

D’un autre côté, Jean Sénac est un grand poète et un personnage hors du commun. Il était devenu algérien après avoir été français. Ça a été un destin exemplaire ; malheureusement, après, ça a été un destin tragique.

Si Actes / Sud existe depuis plus de 20 ans, nous avons commencé à publier la poésie de Jean Sénac depuis 15 ans ; en 1983 avec une préface de Jamel-Eddine Bencheikh, puis en 1984 et 1989 préfacé par René Char. Au début l’idée était de le publier petit à petit, puisque cette espèce de distillation de l’œuvre est  plus intéressante pour sa diffusion que d’en faire tout de suite un gros pavé éditorial. Cependant le problème avec les ayant droit, le lent travail de rassemblement des documents du poète après sa disparition font que nous avons finalement préféré passer de façon directe  à la publication de l’intégrale de son œuvre en un volume.  De plus, comme toutes les œuvres importantes et de qualité, il y a un lectorat pour elle. Ce n’est pas quelque chose de confidentiel.  Ça se vend. Jean Sénac se lit. Ça ne rentre pas dans la catégorie des best-sellers, mais ce n’est pas une entreprise désespérée. C’est donc quelque chose à faire et nous sommes ravis de l’avoir fait parce que entre Jean Sénac et nous c’est une vieille histoire (1)




(Jean Sénac et René Char à l’Isle-sur-la Sorgue en septembre 1950, lors du premier voyage de Sénac en France. Il a 24 ans…)



Votre maison se nomme Actes/Sud. Pourquoi ce nom ? Pourquoi être venu se loger dans une ville comme Arles, dans le sud de la France ? Pourquoi pas Paris ?

Pour Actes/ Sud, nous ne sommes pas venus dans le Sud, on y était. C’est quand même différent. Hubert Nyssen était déjà installé dans le Sud. Moi je suis Arlésien. On ne s’est pas posé la question de s’installer là, on y était […]

(Siège d'Actes sud à Arles ; Ph Gérard Julien AFP)


Toutefois, au début de son existence, il y a 20 ans, Actes/Sud a été plus reconnu pour publier des écrivains du Nord que du Sud, puisqu’on a publié beaucoup d’écrivains suédois et scandinaves en général. Puis aussi des allemands, des italiens, des portugais, etc. Mais comme nous avions créé une nouvelle maison d’édition en France où le marché du livre est déjà ancien, où il y avait des gens déjà présents, où personne ne s’attendait à Actes / Sud surtout à Arles, nous avons donc dû commencer à publier des choses qui étaient plus difficiles pour d’autres […]

Cependant, la littérature étrangère coûte plus cher et rapporte moins, si j’ose dire, pour être très trivial, que la littérature française.  Il faut acheter les droits ; il faut faire traduire les textes ;  payer le traducteur, etc. C’est donc long, lent et en plus sur la marché français force est de constater qu’on vend un peu moins bien la littérature étrangère que la littérature française. C’est donc un secteur plus difficile. Ceci dit, vers la fin des années 70 et le début des années 80, il est vrai que ce n’était pas une grosse bagarre pour traduire de la littérature étrangère en France. Actes /Sud a amené un petit stimulant de ce point de vue-là ; nous avons beaucoup traduit. Du coup, peut être que nous avons un peu réveillé les autres éditeurs qui se sont mis aussi à beaucoup traduire. C’est toujours un enrichissement pour une culture de s’interroger sur ce qui se fait ailleurs. Je crois que ça rentre dans un cycle de ressourcement.


Jardin de l’hôpital d’Arles par Vincent Van Gogh, 1889…


Dans quelle perspective Actes/ Sud a repris Sindbad, cette maison d’édition au fonds littéraire arabe ancien et moderne considéré comme important et même précieux ?

En plus de l’opportunité que nous avions eue de publier des auteurs palestiniens tel Mahmoud Darwich, libanais comme Vénus Khoury-Ghata, d’Algérie : Isabelle Eberhardt, Jean Pélégri, Sénac, Assia Djebar, nous avons eu effectivement l’opportunité de reprendre la maison Sindbad. Cette maison d’édition connue avait été créée par Pierre Bernard et était fortement liée à l’Algérie, puisqu’il y avait des achats systématiques de toutes ses parutions. C’était une entreprise éditoriale intéressante mais qui reposait sur une économie très dépendante de l’Algérie, et forcément quand les choses sont allées plus mal, c’est allé mal pour Sindbad […] 



Nous continuons donc de publier de la littérature classique arabe, tout en nous orientant un peu plus vers la littérature perse et la littérature turque. Nous essayons justement d’aller vers des choses que nous avons tellement négligées et où il y a si peu de travail de traduction fait. Ce n’est pas facile. Parce que depuis longtemps nous ne vendons presque rien en Algérie. Quand je dis rien, c’est quasiment rien !

