Avec Ahmed
Boualem dans la grande salle de la maison de la culture
Ould Abderrahmane
Kaki de Mostaganem
(photo
Abderrahmane Mostefa)
Les
fondateurs du Festival du théâtre amateur, trés jeunes hommes durant la guerre
de libération, nous quittent un à un, laissant un patrimoine incommensurable,
inattendu, foisonnant et plein d’espérances malgré toutes les avanies …
C’est
un précieux hasard et un honneur qui
nous a permis de rencontrer l’un d’entre eux… Ahmed Boualem, un ancien SMA
resté dans l’âme et dans le cœur un vrai scout. Très proche des fondateurs du
festival, il est lui-même un des membres fondateurs gardant toujours la simplicité et la clarté de l’âme scout …
A l’occasion de
cette édition (nous dit-il d’emblée) on ne peut que saluer les valeureux
fondateurs, parmi eux Si Djilali Benabdelhalim, Mekhlouf Belkacem, Hadj el Mekki, Nait, les Boudraf , Cheref El Ghali, les Meflah,… C’est ce noyau qui
a lancé le festival en 1967 en partenariat avec le Syndicat d’initiative du
tourisme de Mostaganem ainsi que le Croissant rouge, les notables, les
commerçants et la population.
Il
y avait donc un terrain favorable à l’époque ?
Le terrain c’était
les Scouts Musulmans Algériens, groupe El Fallah. Sa première réunion date de
mars 1967 ; une réunion chapeautée par
le regretté Ould Nourine El Harag au groupe El Fallah de la Souiqa de
Tigditt
Au
cœur de la vieille ville.
Et
comment ! C’est le terroir de
Mostaganem. On l’appelait El Qahira., un nom qui a beaucoup de
significations et une forte charge.
Quand on dit El Qahira, on dit El Kachafa, El Oulama, l’Espérance, Echaabi, El Andaloussi, Ezaouia El Alaouia. Tout ça ! Un mélange
original.
El Qahira, ce
qu’il en reste… Tigditt vue d’un de ses remparts… Le canyon en face, est celui
de l’oued Ain Sefra qui fit une crue terrible en 1920. Aujourd’hui il est en
chantier de rénovation après une disparition d’une partie importante de la
vieille cité où naquirent les Kaki, les Khadda et tant d’autres (photo
Abderrahmane Djelfaoui)
A partir de là (poursuit Ahmed Boualem) Si Djilali et
ses compagnons ont évolué et mis le paquet pour faire exploser les idées qui
avaient germé au sein du groupe. Si Djilali qui n’était qu’un simple chef
d’équipe au niveau du cantonnement des ponts et chaussées de Ain Tedless, Allah
yerhmou, avait été lui-même scout dans son enfance avec les amis de Kaki,
Bouzid Mzaja,Benaissa Abdelkader , etc. Et quand Kaki s’est dirigé vers le
professionnalisme, c’est Si Djilali qui a rassemblé les enfants du peuple dans
des petites troupes comme El Guendouz, El Yasmina, El Emir Abdelkader, Omar El
Hak, El Ittissal, avec les Haroun Ahmed, Mejdoub Abdelkader. Cela sans compter
la troupe Nadjah de Mazagran qui avait créé la pièce Essoussa…
Si Djila Benabdelhalimdont Kaki disait
de lui : C’est « un animateur bénévole… Il forçait mon admiration
pour son désintéressement et son amour pour la profession »…
Et
votre souvenir du premier festival du théâtre amateur
Il a eu lieu dans
le cadre d’une quinzaine économique de la commune de Mostaganem, en 1967.
C’était le prétexte. Les troupes qui venaient de l’extérieur de la ville, comme
la troupe de Baba Ali, celle de Mohammedia ou de Mascara jouait sa pièce et
partait le lendemain. Ebq 3la Khir ! On ne pouvait pas les héberger, la
subvention et la collecte qu’on avait fait atteignait 200 000 francs de
centimes…Mais on remercie les mostaganémois pour avoir participé à construire
le festival du théâtre amateur ; s’il existe c’est grâce à eux. Il fallait
voir les représentations au stade Benslimane, avec d’un coté les femmes de
l’autre les hommes. Les youyous !
Quand je voulus
le photographier dans la cour de la maison de la culture Ould Abderrahmane
Kaki, il tint absolument a se faire photographier avec les affiches
représentant les pionniers... "Je suis des leurs"
Une
atmosphère de fête.
Oui ! Au
cinéma vous ne pourrez pas refaire cela ! L’esprit était au volontariat, à
la solidarité. C’est à partir de là que Si Djilali, qui s’est dévoué corps et
âme, a commencé à avoir de bons échos. J’étais son compagnon et son voisin avec
Abdelkader Benmokdem, allah yerhmou. Chaque fois qu’il voulait bougeait il
m’envoyait son fils lui disant « va voir
ton oncle Boualem ». On prenait alors ma R4 et on allait ensemble….
A cette époque il y
avait une fédération des scouts musulmans à Alger qui était présidée par le
regretté professeur Mahfoud Kaddache. Il
avait été invité a participé à l’ouverture du festival. Il venait en nous
apportant à chaque fois un petit soutien avec les cotisations des scouts.
Et
sa contribution morale en tant qu’historien était importante.
Exactement !
Mais ce qui m’a impressionné ce fut la maitrise et la bravoure des scouts
pratiquement debout H24 ! La réussite c’est quand on se rassemble et qu’on
se dit : c’est terminé ?... Déjà ! Dés le premier coup d’envoi
c’était positif.
