Dernière heure d’expo (Photo : Abderrahmane Djelfaoui)
L’exposition
« 1posture » a pris fin.
L’artiste a décroché ses œuvres qu’il a mises sous cellophane, les toiles de
peintures comme les sculptures…
Cela
fait, que reste-t-il de cette aventure d’un mois entier au Palais de la
Culture ? Des souvenirs multiples et foisonnants, certes. Des visites
inattendues et des retrouvailles aussi. Même un défilé de mode au final mais, surtout,
un catalogue, hors normes…
Des catalogues
d’exposition, nous avons bien sur connu ceux des Baya, Issiakhem, Khadda,
Koraichi, Ali-Khodja, Hakkar, Mesli et autres que la Galerie Isma-Issiakhem réalisait régulièrement lors de chaque
exposition consacrée à un de ces grands noms de la peinture dans les années 80.
Et l’artiste Azwaw Mammeri de se rappeler nostalgique à propos de cette
période: « Le catalogue était
complété d’une affiche et d’une carte d’invitation sous forme de carte postale
qui était envoyée par voie postale. Je me rappelle les avoir reçu dans ma boite
aux lettres »...
On peut également
se souvenir qu’à la Casbah, à Dar Khdaouj
el ‘Amia, des catalogues ou cahiers
originaux étaient autoédités en noir blanc par Denis martinez pour ses
expos….
Il y en eut
également d’autres, réalisés par quelques centres culturels nationaux ou
étrangers (dont le plus célèbre était « Le Voyage / Baudelaire-Mokrani » et le restera au vu de sa
disparition tragique…
Historiquement, me
signale l’universitaire Hamid Nacer-Khodja, le premier catalogue de l’Algérie
Indépendante fut celui de la toute première exposition collective de peintres
organisée en juillet 1962 avec « un
catalogue constitué de 3 pages dactylographiées, agrafées, sans illustration »
… Et madame Nadira
Laggoune Aklouche de préciser à ce propos: « …le Comité pour
l’Algérie Nouvelle, organisation d’intellectuels algériens et européens créée
dans le but de lutter contre l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) organise,
dès la proclamation de l’indépendance, le Premier Salon de l’Indépendance du 13 au 21
juillet 1962 à la salle Ibn Khaldoun à Alger. L’engagement était spontané et
les artistes multiplient les actions qui le prouvent par des ventes aux
enchères et des expositions au profit des orphelins de guerre… » [1].
Doc- source : H. Nacer-Khodja
En fouillant dans
ma propre bibliothèque, j’ai fini par retrouver prés d’une soixantaine de ces catalogues
de différents formats et épaisseurs depuis le début des années 80… Sans compter
quelques rares livres d’art réalisés depuis… Et, évidemment, je n’ai pas tout… Avec
eux,
c’est tout un fil
d’histoire, ses bouffées de créativité, d’espoir et de plaisir qui m’envole tel
un cerf volant dans le ciel…
Même si cette
production se poursuit de nos jours (entre autre pour Les Ateliers Bouffée d’Art, à Alger,) combien d’artistes jeunes et
moins jeunes : peintres, designers, sculpteurs, photographes et autres de
l’est, de l’ouest ou du sud du pays auraient aimé avoir cet honneur et
distinction de disposer ne serait-ce que d’un humble catalogue de quelques
pages à distribuer lors de leur de leurs rencontres avec le public?.... Me
reviennent les dires de l’ami Azwaw
Mammeri qui laissait percer son insatisfaction, son amertume : « j’ai beaucoup fait d’expos sans catalogue,
par manque de financement. J’aurais voulu y associer beaucoup d’écrits et de
regards d’amis par rapport à ma peinture »…
Combien en ont rêvé,
vainement, des années durant, (si ce n’est des décennies) et seront pour un
certains nombre d’entre eux partis sur la pointe des pieds sans ce signe qui
laisse une trace-mémoire sur les rayons d’une bibliothèque et les CV des
auteurs?....