Ensuite même en ce qui concerne le Maroc et la Tunisie, le pouvoir d’achat y est limité ; c’est pareil. Malgré une telle situation, nous avons essayé d’équilibrer les comptes de Sindbad pour que ça soit quelque chose qui perdure, qui continue.  Dans le même temps il faut faire l’effort pour amener ces livres auprès d’un lectorat qui naturellement devrait les lire. Ils peuvent être lus en arabe, mais ils peuvent aussi être lus en français. Il y a un lectorat à ce niveau-là et nous pensons réellement développer notre présence éditoriale au Maghreb […]

Enfin, je crois que pour les collections de Sindbad il y a maintenant une quantité considérable de gens du Maghreb ou d’ailleurs qui vivent en France et sont loin de leurs sources […]
De plus, c’est aussi l’intérêt de tous les français de reconnaître ces sources et ces cultures, tout comme de reconnaître ce qui s’est passé en Andalousie au XII è siècle, tous ces écrits d’époque, toute cette circulation passionnante de la culture… Nous n’avons pas de vocation militante pour ça. Nous sommes une entreprise privée, et nous essayons de fonctionner dans le système tel qu’il est, mais en même temps nous avons envie de faire ça.



(Notre interlocuteur Jean Paul Capitani à Arles, en  2013. Ph Olivier Dion)



Je remercie quelque part ce confinement imposé pour, paradoxalement, m’avoir permis de rouvrir des perspectives anciennes de façon (certainement) neuves. N’est-il pas ?




samedi 4 avril 2020

CONFINÉ, JE VOYAGE Ā TRAVERS MON ÉCRAN




                                                                                 

                                                                            à Chafika


Confiné comme vous, comme d'autres, je lis et plus souvent encore je voyage...
Oui, au travers de mon écran d'ordinateur devant lequel je passe de longues heures diurnes et nocturnes...
Sans plus de salamalec, voilà quelques itinéraires et étapes très très lointaines de ma banlieue et de la chaise qui me retient assis face à mon écran...
Toutes ces photographies je les ai prises durant mon confinement et déjà publiées sur mon compte ello: https://ello.co/abderrahmanedjelfaoui



*

Commencer d'abord par rêver une toute petite question/réponse d'il y a 150 ans dans un fragment de poème en prose de Charles Baudelaire..
"...- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!"


*




Puis scruter notre cosmos à la loupe...




Au loin, le monument néolithique de Stonehenge...
Alors, que dire d'un citron face à la préhistoire?...
C'est sur que depuis  le fin fond des temps seule la nature  généreuse (de l'Himalaya aux Andes en passant par le Kenya, le Hoggar puis toutes les îles du Pacifique) a pu assurer nos lendemains.
Mais demain?...


*


A ce jeu l'on peut se demander:
Qu'est-ce que le large d'un phare du bout du monde?
(Mais aussi) : qu'est-ce que la largesse d'une règle millimétrée?...



Mais à sillonner ainsi rivages de falaises et embouchures de fleuves, il arrive qu'un mois de juin, de juillet ou d’août on débouche soudain avec son petit poisson rouge (péché dans l'oued Mazafran) sur la belle salle studieuse des archives nationales de Finlande... Quelle surprise pour le poisson berbère!



(puis de retour ensuite, faire une  parenthèse avec un cavalier hors écran....)



Ce dernier, derrière moi,  recouvre le lit de notre chambre d'époux....

En Kabylie, on couvre de cette soierie tissée en châle la tête de la mariée au moment où on lui teint les mains de henné puis , au tournant de son destin, quand elle sort et quitte la maison parentale...


*



Mais quand le confinement se fait en intérieur, alors que dehors le printemps s'annonce du bout du nez, quel besoin alors de sabots hollandais, je vous le demande?...



Sans chaussures, je vole alors au-delà les murs vers une petite île du Pacifique (dont je garderais secret le nom) avec comme moyens de navigation un livre (tel une pirogue de bois) qui est un précieux livre sur l'art des aborigènes...
Ceci dit, je n'ai pas oublié de prendre mon masque de fortune fabriqué avec du simple papier et un élastique (contre vents et tempêtes)
Et va l'aventure!


Bien à vous

Abderrahmane Djelfaoui
Ain Naadja, Alger
Afrique