mardi 27 mai 2014

Mostefa Nedjaï : un peintre prodige (1ère partie) :



« L’entrée aux Beaux-arts, ça a été le hasard.
Mais aimer la peinture et la couleur, c’était ma passion ».

Interview (mai 1998)


Houta (poisson) de Sellal Islam. 1996.

Dans le livre : « L’artiste et l’enfant. Mémome Optimum » 2014



Abderrahmane Djelfaoui.

            Pourrais-tu me dire comment s’est fait ton entrée dans le monde de la peinture ?

Mostefa Nedjaï.
            L’histoire a commencée alors que j’étais jeune, au moment où j’étais au lycée Pasteur d’Alger, classe de 6ème ou de 5ème.  J’aimais dessiner, mais il faut dire que ça n’avait rien à voir avec ce que je suis devenu maintenant. Je n’ai jamais pensé à cette époque devenir un peintre. Il y a des gens qui peuvent dire : à l’âge de un an et demi j’avais déjà réalisé une toile ! Pour moi ce n’est pas vrai. Ce que je faisais était totalement inconscient, surtout avec le manque de culture artistique qui nous caractérise en Algérie. Personnellement je n’ai jamais réalisé un tableau à la maison…
            Mais il est aussi vrai qu’au lycée Pasteur, nous bénéficions alors, pas comme maintenant, de l’animation culturelle ; nous faisions de la peinture, comme nous faisions du sport. C’étaient les années 70. Il y avait aussi la médecine à l’école avec deux visites médicales par an. C’était autre chose…
            Pour ce qui me concerne, je faisais toujours des dessins, de la bande dessinée, des petites conneries comme ça, tout ce qui me passait par la tête. Et bien sûr un certain de nombre de gens ont vu ça. Je me rappelle que même certains de mes professeurs m’ont dit : « mais pourquoi tu ne rentres pas aux Beaux-arts ? » Et moi, je ne savais même pas ce que ça signifiait Beaux-arts… Mes camarades de classe me le disaient souvent : Mostefa t’dissini mlih
            Mais c’est vers les années 75/76 alors que j’étais en terminale, d’un seul coup, j’ai décidé d’arrêter sans même passer mon bac. Ce n’était même pas spécialement pour rentrer aux Beaux-arts. Il se trouvait que dans mon quartier de La Scala, il y avait deux artistes, Abou El Hadi et Maghnoudji Hassen, qui étudiaient aux Beaux-arts… A l’époque (je jouais aussi au football) ils me dirent eux aussi : « mais pourquoi tu ne rentres pas aux Beaux-arts ?.. » J’ai ainsi retrouvé le même conseil…Ils ont même insisté tout l’été où nous allions ensemble à la mer… J’ai déposé mon dossier aux Beaux-arts ; puis j’ai passé le concours d’entrée avec succès. Voilà comment j’ai commencé ma carrière artistique par l’Ecole des Beaux-arts en 1976, et depuis c’est l’aventure…

« Pas d’accord avec l’histoire de l’artiste inné, pas du tout ! »

A.D.: Donc ça a été grosso modo le fait du hasard ?

M. N. L’entrée aux Beaux-arts, ça a été le hasard. Mais aimer la peinture et la couleur, c’était ma passion... J’écrivais aussi de la poésie dés l’époque du lycée. Je ne suis pas d’accord du tout avec cette histoire de l’artiste inné! Mais je sais que j’aimais le dessin, j’aimais écrire de la poésie. A mes petites copines j’écrivais des poèmes. C’est ce que j’aimais. De là à penser aller aux Beaux-arts, d’en faire une carrière, je n’y pensais pas une seconde ! Si c’est arrivé c’est par une succession d’événements, par le hasard d’une personne à une autre et des trucs comme ça ...
  



Un des films de la nouvelle vague anglaise qu’il aimait aller voir …

A. D. Donc non pas par le fait d’une volonté consciente…

M. N. Totalement ! Une fois aux Beaux-arts, je me suis révélé être très brillant par rapport à mes collègues de classe.  Sans prétention aucune, j’étais le meilleur. Ca veut dire que j’avais  un don parce que j’avais peut être déjà dessiné avant et manipulé la couleur. La manipulation des couleurs n’avait pratiquement aucun secret pour moi. Je jouais avec la couleur comme je voulais dès la première année. Je travaillais les gammes, les contrastes simultanés sans aucun problème. J’ai quand même amélioré mon coté dessin.

