Connaissez-vous
David Niven ?... Je vous vois pris (e) d’un instant de suspension … Non,
il n’a pas été Premier Ministre ou ministre à une quelconque époque de la
Grande Bretagne, comme son nom semble le laisser croire. Homme politique, il aurait été à coté de la
plaque, malgré son humour et son talent.
En fait, la raison du no man’s
land politique du citoyen britannique David Niven est qu’il a émigré de
l’Empire de la Couronne pour aller chercher, jeune, subsistance, là-bas, outre Atlantique. … La misère de la vie le mènera plus loin
encore vers l’ouest, à Hollywood. (Il ne fallait pas moins de dix jours de
conduite rapide par route, ou deux jours et deux nuits en train, pour de la
cote Est atteindre Los Angeles-Hollywood…) Niven y deviendra célèbre auprès de
Gary Cooper ou de Deborah Kerr, après avoir bien entendu fait tous les petits
boulots ingrats qu’on peut imaginer et d’abord celui de mousse à tout faire sur
les yachts de richissimes vedettes hollywoodiennes…
Décédé
à 73 ans en Suisse, il laisse en plus de ses films un savoureux gros livre de
mémoires, finement construit et écrit : « Etoiles filantes : les dieux et les déesses d’Hollywood vus
par Davis Niven »…
Mais comment diable le livre de ce sacré zyeux-bleus me serait-il tombé entre les mains, si chacun de vous
en son âme et conscience ne se souvient nullement avoir vu la couleur de sa
jaquette dans les librairies d’Alger, de Tiaret et encore moins celle de
Annaba ?...
Réponse simple à une question « simple » : c’est un ami
qui me l’a prêté dernièrement. Il est vrai que l’état du livre avait du
connaitre de nombreuses avanies au point
que j’ai lifté l’image de sa couverture. Mais il est toujours
(magnifiquement) à lire. L’ami en question l’a un jour récupéré par hasard dans
le réseau (mystérieux) d’un marché aux vieux livres usés et autres objets
hétéroclites. Et savez vous où ?..
A Douéra, une ville à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau à
l’ouest d’Alger. Une ville où il n’y a bien entendu pas de salle de cinéma qui
fonctionne comme il en est toujours de quelques centaines d’autres villes du pays….
J’ai même senti que, cet ami aurait aimé qu’on débatte tous deux de ce livre (dans
la belle tradition de la cinémathèque et des ciné-clubs des années 70), un
livre où l’on apprend que l’un des fondateurs d’Hollywood est le légendaire
Cecil B. de Mille, futur réalisateur de « Les dix commandements »… L’ami – je vous le révèle- étant un
photographe et un praticien des salles obscures qui a eu le privilège et le
mérite d’être le premier assistant opérateur de Gillo Pontécorvo sur « La bataille d’Alger ». Ali Marok,
qui aime autant les livres que les juxebox
des années 50 dont il possède d’ailleurs un bel exemplaire de collection…
Ecole
coloniale de filles de Douéra à l’époque héroïque du canotier….
L’ART DU CONTEUR
Vous le savez : il est fréquent de nos jours qu’on trouve sur le mur
FB de nos internautes algériens d’ici , de France ou d’ailleurs très lointains
des post sur « Boogie », de
Lauren Bacall, Charlot-Chaplin, Marlene Dietrich, Jerry Lewis ou Clarck Gable
en noir et blanc ou même en couleurs…. Eh bien, ces stars qui ont été portées
au firmament de la célébrité étaient toutes des connaissances proches, des amies
de David Niven. Et tout le charme du livre c’est qu’il nous les restitue mieux
que ne le ferait un historien, peut être même mieux que ne le ferait n’importe
quel film…
D’Eroll Flynn, grand coureur devant l’Eternel (et tète d’affiche de
films tels « Les aventures de Robin
des bois », « La charge
fantastique », etc, etc), l’auteur rapporte ce dialogue entre
eux :
« -(David Niven) : il
parait que tu as encore deux procés sur les reins et tous tes problèmes fiscaux
habituels, mais ça n’a pas l’air de te tracasser – comment fais-tu ?
-(Eroll Flynn) : J’ai
découvert un livre passionnant que je lis tout le temps – il est plein de
choses formidables.
Je le regardais d’un air
interrogateur.
-Je veux bien te dire ce que
c’est, mon vieux, mais je te préviens que, si tu ris, je te casse la gueule.
-Promis
-C’est la Bible, dit Flynn ».
(page 139).
Amis à la vie et à
l'écran, David Niven et Errol
Flynn
sont réunis dans un "film de guerre" exemplaire « La
patrouille de l’aube » (1938)
A propos
d’une grande actrice du cinéma et pas n’importe laquelle, Niven écrit page
186 :
« Robert
Taylor, qui joua aux coté de Garbo dans « Le roman de Marguerite Gauthier,
me dit qu’il avait trouvé cette expérience fascinante et tout à fait
satisfaisante hormis l’obsession de sa partenaire…
‘Elle
jouait, avec moi, des scènes d’amour et de mort, vêtue de ravissantes
crinolines mais, pendant ce temps là, je SAVAIS qu’elle portait, sous sa robe,
une vieille paire de pantoufles immonde »….
