lundi 2 août 2021

« L’Arceau qui chante »...




 

Kairouan, « ville sainte », qui se situe à 150 kilomètres au sud-ouest de Tunis et à 70 kms de la Méditerranée est  aujourd’hui tragiquement sinistrée par la covid 19…


Sa célèbre mosquée Oqba ibn Nafa’ fondée il y a 14 siècles (en 670) ne reçoit plus ni touristes, ni visiteurs ni fidèles. La cour en demeure déserte. Pourtant ce vénérable complexe de l’architecture arabo-musulmane qui s’étend sur 9000 m² a été inscrit  au patrimoine mondial de l'Unesco en 1988…



La cour centrale dallée de marbre vue à partir des arcades

de la salle des prières avec son minaret à 3 étages

 

Vingt-deux ans avant (cette date de 1988), l’architecte algérien Abderrahmane Bouchama, dans un petit livre édité par la SNED à Alger : « L’Arceau qui chante » [i], évoquait la façade d’entrée de la salle des prières de cette célèbre mosquée de Kairouan.

 

Il la citait (avec Fez, Marrakech, au Maroc, ainsi que le Taj Mahal à Agra en Inde) comme un des exemples rares dans l’art architectural arabo-musulman ou arabo andalou de « la touche » à nulle autre pareille de « l’arceau qui chante »…



[i] - Abderrahmane Bouchama, qui a étudié les mathématiques avant de devenir ingénieur puis architecte algérien, est né en 1910 à Alger, mort en 1985 à 75 ans. Considéré « comme le père de l’architecture moderne en Algérie », il a entre autres conçu les Archives nationales (Birkhadem), les mosquées d'El Biar (Place Kennedy), de Hydra et la Mosquée El Oumma à Bologhine. Il a publié « L’arceau qui chante », 75 pages, SNED, Alger, 1966.

 



Car « c’est avec la pierre, [écrivait-il en 1966 en Prélude de son ouvrage], dans leurs constructions et par leur architecture que les peuples transcrivent le mieux les pages de leur histoire.

 

« A livre ouvert y sont imprimés, en lettres indélébiles, les unes après les autres, leurs épopées et leurs décadences, leurs grandeurs et leurs servitudes, leurs richesses et leurs misères, leurs guerres et leurs paix, ainsi que le cachet de leurs qualités, leurs aptitudes et leur génie créateur ».


LES PORTES.





                                                                            Ventail de la grande porte,

                                                          photo : Joensuu, Finland

 

 

Et Abderrahmane Bouchama [mathématicien de formation avant que d’être architecte]  de noter de façon courte et précise :


« Les sept portes de cèdre à deux battants de la salle présentent autant de types que de battants, d’assemblages en panneaux entrecoupés. 

« Les quatorze modèles de « Katâ et Mektoû » mis au point par les artisans de Byzance après de longs tâtonnements sont là.

« Peu d’ébénistes aujourd’hui peuvent se vanter d’en connaitre ne fusse que la moitié »…


LE MINBAR



La nef centrale mène au mihrab dont l'état actuel date du début de la seconde moitié du ixe siècle.


A son propos, Abderrahmane Bouchama écrit :


« Ce Minbar d’une extrême beauté comprend près de trois mille panneaux également en cèdre imputrescible. [cèdre du Liban]


« Sur chacun de ces panneaux est sculpté d’une main experte, avec une précision méticuleuse un dessin type de rosace, à nombre de branche paire ou impaire, et surtout à nombre premier si difficile à reproduire ;[…] ou bien encore un dessin type de lettre koufique ou de khorslane, bandelettes composées et entrecroisées de mille façons… »




Dans la grande salle, Des Moucharabieh, sépare l’espace réservée aux femmes.

 

« Le plan général, sans doute inspiré de ceux des mosquées al-Aqsa à Jérusalem (709-715) et de Damas (706), servit d'exemple à la plupart des mosquées ifrîqiyennes jusqu'à l’époque ottomane et se propagea au Maghreb central (Algérie : Qala'a des Banu Hammad, XIe s. ; Mosquée de Constantine ; Grande Mosquée de Tlemcen)., au Maroc, en Sicile, en Espagne, en Libye et  en Égypte fâtimide », lit-on dans une notice de la revue quantara. 


 CARREAUX DE FAIENCE




   

Carreau de céramique lustrée, datant du IXe siècle, ornant le mihrab

Photo : Chris Debz


« Sur les murs, [poursuit Abderrahmane Bouchama, dans son texte « L’Arceau qui chante »], en divers endroits, sont plaqués plus de deux mille carreaux de faïences, donnant toutes les couleurs d’émail possible.

« Jusque et y compris le fameux émail marron aux mille irisations que plus personne ne sait reproduire.

 

« Des carreaux avec chacun un dessin de « zelidj », de mosaïque, de tapis ou même d’impression d’étoffe ou de soie de l’époque. »

 

Militant anticolonialiste actif et défenseur du patrimoine commun aux pays du Maghreb, Abderrahmane Bouchama note pour l’Histoire :

 

« Au temps du Protectorat, le Minbar sous prétexte de conservation, avait été badigeonné d’un vernis exécrable et les beaux carreaux de faïence, tout simplement couverts de plusieurs couches de chaux »…





Abderrahmane Djelfaoui

Aout 2021



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