A quelques jours du début du 21 è siècle (et du « bug » électronique
que nous attendions tous avec naïveté), le 21 décembre 1999 exactement, je
publiais dans « Le Siècle », (journal aujourd’hui disparu) un
reportage pleine page réalisé à
Mostaganem…
Comme d’habitude, celui qui m’avait avec patience et gentillesse reçu,
aidé, guidé, introduit à travers les arcanes de Mosta, ses curiosités, son
passé, ses personnages, ses vivants et jusqu’à l’ombre de ses morts c’était
Abderrahmane Mostfa. A l’époque photographe, un des animateurs et comédiens du théâtre
de la Salamandre, animateur également de ciné-club et passionné de
recherches historiques contemporaines (ses pistes et traces) à travers toute la
région de Mostaganem et au-delà…
Où l’on commence d’abord loin du centre-ville…
Quand Abderrahmane Mostefa me signala la publication du « Diwan
du Cheikh Abdelkader Betobdji » édité par la Société d’Impression de
la wilaya de Mostaganem au début de cette année 99, ma première curiosité fut
de savoir pourquoi un jeune chanteur châabi, Ghlamallah Abdelkader,
s’était passionné pour de longues et difficiles recherches puis la publication
de textes d’un poète soufi, poète traditionnel du medh décédé en 1948 à Tigditt,
soit enterré cinquante ans plus tôt…
Mais avant d’aller voir le musicien, Abderrahmane Mostefa téléphona sur
une ligne fixe au vieux maitre érudit de la ville (il n’existait pas alors de smartphone)
lequel accepta de nous recevoir sur le champ à son domicile. Ā
Hassi Mamèche, petit village à 8 kms de Mostaganem, sur la route de Mazagran et
de Mascara. Edifié sur une colline dominant la plaine et le golfe de Mosta,
dans un paysage (à l’époque) rural, dont le nom avait été Rivoli dès le milieu
du 19 è siècle ; nom donné par des familles venues de Paris y installer,
sous la sécurité de l’armée, une colonie agricole après la troisième révolution
française de 1848 qui avait destituée le roi Louis Philippe et proclamée la
République… Ainsi : percée démocratique là-bas (chantée par un
Lamartine) et poids de plus en plus cruel de la colonisation ici que les
tribus dépossédées de leurs terres collectives ne cessaient de combattre désespérément..
Notre hôte n’était autre que l’érudit Abdelkader Benaissa El
Mostaghnmi à la longue carrière de militant nationaliste au PPA/MTLD, animateur
d’associations culturelles et musicales durant les vingt dernières années de la
colonisation : Essaidia, dont firent entre autres partie le
dramaturge Ould Abderrahmane Kaki (qui adaptera Samuel Beckett en arabe parlé
en 1958 à Mosta même) et le chanteur châabi Maazouz Bouadjaj…
Avec l’âge et l’ingratitude des temps, Abdelkader Benaissa s’était retiré pour approfondir en solitaire
ses activités de chercheur et d’essayiste infatigable d’essais et opuscules
d’histoire locale et nationale.
Il nous reçu d'abord au premier étage de sa villa, une maison de maître où il nous offrit café et rafraîchissements. Puis nous descendîmes au
rez-de-chaussée dans son bureau où il était évident qu’il devait y passer le
plus clair de son temps. Un bureau-bibliothèque encombré de livres, de
journaux, de boites d’archives, de catalogues, de manuscrits, de pièces de
collection, de photographies et d’objets divers… Ce "laboratoire du savoir" donnait sur un jardin égayé de multiples pièces archéologiques en pierre dont il nous contait avec un sourire de tendre fierté comment il en avait trouvé les morceaux et remonté l'histoire....[Pour mémoire, il a été l'auteur en 1968 d'un livre intitulé: "Mostaganem & sa wilaya dans l'Histoire & la Pré-Histoire"]
C’est dans cet espace magique (fin de siècle 20!) que l’érudit
m’apprit, au fil de la discussion, que Cheikh Betobdji était de la lignée d’un
Sidi Lakhdar Benkhlouf , « un des sept oualis ou « gardiens
mythiques » de la ville et que sa poésie est bien sculptée ! »…
Après un moment méditatif il ajoutait à notre intention : « Lakhdar
Benkhlouf est le premier poète de Chi’r el melhoun algérien à avoir eu son œuvre
imprimée et diffusée à Rabat en 1958 »…
En repartant de chez lui, le vieil homme tint à m’offrir deux de ses
livres : « Annales Mostaganémoises 1952-1962. L’art au service
de la patrie » (qu'il me dédicaça) et un autre sur l’Emir Abdelkader.
Rencontre avec Ghlamallah au
centre-ville…
Si je ré-insiste, vingt ans après, sur cette traversée de la
ville à pieds, c’est que la Mostaganem d’alors m’apparaissait avoir une
échelle sympathiquement humaine. Ville portuaire, ville populaire et paisible, ville
de plages et de poisson, ville où la ruralité de bon sens avait aussi ses
allées et venues, elle était comme ouverte au ciel, à sa lumière, à l’espoir
des belles et bonnes rencontres … Abderrahmane Mostefa qui en est natif n’y a
jamais « circulé » qu’à pied. Tout au plus, parfois, en taxi pour une
urgence… Qui aurait alors pu imaginer l’insupportable cacophonie automobile
d’aujourd’hui ?... Et l’exiguïté d’une ville, ses boulevards, places et
vieux marchés qui ne semblent au vu des foules browniennes ne plus bien savoir
où sont ses points cardinaux…
[Juste avant d'écouter le récit de Ghlamallah lui-même, savoir que le petit magasin "Le Carré" où il me reçut est aujourd'hui fermé... Ce fut un éphémère lieu de rencontres des musiciens, mais aussi de beaucoup de jeunes...]
[Juste avant d'écouter le récit de Ghlamallah lui-même, savoir que le petit magasin "Le Carré" où il me reçut est aujourd'hui fermé... Ce fut un éphémère lieu de rencontres des musiciens, mais aussi de beaucoup de jeunes...]
Ghlamallah, jouant de son instrument préféré
(2) [Savoir que né en 1960 à Mostaganem, Abdelkader Ghlamallah est
enseignant de musique tant dans l’enseignement public qu’au Conservatoire de
l’Association du Nadi El Hillal Ethaqafi dirigé par Moulay Benkrizi, « mon
maître » dit Ghlamallah pour ce qui est de la musique andalouse.
L’inattendu, où l’arrivée du
petit-fils du Cheikh…
Didi Mahieddine Betobdji,
petit fils coté maternel du Cheikh Betobdji
et ancien avocat à la cour de Mostaganem.
et ancien avocat à la cour de Mostaganem.
Le récit de Didi Mahieddine Betobdji.
Coucher du soleil sur le golfe de
Mostaganem.
On voit sur la ligne d’horizon le
nuage de fumée d’une des torchères des GNL du port gazier d’Arzew…
(photo Abderrahmane Djelfaoui)
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