Samedi 15 décembre 2018, Benamar
Medienne, proche ami de M’Hamed Issiakhem et de Kateb Yacine , donnait une
conférence au Mama (ex Galeries de France,
durant la colonisation) rue Larbi Ben M’hidi, intitulée « Les Mille et une
Vies d’Issiakhem… », où il parla entre autres de cet « humble
tableau » nommé ALGERIE…
Flash-back : prés d’un an
auparavant, le dimanche 8 janvier 2017, dans une salle haute au Musée Public
National des Beaux Arts du Hamma, prés de Belcourt, Alger, avait lieu la
cérémonie de remise officielle de l’œuvre de M’Hamed Issiakhem (« Algérie », sous verre, peint en France
en 1960) rapatriée enfin en Algérie …
UNE
TOILE ET DES MARQUEURS DE L’HISTOIRE…..
« à
Jacques Arnault », signé par M. Issiakhem (photo Abderrahmane Djelfaoui)
En 1960, Jacques
Arnault et M’Hamed Issiakhem ont pratiquement le même âge, 32 ans, lorsqu’ils se
rencontrent à Paris et se lient d’amitié.
« J’ai connu M’hamed Issiakhem (témoignait
Jacques Arnault Le 19 mars 2007) en France,
quand il était dessinateur. Ce tableau représente une femme et ses deux
enfants. Le père n’est pas présent parce qu’il est parti en guerre, le peintre
le peint d’une main, parce qu’il a perdu son bras à l’âge de 15 ans dans
l’explosion d’une grenade… Il y a un morceau de journal sur le coté, où il y a
écrit un article sur la guerre d’Algérie… » A signaler justement qu’à cette période le père
et le frère de M’hamed Issiakhem sont combattants au maquis.
En pleine guerre d’Algérie Jacques Arnault, qui avait subi les affres des camps de concentration nazis et était militant politique du PC publiait aux « Editions sociales » en 1958 un livre politique fort intitulé « Le procès du colonialisme » ; un livre que possédait feu mon père et qui allait passer de sa bibliothèque à la mienne….
Le tableau exposé au Musée
Public National des Beau Arts
Madame Anissa Bouayad, Vice présidente de l’association « Art et mémoire au Maghreb », sise à Ivry sur Seine, qui accompagne le tableau de Paris à Alger, souligne et commente l’essence du tableau « Algérie ».
Madame Anissa Bouayad (auteur de l’ouvrage :
Les
Artistes Algériens Pendant la Guerre de Libération,
ed, la Decouverte, 2014)
lors de son intervention
au nom de « Art et mémoire au
Maghreb »
(photo Abderrahmane Djelfaoui)
« Par des moyens esthétiques, dit-elle, qui
allient solide composition classique et matériaux contemporains vulnérables
comme les coupures de journaux, l’artiste nous fait ressentir par ses tensions
extrêmes qu’au-delà de la souffrance indicible se manifeste la volonté de
résistance de tout un peuple incarné ici dans cette femme et dans son enfant
qu’elle protège de sa main. […] Seuls quelques signes incrustés servent de
marqueurs et de datation. Un article sur le Manifeste des 121 (octobre 1960), le mot ‘mourir’, le titre ‘l’humanité’ détourné ici, pour signifier au-delà du
titre ce qui est en jeu.
« Autre marqueur, qui est plus qu’un
détail, au centre géométrique du tableau, ce petit galon de tissu collé reprend
les couleurs du drapeau algérien, sans emphase, sans insistance mais il est là,
pour être vu à cette place centrale »
« LA GRACE DU DON »
Revenant
enfin sur l’acte du donateur, elle commente que « ‘La grâce du don’ signifiait pour Jacques Arnault, vouloir sortir de
l’échange marchand agressif et inégal qui fonde notre système socio économique
actuel et son cortège d’injustices dans tous les domaines y compris la
culture ! […] Car il trouve plus juste que d’autres, plus nombreux et plus
concernés, profitent à leur tour de l’objet aimé dont il se sépare».
Madame
Bouayad poursuit et précise que Jacques Arnault, au moment de sa rencontre avec
Issiakhem, est rédacteur en chef de la revue « La nouvelle critique » et qu’il « prépara un numéro spécial sur la culture algérienne en pleine guerre coloniale. Le numéro sorti
en 1960 avec un brillant aperçu des lettres algériennes, de Kateb Yacine à
Assia Djebar. Pour les arts plastiques c’est Issiakhem lui-même qui contribua à
ce numéro. C’est en le préparant que les relations entre les deux hommes
s’approfondirent. C’est dans cet élan créateur qu’Issiahkem offrit l’œuvre ‘Algérie’ à son ami Jacques Arnault ».
J’apprendrais d’ailleurs moi-même un peu plus tard de Djaafar Inal (collectionneur
d’une importante partie de l’œuvre d’Issiakhem et dont il fera don au Mama) que
Jacques Arnault était venu en Algérie juste après l’indépendance y enseigner la
philosophie dans la banlieue d’Alger ; « il en profitait, dit-il, pour
passer de temps à autre saluer l’équipe d’Alger républicain et donner un coup de main »….
Dessin de M’hamed
Issiakhem pour la Une d’un
spécial d’Alger républicain années
60…
Benamar
Mediene, professeur des universités, essayiste,
ami et
biographe du peintre M’hamed Issiakhem,
expliquant
dans une courte intervention lors de cette cérémonie
ce que fut
l’audace de l’artiste à chaque étape de sa vie
depuis ses
premiers dessins d’enfants à l’école primaire,
sa première
exposition dans l’Algérie coloniale avec un autoportrait,
ses
brillantes études en France
et la
manière dont il s’imbiba de façon créatrice
des leçons
esthétiques de maîtres espagnols tels le Gréco et Goya….
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