NAISSANCE D’UNE IDEE….
[Comment peut-on faire un tel film à cette période
charnière de 1962 en Algérie ?]
… Je suis venu de France à Alger pour l’Indépendance. J’y
suis venu pour les fêtes de l’indépendance avec des amis qui, comme moi,
avaient été actifs en tant que « porteurs de valises ». Mais je
n’aime pas beaucoup l’expression « porteurs de valises ». Parce que
je n’ai pas porté beaucoup de valises, mais j’ai fait tout autre chose.
Disons : je transportais des évadés de prison. Leur faire passer des
frontières, et des choses comme ça. En 1959- 60… Vers la Suisse et la
Belgique. Des voyages en Allemagne aussi en passant par le Luxembourg pour
trimballer non pas des valises mais des papiers, des documents… En voiture, des
voitures…
Livre paru en 1979, chez Albin Michel,
Paris
[Comment avez-vous vécu l’Indépendance ?]
A Alger, ce qui était important pour moi c’était
l’indépendance… Depuis avril, c’est-à-dire depuis les accords d’Evian qui
avaient permis d’ouvrir les prisons, il y avait eu des tas de rencontres avec
les « frères » comme on dit…Des gens que je connaissais, qui
sortaient de prison, qu’on rencontrait… Comme Mohamed Boudia, rencontré à Paris
au printemps 62, après son évasion de la prison de Fresnes en 1961 … Une
ambiance de joie ! On était heureux que cette indépendance enfin
arrive !
Mohamed Boudia
Et avec trois amis, je crois, on a décidé d’être à Alger
pour les fêtes de l’indépendance…En avion… On ne connaissait personne. On avait
des adresses. Des adresses dans la Casbah. On a été les premiers français à
entrer dans la Casbah depuis « la bataille d’Alger ». On était
identifié comme des français de la métropole ; et comme ils découvraient qu’on
était proches, le contact a été
extrêmement chaleureux. C’est ça qui m’a marqué le plus… Je ne sais plus
combien on y resté à la Casbah… J’ai mauvaise mémoire… Je ne me rappelle plus
très bien comment on a réussi à se loger dans cette Casbah… Dans la ville
européenne les logements ne manquaient pas. Parce que comme des centaines de
milliers de pieds noirs étaient partis, les logements il y en avait…
Je me souviens après qu’on était logés au boulevard du Télemly. Dans un bâtiment qui s’appelait l’Aéro-habitat…. Mais ce n’était pas tout de suite. C’était un peu plus tard… Grâce à des amis militants. Oui des amis militants qui, avec quelques adresses, on s’était retrouvés. J’avais retrouvé comme ça deux ou trois personnes que j’avais déjà rencontrées à Paris… J’avais aussi un grand ami, Mokhtar Moktefi, rencontré à Tunis en 1961, puis à Paris et à Alger. Il a quitté l’Algérie après le renversement de Ben Bella, est resté quelques temps en France puis s’est établi à New York avec sa compagne américaine, grand activiste anticolonialiste et anti impérialiste expulsée brutalement par les autorités algériennes. Il est décédé il y a un ou deux ans mais elle est bien vivante et a récemment publié un bouquin sur ses années en Algérie....
Ayant travaillé à la Cinémathèque algérienne, nous
avions souvent projeté le film de Vautier, « Peuple en marche » ;
premier film réalisé en 1963; ou d’autres réalisés par les actualités
algériennes… Mais là, c’est la première fois que je rencontre un film aussi
franc qui m’a marqué par sa sobriété. Comment il a pu être fait ?… Par
quelles étapes ?...
Au départ, je ne suis pas allé là-bas pour faire un film. Je voulais aller là-bas, pour assister à l’évènement, pour partager la joie des amis algériens à ce moment-là. C’est quand j’ai vécu l’exubérance de ces premiers jours, quelque chose de vraiment puissant qui m’a touché, je me suis dit : ce serait bien de tourner et d’enregistrer des images. Parce que j’avais observé qu’il n’y avait pas grand monde qui tournait… Et il se trouve que deux ans avant j’avais participé à une aventure cinématographique, pas du tout comme cinéaste mais comme personnage du film de Jean Rouch et Edgar Morin « Chronique d’un été » avec Marceline Loridan ; j’étais le Jean Pierre du film. C’est sur ce film tourné en été 1960 à Paris que j’avais compris qu’on pouvait tourner avec des moyens à très petit budget, faire du cinéma direct….
