Kairouan, « ville sainte »,
qui se situe à 150 kilomètres au sud-ouest de Tunis et à 70 kms de la Méditerranée
est aujourd’hui tragiquement sinistrée
par la covid 19…
Sa célèbre mosquée Oqba ibn Nafa’
fondée il y a 14 siècles (en 670) ne reçoit plus ni touristes, ni visiteurs ni
fidèles. La cour en demeure déserte. Pourtant ce vénérable complexe de l’architecture
arabo-musulmane qui s’étend sur 9000 m² a été inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 1988…
La cour centrale dallée
de marbre vue à partir des arcades
de la salle des
prières avec son minaret à 3 étages…
Vingt-deux ans avant (cette date de 1988), l’architecte
algérien Abderrahmane Bouchama, dans un petit livre édité par la SNED à Alger :
« L’Arceau qui chante » [i],
évoquait la façade d’entrée de la salle des prières de cette célèbre mosquée de
Kairouan.
Il la citait (avec Fez, Marrakech, au Maroc, ainsi que le Taj
Mahal à Agra en Inde) comme un des exemples rares dans l’art architectural
arabo-musulman ou arabo andalou de « la touche » à nulle autre
pareille de « l’arceau qui chante »…
[i] - Abderrahmane
Bouchama, qui a étudié les mathématiques avant de devenir ingénieur puis architecte
algérien, est né en 1910 à Alger, mort en 1985 à 75 ans. Considéré « comme le père de l’architecture
moderne en Algérie », il a entre autres conçu les Archives nationales
(Birkhadem), les mosquées d'El Biar
(Place Kennedy), de Hydra et la Mosquée El Oumma à Bologhine. Il a publié « L’arceau
qui chante », 75 pages, SNED, Alger, 1966.
Car « c’est avec la pierre, [écrivait-il
en 1966 en Prélude de son ouvrage], dans leurs constructions et par leur
architecture que les peuples transcrivent le mieux les pages de leur histoire.
« A livre ouvert y sont
imprimés, en lettres indélébiles, les unes après les autres, leurs épopées et
leurs décadences, leurs grandeurs et leurs servitudes, leurs richesses et leurs
misères, leurs guerres et leurs paix, ainsi que le cachet de leurs qualités,
leurs aptitudes et leur génie créateur ».
LES PORTES.
Ventail de la grande porte,
photo : Joensuu, Finland
Et Abderrahmane Bouchama [mathématicien de formation
avant que d’être architecte] de noter de
façon courte et précise :
« Les sept portes de cèdre à deux
battants de la salle présentent autant de types que de battants, d’assemblages
en panneaux entrecoupés.
« Les quatorze modèles de « Katâ et Mektoû » mis au point par les artisans de Byzance après de longs tâtonnements sont là.
« Peu d’ébénistes
aujourd’hui peuvent se vanter d’en connaitre ne fusse que la moitié »…
LE MINBAR
La nef centrale mène au mihrab dont l'état actuel date du début de la seconde moitié du ixe siècle.
A son propos, Abderrahmane Bouchama écrit :
« Ce Minbar d’une extrême beauté comprend près de
trois mille panneaux également en cèdre imputrescible. [cèdre du Liban]
« Sur chacun de ces
panneaux est sculpté d’une main experte, avec une précision méticuleuse un
dessin type de rosace, à nombre de branche paire ou impaire, et surtout à
nombre premier si difficile à reproduire ;[…] ou bien encore un dessin
type de lettre koufique ou de khorslane, bandelettes composées et entrecroisées
de mille façons… »
Dans la grande salle, Des Moucharabieh, sépare l’espace
réservée aux femmes.
« Le plan général, sans doute inspiré de ceux des mosquées al-Aqsa à Jérusalem (709-715) et de Damas (706), servit d'exemple à la plupart des mosquées ifrîqiyennes jusqu'à l’époque ottomane et se propagea au Maghreb central (Algérie : Qala'a des Banu Hammad, XIe s. ; Mosquée de Constantine ; Grande Mosquée de Tlemcen)., au Maroc, en Sicile, en Espagne, en Libye et en Égypte fâtimide », lit-on dans une notice de la revue quantara.
CARREAUX DE FAIENCE
Carreau de céramique lustrée, datant du IXe siècle, ornant le mihrab
Photo : Chris Debz
« Sur les murs, [poursuit Abderrahmane
Bouchama, dans son texte « L’Arceau qui chante »], en divers
endroits, sont plaqués plus de deux mille carreaux de faïences, donnant toutes
les couleurs d’émail possible.
« Jusque et y compris le fameux émail marron aux mille
irisations que plus personne ne sait reproduire.
« Des carreaux avec chacun un dessin de « zelidj »,
de mosaïque, de tapis ou même d’impression d’étoffe ou de soie de l’époque. »
Militant anticolonialiste actif et défenseur du patrimoine
commun aux pays du Maghreb, Abderrahmane Bouchama note pour l’Histoire :
« Au temps du Protectorat, le Minbar sous prétexte de
conservation, avait été badigeonné d’un vernis exécrable et les beaux carreaux
de faïence, tout simplement couverts de plusieurs couches de chaux »…
Abderrahmane
Djelfaoui
Aout
2021
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