Mustapha , en chemise bleue, dans la cour de la grande école…


Il est vrai aussi que durant les quatre ans dans les différentes spécialités enseignées aux Beaux-arts j’ai appris beaucoup de choses. J’ai fait de la céramique, de la miniature, de la décoration, de la communication visuelle, de la calligraphie. Tout cela était très enrichissant ! C’était la découverte. Et j’avais terminé major de promo…
            De 1976 à 1980 j’étais à l’Ecole des beaux-arts d’Alger. Après, bien sûr, j’ai eu une bourse en Espagne.

A. D. Mais durant ces années quels ont été tes enseignants aux Beaux-arts, tes principaux maîtres d’ateliers?


« Même diplômé des Beaux-arts (j’étais major de promo), je ne savais pas vraiment encore ce que c’était un artiste »


Mostefa Nedjaïa. … Pendant trois ans il y avait ce qu’on appelait un tronc commun, puis une spécialité à la fin. A l’époque, j’avais fait céramique. Pour moi les choses arrivent toujours « comme ça » ! Elles me tombent dessus. En fait de nature je suis très curieux. J’aime toucher à tout. Même à la maison, je bricole. Parfois je fabrique de petits coffres. J’aime toucher à différents trucs. Comme maintenant je rêve par exemple de faire des images de synthèse, du virtuel, etc. Des curiosités comme ça, j’adore ! Même en dehors des arts, j’aime bien faire aussi de la mécanique. Comme je fais de la gravure, comme je fais de la photographie, comme j’ai travaillé dans le théâtre. Pour moi c’est passionnant. Ca a apporté énormément de choses à ma vie professionnelle.
            Mais pour en revenir à avant l’Ecole des beaux-arts, et même pendant les quatre ans d’études, je ne savais pas ce que c’était qu’un artiste. Même diplômé des Beaux-arts (j’étais major de promo), je ne savais pas vraiment encore ce que c’était un artiste. Ca je ne l’ai su que plus tard, en Espagne.

A. D. Qu’est-ce qui te manquait pour accéder à la vision de ce qu’est réellement un artiste ?

M. N. Je crois que ce qui manquait par exemple dans le programme de l’Ecole des beaux-arts c’est tout ce qui concerne le travail des mains. Il y avait de très bons professeurs, de très bonnes matières enseignées, etc. Mais ce qui manquait c’est un peu la nourriture spirituelle pour l’artiste. Le fond… J’avais constaté que tous les boursiers algériens, soit en France, soit en Espagne, en Italie, etc, étaient parmi les meilleurs élèves. Parce qu’ils avaient la main ! Le génie. Ce qui veut dire la finesse. Bien sûr, cela parce que nous sommes entre l’Orient et l’Occident ; nous en sommes tellement imbibés…
            Si tout cela existe, la base que représentent les cours théoriques manquait. A l’époque nous n’avions pas de cours d’esthétique, ni de théorie de l’art. Même au point de vue des matières, il manquait bien des choses. Maintenant il y a l’infographie, la vidéo, etc. Pour tout cela, il y avait beaucoup moins de préoccupation théorique à l’époque. Ce n’étaient souvent que des cours très techniques sur la sculpture, gravure, etc. Il manquait l’essentiel. Ainsi pendant les quatre années d’études à l’Ecole des beaux-arts d’Alger nous n’avons pas eu à acheter plus d’une dizaine de livres de théorie! Alors qu’en Espagne, rien qu’en première année, nous avions a acheter une quarantaine de livres ! Sans compter les années qui suivirent…

Mustapha avec son père en 2006


(à suivre…Prochain article: à l’École des beaux arts de Valence, Espagne)
 



1 commentaire:

  1. Nedjai est un artiste humble et modeste son travail est merveilleux, il ressemble totalement a ce qu'il est, je suis fière d'être son amie et fière de ce qu'il est, je souhaite qu'il reste fidèle a lui même, le meilleur est devant lui je suis certaine!! K.Bourenane

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