PREMIER TOURNAGE A ALGER….
J’ai donc pris contact avec la télévision et je leur ai
demandé s’ils pouvaient nous prêter du matériel pour tourner. La télévision
était encore gérée par l’ORTF, c’était une période de transition avec des
Français. Ça ne les a pas empêché de me donner un coup de main. Non seulement
ils nous ont prêté du matériel, mais ils ont mis à ma disposition un caméraman.
C’est comme ça que j’ai pu faire un certain nombre de premières images… C’était
l’été 62 ; puisque je suis arrivé début juillet 62… La chose s’est amorcée
comme ça. A ce moment-là j’étais en relation par téléphone avec Marceline
Loridan à qui j’ai raconté la situation et Marceline Loridan a décidé de venir
elle aussi, parce qu’elle aussi avait été très impliquée dans les réseaux de
soutien au FLN en France durant la guerre de libération … Marceline est arrivée
fin juillet ou début août, je ne sais plus très bien… A ce moment-là c’était extrêmement
très agité entre différentes factions algériennes pour le pouvoir… Les wilayas
… D’abord il y a eu l’élimination de la Zone autonome d’Alger… Ça se sentait au quotidien dans la rue … L’atmosphère,
était dramatique, électrique… Il y avait des mouvements… Ça c’est
surtout senti quand les armées des frontières ont fait route vers Alger… Et il
y a eu des grandes manifestations de la population algéroise… Contre l’avancée
de l’armée des frontières … Ils ne voulaient pas voir éclater une guerre
civile. Un des slogans c’était : « Seb’a snin baraket ! »…
« Sept ans ça suffit ! »…
Et il y a eu un pseudo affrontement au sud d’Alger. Je me
souviens être monté là-bas et avoir
tourné des images qui n’ont pas été montées par la suite, parce qu’elles
n’étaient pas vraiment utilisables. Mais je ne voulais pas faire de l’actualité ;
c’est là que je me suis rendu compte que ma démarche n’était pas du tout la
même que celle des reporters que je
voyais en action et qui chaque jour cherchaient le sensationnel. Ce n’était pas ce que je voulais.
C’est là que j’ai compris qu’il serait intéressant ce serait de faire un film qui aille en profondeur et qui raconte dans quel état était ce pays, l’Algérie. Parce qu’évidemment j’ai été frappé par l’état de détresse sous-jacent. Il y avait eu la joie de l’indépendance, mais il y avait l’inquiétude, il y avait la souffrance, les souffrances passées, la difficulté de vivre le présent, parce que tout était sens dessus dessous…
Encadré :
« En août 1963, a lieu sous Ben Bella, la première étatisation des salles de spectacles à Blida… »
Extrait de : Premières images de l’Algérie indépendante : Un peuple en marche (1964) ou « l’épopée » du Centre audiovisuel d’Alger. Sébastien Layerle . p. 60-75 (https://doi.org/10.4000/decadrages.794)
[ Comment montiez-vous peu à peu ce projet avec Marceline Loridan ?…
Vous preniez d’abord des notes ?... Vous aviez déjà un canevas, un
synopsis ?
Marceline était aussi convaincue que moi de l’importance de
faire ce film, et c’est elle qui a trouvé les moyens. Personnellement je n'avais pas trop de relations avec les gens liés au pouvoir en train de se constituer; devrais-je dire "les pouvoirs"? C'est Marceline qui prenait cela en charge plus que moi. C'est elle aussi qui a convaincu un grand
ami à elle et à nous à Paris. De nous soutenir financièrement ; à partir
de quoi il a été possible de négocier avec une petite boite de production un
peu proche du Parti communiste dont j’ai oublié le nom... Là on a pu faire
venir un professionnel pour la prise de vue, Bruno Muel … On a travaillé avec
Bruno Muel en octobre-novembre surtout. Le principal du tournage a été en
novembre… Ce n’est que plus tard que le
film a été repris par la boite de production Argos films ….
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