D’un autre coté
aujourd’hui les gens parlent beaucoup aujourd’hui d’Avignon alors que nous
n’avions aucune idée à l’époque et au départ de ce que c’était Avignon. Ce festival est né avec les seules
possibilités d’ici. Ce n’est qu’avec le premier, puis le second festival,
qu’ont commencé à apparaitre les idées avec la pratique puis les échos
d’Avignon. Je pense d’ailleurs que le festival de Mostaganem est plus vieux que
le festival amateur de Paris. C’est pourquoi Si Djilali gérait le festival d’après
ses moyens. On avait cependant beaucoup de camarades journalistes qui étaient
volontaires pour la réussite du festival. Je peux citer Bendimered, Kamal
Amazit, Djemai, Moulay de Echaab, Arab le caricaturiste, Boukhalfa Amazit… C’étaient
des enfants du festival. Et tous les participants mettaient la main à la pate
pour l’organisation et le bon déroulement du festival.
On a changé les
institutions organiques du festival à partir du moment où la fédération des couts musulmans à été
dissoute en 1970 ; de là est née la JFLN et le festival était sous la
coupe du FLN. Puis le 19 mai 1975 ce fut l’UNJA. Désormais le festival est sous
le contrôle et la censure du FLN. Le festival
est devenu moins spontané. On nous demandait : enlever ceci, ajouter cela ; apportez un peu plus de rire, de
comique…
[le journaliste spécialiste de
critique d’art dramatique Kamel Bendimered écrivait courageusement à ce propos:
« « ... en 1970, il y eut quelques tentatives pour
s'approprier abusivement ce que d'autres ont mis tant d'efforts à construire.
Déjà l'année dernière, nous nous demandions si le Festival de Mostaganem
deviendra national comme attendu et souhaité par tout le monde, ou s'il irait
voguer sous d'autres cieux, pardon, d'autres yeux plus proches de la capitale,
comme nous avons cru entendre ici et là. Les récupérations abusives, de tant
d'abnégation, pour assister peut être ensuite à un enterrement sans fleurs ni
couronnes, n'appellerons jamais notre silence ».]
Mais à partir de là
aussi émergent les troupes théâtrales du mouvement estudiantin qui participent.
A un moment donné elles feront 80% de la participation totale des
troupes ! Le niveau monte. Les étudiants préparaient des pièces « boumba ! » comme on
dit ; on disait d’eux « edradkiya ».
Tout était représenté sur scène ! Et on ne trouvait pas une seule place de
libre dans l’immense salle Afrique avec ses 1400 sièges…Une époque foisonnante
puisque le festival a pu compter parfois jusqu’à 68 troupes de tout le
pays avec quelques 500 à 600 participants, avec un colloque, à cette époque de
la GSE, de la reforme agraire, les grands thèmes de l’heure. Et on allait vers
le public. On sortait vers les villages socialistes
Pour les grandes écoles du théâtre amateur, on
avait l’école de Constantine avec Abdallah Hamlaoui. Il y avait celle de Saida
avec Othmani. Oran. Le théatre des jeunes de Sidi Bel Abbes est venu une fois
avec « L’os pourri », une pièce sur la délinquance juvénile ;
avec Bessmicha Kadour. Quant à Omar Fetmouche on l’a accueilli avec sa petite
troupe d’adolescents de Bordj Manaeil…A partir de là les gens étaient
impatients de se retrouver à la prochaine édition. C’étaient vraiment des
rassemblements de camarades, de fraternité, de solidarité et de retrouvailles,
surtout quand les représentations avaient lieu en plein air, comme el Halqa. On revient au Hawi…
Philosophie ?
Quelle philosophie ?
Si Djilali avait
créé un festival pour le théâtre amateur et il le restera. C’est sa vocation. Aujourd’hui
on entend des choses insensées de la part de beznassiya, de maquignons et
d’opportunistes qui se la ramènent dés que le festival arrive… Nous avons je
crois le devoir de commencer à balayer devant nos portes. Nous devons penser en
tant qu’algériens. Qui sommes-nous ?
Quelle est la personnalité du théatre algérien ? Nous ne faisons
que débuter. Jusqu’au jour d’aujourd’hui ce festival est toujours SDF. Alors
que ce festival n’a ni identité ni statut on voudrait se mettre à suivre des
mirages à l’échelle méditerranéenne, européenne ! Rêver c’est gratuit, n’est ce pas ?.
Puissions nous seulement rassembler nos propres enfants ce serait déjà
beaucoup…Pour le moment rassemblons nos morceaux, après viendra le temps de
parler de l’université, de parler de l’académie. Parce que dés qu’on parle ce
type de langage on sort de l’amateur. Et moi en tant que Boualem je suis contre
ce langage. Je tiens à ce festival continue à vivre dans les principes dans
lesquels il est né, ceux de Si Djilali. C'est-à-dire qu’on va dans les caves et
les bidonvilles chercher les troupes ; dans les maisons de jeunes ;
dans les quartiers défavorisés ; dans les banlieues. Donner la chance à
ces jeunes. Là se trouvent les bons sujets et la qualité. Chercher un théâtre
populaire, c’est le théâtre amateur. Des fois le théâtre professionnel est
jaloux de ce peux le théâtre amateur et que lui ne peux pas réaliser. El
hamdoulilah.
Ahmed Boualem « errais » en
compagnie de Abderrahmane Mostefa qui fut membre de la troupe de « L’art
scénique » et aujourd’hui cinéaste de la mémoire…
Propos recueillis par Abderrahmane
DJELFAOUI
Mostaganem août 2016
Mostaganem août 2016
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