LA
CONCEPTION D’UN CATALOGUE
Le catalogue de
Mustapha Nedjai pour l’exposition « 1
posture » est quant à lui étonnant, attirant, luisant et imposant… On
pourrait encore aligner d’autres bons qualificatifs à son propos ; la
raison est qu’il sort de l’ordinaire et qu’il ressemble plus à un livre d’art
qu’à un catalogue. D’un design moderne et ambitieux, il est constitué de prés
d’une centaine de pages avec des textes critiques ou poèmes signés par pas
moins de huit auteurs différents et quelques quatre vingt dix reproductions
couleur et noir et blanc des dernières œuvres de Nedjai. Le tout dans une
maquette simple et soignée, subtilement
aérée…
« Je ne peux imaginer, dit l’artiste, un catalogue en dehors de ce qu’il
contient : sa thématique. Autant il
y a une charge plastique très puissante dans l’expo de 1posture, autant je l’écrème
dans la couverture du catalogue pour ne laisser que noir, un noir brillant et
un noir mat. De la graphie de l’expo il n’y a rien. Seulement une couleur :
le rouge pour le titre d’1posture. Le reste des lettres qui se répètent est un
noir brillant sur un fond mat noir. Saisi par les mains, il devient comme un objet précieux. Son brillant
noir attire. On est curieux. On veut savoir…On est alors surpris par la qualité
conceptuelle du produit, par sa qualité
artistique…»
Photo : Abderrahmane Djelfaoui
« Le problème avec nos infographes c’est
qu’ils sont juste formés techniquement comme manipulateurs de logiciels. Les
logiciels c’est important mais ça ne suffit pas. L’essentiel dans ce domaine
est la formation artistique. Or souvent ils ne l’ont pas… Manipuler un
logiciel, même très compliqué, est une chose. Créer est une autre chose… Pour
la plupart des infographes la notion du beau est la même qu’ils travaillent sur
un catalogue d’entreprise, un catalogue publicitaire ou le catalogue d’un artiste…
« C’est
à partir de ce constat que j’ai été obligé, sur mes expos de ces dernières
années, à m’occuper moi-même de la réalisation de mes catalogues… Pour moi, un catalogue est le reflet d’une
exposition particulière, celui du travail réellement réalisé par l’artiste, son
esprit… Je peux même dire que chez un même artiste, et d’une exposition à une
autre, le catalogue nait à chaque fois d’une conception différente… A chaque fois on doit pénétrer la sphère intime de l’artiste, celle de ce
moment là, pour donner à sentir son univers…
« Même pour les trois livres que j’ai réalisé,
les couvertures changent de nature pour chaque ouvrage en fonction du contenu….
Dans Aired, par exemple, j’ai repris en couverture une photo de l’intérieur du
livre, mais cette photo je l’ai détourée et retravaillée sur un nouveau fond
rouge, un de mes rouge peinture spécialement créé pour ça…»
L’IMPRESSION
« Mon travail de sculpture et peinture sur les
têtes était déjà avancé quand je pensais de façon précise à cette couverture en
noir mat. Pour l’écriture j’avais d’abord opté pour un gris foncé, parce que je
pensais qu’on n’arriverait pas à réaliser ce noir dans nos imprimeries. C’était
un problème technique. Quand j’ai constaté que la réalisation en réserve était
possible, maitrisable, j’ai décidé de faire les grandes lettres en noir
brillant…
J’ai
alors suivi le process en imprimerie. Ce n’était pas nécessaire de le faire du
début jusqu’à la fin pour l’ensemble du tirage. On a juste procédé à des essais
sur 4 feuillets du catalogue pris au hasard pour vérifier les tonalités et les
gammes. C’était bon et satisfaisant. Ensuite pour la couverture on a fait
3 ou 4 essais pour obtenir le noir qu’on voulait. Ce n’était pas n’importe
quel noir… Quand on l’a obtenu, le secret était mis en lumière…. C’était
évidemment un noir polychromique réalisé avec Diwan dans
sa nouvelle imprimerie de Rouiba.»
La question du
catalogue est aujourd’hui au croisement de tous les destins. Compte tenu du
manque sidérant de la critique artistique de bon niveau dans la presse
quotidienne, compte tenu du nombre excessivement faible de galeries d’art pour
les dizaines de millions de personnes représentant la pluralité de la nouvelle
société, compte tenu de l’inexistence d’un cinéma documentaire spécialisé des
productions artistiques, face enfin au développement impérieux de nouveaux
supports virtuels (photo numérique, sites internet, TV privées, etc), comment
va se profiler l’avenir proche des catalogues d’expositions
artistiques qui demeurent un réceptacle incontournable de l’actualité culturelle
et humaniste de notre société, de ses conquêtes et de ses innovations ?...
Mustapha Nedjai (Photo : Abderrahmane
Djelfaoui)
Abderrahmane Djelfaoui
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