Robert
Taylor et Greta Garbo, dans « Camille » de Georges Cukor, 1936
Juste une petite
digression. Un an avant la sortie de ce film adapté de l’œuvre d’Alexandre
Dumas (qui voulait dresser une fresque du Paris mondain du milieu du 19eme
siècle), un de nos compatriotes faisait un séjour remarqué dans la première ville de vie
américaine de Niven, Chicago. Mostefa Bendebagh, casbadji de père en fils, miniaturiste et peintre de meubles de
bois traditionnels y faisait un séjour professionnel de plusieurs mois. Sa
manière de passer le temps et de gagner des dollars était vraiment
cinématographique. Car que faire pendant de longs mois à Chicago à l’époque d’Al
Capone et de la prohibition? Imaginez que passant un jour devant une usine
d’assiettes, Mostefa Bendebagh (qui avait 29 ans- l’âge de David Niven à quatre
ans prés), voit devant l’entrée une masse de ces assiettes mal finies jetées au
rebus. Il s’informe et obtient l’autorisation d’en prendre autant qu’il veut.
Alors, chaque matin Mostefa passant devant l’usine en prend un plein carton.
Arrivé à la Foire où il tient un petit stand sur l’artisanat islamique
algérien, il se met, toute la journée, à peindre le fond de chaque assiette
d’une fleur et d’y ajouter « Souvenir d’Alger », puis de les mettre
en vente. Succès inattendu. Ali Marok à qui Bendebagh avait rapporté cette
anecdote ajoutait : « Et je
rentrais chaque soir à mon hôtel les poches pleines à craquer de dollars » !....
Edward G
Robinson incarnant Al Capone à l’écran….
Pépé le Moko : un caïd parisien qui se cache dans la
Casbah d’Alger
A Alger, 1937 c’est la grande année du théâtre algérien naissant avec
Mahieddine Bachtarzi, Rachid Ksentini et Allalou, alors que le film français
« Pépé le Moko », supposé être tourné à la Casbah et agrémenté d’une
musique de Iguerbouchène sortait sur les écrans avec « la gueule
d’ange » de Jean Gabin… Mais ça c’est encore une autre histoire…
D’HOLLYWOOD A LA
STEPPE….
Quand
je préparais cet article, j’eus l’occasion au passage d’en parler à une amie internaute de la haute steppe. Nora, a tout de
suite eue le nom de Clint Eastwood à la bouche, un acteur né en Californie mais
qui doit sa célébrité au réalisateur italien Sergio Leone… Hollywood-Eastwood, un joli doublet bien
sifflant… Mais, mieux qu’Hollywood et sa vedette adulée dans le rôle des
l’inspecteur Harry, l’amie qui fut longuement enseignante de collège à Djelfa,
se rappelle soudain, par flashs, de son cinoche d’enfance et les raconte…. Je
ne peux résister à l’envie de vous faire partager la petite saveur de ce récit épique
et romantique…
« Petite a l école
primaire nous avions une projection tous les mois ... Ca me rappelles 3ammi
Taha qui ramassait les quatre dourou- quatre fois cinq francs de l’époque… Mais
les bons élèves ne payaient pas les quatre dourou.
La projection se faisait dans la cantine ... Il y avait de la
bonne nourriture pour les petits en ces années 65-70… Le premier souvenir qui
me revient est celui du filet de lumière
qui passait par dessus nos petites têtes ... Le bruit de l’appareil de
projection et nos cris d’impatience au moment de remettre une autre bobine,
parce qu’il n’y avait qu’un seul projecteur….Les petits se mettaient alors à
crier. L’impatience des garçons était plus vive que celle des petites filles,
bien sur. Surtout quand il y avait des censures de baisers et d’autres… Alors,
oui, les garçons forcément ils affichaient leur colère. Mais nous les filles nous
étions heureuses de pouvoir assister à ce double spectacle. Nous étions nous
les filles très bien protégées ... Mais sans violence. Nous avions les
premières places. Peu nombreuses mais choyées ... Il y avait aussi en ville le cinéma Jacob remplacé aujourd’hui par El
Kawakib (Les Astres).Mais pas pour les filles celui là... Les plus chanceuses
se faisaient raconter le film hebdomadaire qui arrivait par le train dans un
sac spécial en toile grise par leurs aînés ou cadets. L’alerte et jeune 3ameur venait
une fois par semaine rendre le film projeté et récupérer le nouveau
...Ce gros sac gris de film que je
surveillais de notre balcon a la gare m intriguait toujours ; aventures
non connues…. Il y a de ça près de 50 piges, 50 ans… On appelait et interpellait
le héros du film : "etfoul" et c était clair qu’il était
toujours vainqueur même si nous tremblions pour lui. Spartacus, Le fils de Spartacus, Zorro, les westerns ...
