Voyager c’est découvrir les
richesses de l’inattendu, encore plus quand
vous vous trouvez hors frontières même si cet « étranger » est vécu
comme une partie vive de votre Histoire (avec un grand ou un petit h)….
La « partie » dont il
est question ici c’est la Tunisie ; plus particulièrement un de ses villages,
Enfidha, au centre du pays que nous avions traversé un peu par hasard…
En allant une première fois vers Kairouan, nous avions pris un auto
stoppeur qui ramenait, disait-il, des
médicaments à ses enfants. Après nous avoir fait traversé un passage à niveau non gardé de chemin de
fer, puis le centre du village d’Enfidha pour nous mener jusqu’au rond point de
la bonne route, il nous expliqua que si nous voulions un jour manger une bonne méchouia, il fallait revenir ici pour la
goutter dans l’un des petits restaurants populaires du village…
Ce que nous fîmes quelques jours plus tard quand nous décidâmes
d’abandonner un grand hôtel à touristes de Hammamet Yasmine pour aller
« casser la croute » ailleurs… Après un succulent couscous garni et une méchouia
pimentée à en couper le souffle, nous nous installâmes dans un café tout aussi populaire prendre du
thé à la menthe…
Assis là, nous pouvions voir au-delà des trottoirs une
église du siècle dernier… Apparemment l’édifice était en très bon état de
conservation et se trouvait estampillé du drapeau tunisien au-dessus de sa
porte d’entrée, ouverte…
La curiosité est un bon maître ! Ayant osé faire un crochet
jusqu’au parvis de cette église de campagne avant d’aller à notre voiture, nous
vîmes avec étonnement à l’extérieur, sur un des murs d’entrée, une plaque
nettement incrustée: Musée…
Musée ?... Mais de quoi donc dans ce village situé à moins de 6
kms à vol d’oiseau d’une sebkha dite Sebkhet Assa Juriba qui borde une longue bande
côtière sablonneuse sauvage ?...
Un homme, juste à l’entrée, derrière le bois sombre d’un comptoir
faisant fonction de guichet, nous renseigna. Nous étions bien au seuil d’un musée archéologique…
Le visage de ce conservateur de musée faisait penser, après coup, au
pharaon Montouhotept II de la XI ème Dynastie (2000 ans avant JC)…
Après nous avoir vendu les tickets d’entrée, le conservateur nous
indiqua que derrière le cœur de l’église que nous regardions de nos yeux
écarquillés vu le nombre de mosaïques parfaitement installées, se trouvait
aussi une galerie de vitrines contenant des objets antiques retrouvés dans les
fouilles des villages proches d’Enfidha…
Puis c’est une grande mosaïque chrétienne du VI ème siècle (époque
byzantine) incrustée au sol et dédiée aux martyrs qui nous « parle »…
Une page de la brochure « Au pays d’Enfidha » (édité par l’Agence
Tunisienne du Patrimoine Archéologique en 1994) nous apprend que cette mosaïque
consigne les noms des treize martyrs africains, en fait de berbères romanisés
sous la domination de l’Empire romain. Cette mosaïque qui cite deux compagnons
du Christ évoque l’attachement des populations berbères au culte des martyrs…
Ce qui me rappelle, pour ce qui est de l’Algérie d’alors, la célèbre
lutte des Circoncellions dont l’historien et militant Ahmed Akkache (proche ami
de Kateb Yacine) disait encore dans une interview en 2007 :
« Ce sont en général des paysans
libres dépouillés de leurs terres par la colonisation romaine et transformés en ouvriers
agricoles ou en esclaves. Bien entendu, ils se battaient pour récupérer leurs biens
et briser leurs chaines. Ce qui leur a permis de rassembler autour d’eux tous les mécontents et les
victimes de l’occupation, suscitant ainsi un immense mouvement social auquel on peut
donner le nom de « Révolte des saints » ou « des justes » par référence aux noms
que prenaient les premiers groupes d’insurgés pour se différencier de la sauvagerie romaine. »…
La mosaïque
de L’Agneau (signifiant le Fidèle) dans une couronne de lauriers
Mosaïques
funéraires jumelées de Renobatus et du prêtre Faustinatus
Mosaïque de P(ius)
v(ir) Dion, décédé à 80 ans qui avait planté durant sa vie
plus de 4000
oliviers, témoigne de l’intense activité agricole au 5 ème siècle après JC…
Nous contournons le chœur de l’église pour observer les vitrines d’objets
antiques (poteries, lampes à huiles, assiettes) alternées avec des meules en
pierre volcanique et des stèles tombales aux inscriptions païennes pour la
plupart dédiées au culte du dieu Saturne romain (ou Ba ‘al Hammon des
Carthaginois)….
Lampes à
réservoir circulaire, du 2ème siècle.
Vue
générale de l’intérieur avec le chœur, derrière lequel se trouvent les vitrines…
« La vigne d’oiseaux »
Combien de temps avons-nous passés dans cette église ?... Je ne
saurais le dire exactement, d’autant que les discussions avec le conservateur
(allant et venant vers nous depuis son comptoir où il recevait d’autres visiteurs)
furent diverses, instructives et étonnantes… Monsieur Aoun Magtouf nous parla entre autres du site
de Sidi Khlifa (ville romaine de Pheradi Majus et son imposant arc de triomphe),
à proximité d’Enfidha, qu’il nous conseilla d’aller visiter…
Il était temps de remercier notre guide et de partir…
Et nous nous retrouvions dans le bourdonnement de la rue centrale du
village, la tête pleine d’images symphoniques d’un très lointain passé, prêts à
traverser la chaussée pour reprendre notre véhicule…
Abderrahmane
Djelfaoui
bonjour Abderrahmane Pavla
RépondreSupprimer