Depuis la nuit des
temps, l’histoire (celle du romain Salluste, du byzantin Procope ou du maghribin
Ibn Khaldoun) donne l’impression de ne « parler » du riche massif des
Aurès que par étincelles, par flambée de flammes pour ensuite longtemps se
recouvrir d’immenses aires de neige et de silence…
Ouvrage réédité en Algérie par les
éditions KOUKOU
Lectures…
J’avoue d’emblée ne pas connaitre grand-chose des Aurès, si
ce n’est un lointain tournage à Timgad, puis le fait de quelques voyages
éclairs, d’amitiés, de lectures et, surtout, de poèmes fulgurants de la
poétesse Anna Gréki née à Batna en 1931 et ayant vécue sa première enfance au
village de Menaa, au dessus de l’oued El Abdi… Un village montagnard qui se
situe à une soixantaine de kilomètres à vol d’oiseau de la localité de Médina
(aujourd’hui Ichmoul), au nord du vieux massif où se situe l’essentiel des
trames de vies que Fanny Colonna décrypte pas à pas dans « Le Meunier, les
moines et le bandit ». « Le bandit » étant bien entendu le
légendaire Bandit d’honneur chaoui Messaoud
Ben Zelmat, Le gaucher, de la tribu des Béni Bouslimane, né vers 1894
et tué par les goumiers en 1921 …
« O mon bien aimé
Toi qui fais la loi sur l’Ahmar Khaddou
Toi qui va libre dans la lumière des étoiles
Tu fondras comme un aigle sur ton ennemi
Tu le tueras et prendras son troupeau
…..
A mon tour demain je te suivrai
Fuyons la haine
Evitons la plaine
Prenons les monts et les chaines
Pour que tes poignets ne connaissent pas
La rigueur des chaines
(Poème anonyme cité par l’auteur, page 54/55)
Rapport sur l’exécution
de Ben Zelmat du 15 mars 1921…
Jean-Baptiste Capeletti né en Algérie
de parents italiens….
Dans une interview accordée au journal « Le Soir
d’Algérie » daté du 20 novembre 2010, à l’occasion de la sortie de son
livre, Fanny Colonna précisant le rôle de clandestin durant la guerre de
libération ajoute à propos de ce personnage qu’il: « s’appelait en fait Jean-Baptiste Capeletti, né de parents
italiens primo-migrants, le père piémontais et la mère sicilienne. C’est donc un Européen né et mort dans l’Aurès, entre 1875 et 1978. Il eut une très longue vie,
plus de cent ans, et le souvenir qu’il a laissé dans le nord du massif est à la mesure de
cette longue vie mais aussi de l’envergue du personnage.... » [Savoir
en passant que le Piémont italien d’où le père de Baptiste est originaire est
une région qui a toujours été convoitée par la France et deux fois envahie par
Napoléon Bonaparte….]
La grotte préhistorique…
Avant de bâtir son moulin sur un torrent de la montagne,
Baptiste Capeletti vendait (vers 1900…) du guano qu’il convoyait seul par mulet
jusqu’à Batna pour l’envoyer par train aux cultivateurs des palmeraies de
Biskra. Si le guano, utilisé comme engrais, n’est que la déjection des chauves
souris, où Baptiste trouvait-il cette matière ? Au lieu dit Khangat Sidi
Mohamed Tahar à plus de 1500 mètres d’altitude !...
Fanny Colonna
écrit page 23: « Le guano
durement obtenu et intelligemment vendu lui permet de dégager la mise de fonds
nécessaire à la construction d’un moulin à turbine qu’il va bâtir de ses
propres mains, sur la rive droite du torrent qui jouxte la grotte, le Berbaga,
aidé par un montagnard du coin avec lequel il gardera une longue et fidèle
relation… » L’espace intérieur de la grotte libéré, il s’y installe avec sa seconde femme chaouiya
Hmama, des Ouled Abdi. Baptiste qui écrit quelques poèmes en français, parle
couramment l’arabe et comprend bien le chaouia…
Cette grotte, il va en parler des décennies plus tard à
Germaine Tillon (qui ne s’en souviendra pas), à Thérèse Rivière (qui,
enthousiaste, écrit une lettre au Musée de l’homme de Paris recommandant de
donner les Palmes académiques à Monsieur Capeletti), puis à un jeune géologue
qui entre 1932-36 devait dresser la première carte géologique de l’Aurès au
200 000 ème, Robert Lafitte.
Baptiste leur confie qu’il a trouvé des silex, des haches en
pierre polie, des tessons de poteries et d’autres objets préhistoriques tels
des plumes d’autruche dans la grotte… L’information fait qu’on finit par
décider au Musée de l’homme de Paris l’exploration de la grotte et du même coup
de faire de l’Aurès le point de chute d’une mission ethnographique…
Depuis 1969, cette grotte porte le nom de grotte Capeletti
(du nom de celui qui l’a découverte, « inventée ») ; une grotte
considérée comme l’une des premières cavités naturelles utilisée par les hommes
et femmes préhistoriques en Afrique du Nord entre 7000 et 3000 ans avant notre
ère dont les transhumances à pied les menaient jusqu’à Khanguet El Hadjar dans la région de Guelma à
plus de 150 kms de là à vol d’oiseau …
Un site dont la préhistorienne Colette Roubet, qui a
également travaillé au CRAPE d’Alger fin des années 60, va faire sa thèse de
Doctorat en trois volumes, sous la direction de Lionel Balout, en 1976 sous le
titre : « Le néolithique de
tradition capsienne en Algérie orientale : la grotte Capéletti au Khanguet
Si Mohamed Tahar (Aurès) ».
C’est Saad Daghmani, le fils du montagnard qui aida Baptiste
à construire son moulin qui dirigera, soixante dix ans plus tard, le chantier
des fouilles archéologiques finales du site…
Reste la ferme missionnaire des moines de la congrégation des
pères blancs…
Toute une histoire, tout un destin complexe pour lequel il
faudrait raisonnablement un autre écrit, un autre récit qui nous mènerait,
comme il avait d’ailleurs mené Fanny Colonna pour son livre, des Aurès jusqu’à
la Via Aurélia à Rome où se trouvent les riches archives des Pères blancs,
leurs journaux quotidiens, leurs lettres et photographies à Médina (Ichmoul) où
résidait Baptiste…
« Conversation amicale entre « le
lion des Aurès » et le Père Roger Luyten de Batna, saisie par madame
Roubet, archéologue, qui prépare une thèse sur la grotte Capeletti. Les objets
découverts par Jean-Baptiste dans cette grotte sont au Musée de l’Homme à
Paris »
Photo et texte extraits de L’Echo du
diocèse de Constantine et d’Hippone, intitulé « Le lion des Aurès »,
du 15 novembre 1975…
Mystère aurassien en guise de final
C’est
une pierre de la rivière et ce n’est pas une pierre.
Elle
a quatre pattes et ce n’est pas une brebis.
Elle
pond des œufs et ce n’est pas une poule.
La
tortue…
Un
des « Mystères » de la tradition littéraire orale chaoui répertorié
par un des pères de la mission catholique de Médina…
Abderrahmane Djelfaoui
(Les photos sont extraites du livre de Fanny Colonna)
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