Ga3 fihoum tefoul qu’on aidait par nos cris pour l’avertir que l’ennemi était
derrière lui…. Et quelle fierté affichaient les garçons d’avoir sauvé le héros…
C’est très loin mais
mes genoux en frémissent encore … d’âge. Hhhhhhh »
La vielle gare à voie étroite de Djelfa ; comme au Far West…
Le cinéma Jacob de Djelfa selon une carte postale
LUXE,
FUREUR ET VOLUPTE…
Aujourd’hui nos
enfants ne connaissent plus ce plaisir, cette passion, et ne la connaitront
peut etre jamais à moins que (pour certains) en vacances en Tunisie, ils
n’aillent voir ce qui se passe dans une salle obscure….
Mais revenons à
David Niven qui écrit page 105: « En
dehors de Fitzgerald, les écrivains américains qui passèrent à Hollywood du
temps où j’y vivais, furent, entre autres, Hemingway, Thorton Wilder, Zane
Grey, Robert Sherwood, John Steinbeck, Irving stone, Raymond Chandler ,
Georges Kaufman, Moss Hart, Lillian Hellman, John O’Hara, Irwin Shaw, S.N.
Behrman, Elmer Rice et Paul Galico. Le contingent britannique comprenait à lui
seul des noms aussi célébres que Maugham, H.G. Wells, P.G. Wodehouse, Hugh
Walpole, J.B. Priestley, Graham Green, R.C. Sherriff, Christopher %Isherwood,
Eric Ambler et Frederic Lonsdale.
« C’était
la plus vaste assemblée d’éclat littéraire qu’on eut jamais vue, mais la
production de ces cerveaux, lumineux fut à tel point édulcorée, gâchée, filtrée
par les producteurs mégalomanes, que seule une portion tragiquement infime
parvint jusqu’à l’écran. Les écrivains, pour la plupart, mirent leur orgueil
dans leur poche et encaissèrent les coups ».
F. Scott
Fitzgerald, auteur du célèbre roman « Gatsby
le magnifique » (1925), qui avait partagé un petit appart avec David
Niven, mourra dans la misère à Hollywood laissant derrière le manuscrit de
« Tendre est la nuit » et un roman inachevé « Le dernier nabab »…
Scott
Fitzgerald avec Hemingway auteur de « L’adieu
aux armes » (1927)
Le cinéma ce ne
sont donc pas uniquement des images et des vedettes de rêves des pour des histoires
sans cesse remises à l’ordre du jour. A Hollywood (tout comme à Bollywood en
Inde, une des plus grandes productions mondiale de films ), le nerf de la
vérité ce sont les capitaux et leurs porteurs qui en font des dieux. David
Niven en écrivain attentif et caustique, nous entraine dans une mine d’or
d’anecdotes et de révélations à leur propos. Chapitre après chapitre, par
petites touches tout au long de 360 pages d’un ouvrage dense et vivant… Il y aurait des dizaines et des dizaines de pages à citer. Truculentes. Surréalistes ou relevant
la folie des grandeurs. Celles des producteurs
entreprenants et mégalomanes à la tète d’immenses studios industriels qui avaient droit de vie ou de mort sur des dizaines
de milliers d’acteurs, de techniciens de l’image et du son, d’écrivains,
décorateurs, laborantins, costumiers, impresarios, journalistes, éditeurs et
j’en passe…. Ces « nababs » sont passés à l’humour du peigne fin de
Niven dans leurs bureaux, studios, dans
les restaurants les plus chics ou lors de réceptions fastueuses et folles autours
de piscines de leurs résidences et ranchs dont seule Hollywood a su bien faire
étalage mondialement… Ces « dieux » sont les magnats des Big Five (MGM, Warner
Brothers, Twentieth Century Fox, Paramount, RKO) et Little
Three (Universal,
Columbia, United Artists) qui produisent 80% des films de Hollywood qui
inondent la planète…
Un
d’entre eux, fut le modèle d’un des plus célèbres films d’auteurs de l’histoire
du cinéma : « Citizen Kane » d’Orson Welles. Cet empereur qui
possédait une propriété de 970 kms carrés où circulaient librement des animaux
sauvages (zèbres, bisons, autruches, buffles….) que personne n’avait le droit
de toucher ou même d’effrayer n’était autre que William Randolph Hearst, patron
de dizaines journaux, de magazines, de station de radio, compagnie de cinéma et
dont la maitresse pendant 30 ans fut (au vu et au su de tous) la belle comédienne
Marion Davies, elle-même productrice
d’une dizaine de films…
Marion
Davies….
Et une petite trace
de tout cela à … à… à Alger… Oui, fin des années 60, où un réalisateur haut de
gamme d’Hollywood est invité à la Cinémathèque d’Alger. Celui là même qui créa
le mythe de Marlène Dietrich avec « L’Ange bleu »,
« L’impératrice rouge » et
« Shanghai Express »… Joseph von Sternberg le réalisateur qui profita
de son séjour pour visiter la Casbah que ne cessait de chanter le poète et
comédien Momo qui préparait déjà « Tahya ya didou »…. Mais cela n’est
pas consigné dans le beau livre de David Niven ; c’est une autre histoire
que magnifiera peut être un jour Casbalywood…
En attendant ce
nouvel eldorado ou paradis, l’espoir fait vivre…
Abderrahmane
Djelfaoui
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