mardi 2 août 2016

Kateb Yacine : le bourgeois sans culotte !...

Faire reparler une photo, image plane, quadrangulaire, noir et blanc, a trente ans de distance…. Oui, bien évidemment c’est possible quand on prend la peine de transmettre la parole du témoin même qui la vécut ….

Que voit-on sur cette photo ?


Kateb Yacine, à droite, en chemise blanche, jambes croisées et main gauche suivant son propre flux d’explication… C’était en juillet 1988… Au centre, un journaliste égyptien de la revue « Koul el 3arab ». A sa gauche, Mostefa Abderrahmane, aujourd’hui vidéaste connu pour ses poignants films documentaires sur l’histoire contemporaine et douloureuse de l’Algérie d’avant l’indépendance…
Juillet 1988, précise une seconde fois l’ami Mostefa Abderrahmane. Parce que date à laquelle se déroulait la 42 ème édition du Festival du Théâtre d’Avignon, France….

Qu’est ce lieu ?

Un jardin magnifique, dit Abderrahmane Mostefa,  Le jardin du Festival où les dramaturges et les comédiens avaient  l’habitude de donner des conférences de presse à l’issue de la représentation de leurs pièces.
Kateb Yacine rencontrait ce jour là les médias, chaines de TV comprises, pour parler d’une de ses pièces (inédite jusqu’à ce jour chez nous, Algérie) qui a pour titre : LEBOURGEOIS SANS CULOTTE, OU LE SPECTRE DU PARC MONCEAU dans une mise en scène de Thomas Gennari ! (qui en connait même le titre ?... Le bourgeois sans culotte …)

La pièce de Kateb Yacine

La pièce ne ressemble bien entendu à aucune autre pièce comme Kateb Yacine lui-même ne ressemble à aucun poète de la planète.
Le prétexte part de Louis XVI  que les révolutionnaires français de 1789 allaient exécuter haut et court lui et son épouse la reine Marie Antoinette… La terreur, déjà… Mais l’intérêt est que la pièce se développe ensuite sur les « théâtres » modernes de la terreur des guerres coloniales comme celle d’Indochine pour finir sur celle d’Algérie… Une fresque historique transcendant tous les espaces géographiques et les temps traditionnellement découpés en « avant » ou « après »…
La pièce, se rappelle Mostefa Abderrahmane, avait été jouée au Musée Calvet trois semaines durant par les comédiens de la ville d’Arras, ville où était né Robespierre et d’où il s’était fait élire député au Tiers Etat en avril 1789…
La pièce, pour les spectateurs, se jouait en mouvement. Elle commençait en  pénétrant dans le musée Calvet lui-même, pour se poursuivre entre couloirs, salles et jardin… Tous les soirs à 18 heures trente, du 12 au 31 juillet 1988. Et les spectateurs, nécessairement pas assis, suivaient, suivaient, de prés…

Mais que Faisait donc là Mostefa ?

Des photos auraient pu l’expliquer mieux que 1000 mots. Mais on n’a pu encore les canner… Mostefa Abderrahmane se trouvait à Avignon avec la troupe Art Scénique de Mostaganem. Le choix avait été fait par les pouvoirs publics algériens d’envoyer cette troupe représenter le pays et sa culture… La troupe vint avec la pièce « Fin de partie » de Samuel Beckett, mise en scène justement à cette époque par Mostefa Abderrahmane. Elle avait réécrite par Ahmed Haroun et interprétée à Avignon  par Ahmed Haroun Et Bouaich Guenoun…
C’est comme ca que Mostefa Abderrahmane rencontra Kateb Yacine. « Un moment inoubliable », dit-il. Avant de rajouter ce souvenir. Il avait demandé à Kateb Yacine d’avoir la faveur de recevoir un texte de la pièce pour le ramener en Algérie, à Mostaganem. Pas possible, avait répondu Kateb Yacine. Pourquoi ?... Parce qu’à ce stade il n’y avait pas encore de texte définitivement établi de la pièce Le bourgeois sans culotte. A chaque représentation, expliquait Kateb Yacine, ce texte change, parce qu’il y a des rajouts, des modifications, etc…
Mostefa n’a malheureusement pas pu rapporter la pièce, mais cette photo qui en parle, parle et pourrait encore dire bien d’autres choses vivantes, inattendues, poétiques et folles comme seuls les créateurs authentiques savent le faire…

Abhderrahmane Djelfaoui

1 commentaire:

  1. Abdelalim Medjaoui
    12:26 (Il y a 2 heures)

    À moi
    Cher AERahmane,

    Je n'ai pas su mettre ce commentaire à la place que tu as suggérée après ton article. Je ne comprends rien au charabia technique dans lequel on peut l'exprimer. Tu pourrais, toi, l'insérer là où il doit être.

    C'est bien de retrouver et faire connaître les traces de notre KY. Et tu as bien su les traquer dans cette photo que tu fais parler. C'est dommage qu'on n'ait pas le texte de cette pièce, puisque Mostefa Abderrahmane n'a pas pu la ramener d'Avignon. Mais cette pièce a dû être enregistrée en Avignon, et un homme de culture comme toi pourrait toucher directement l'administration du Théâtre d'Avignon pour en récupérer l'enregistrement, ou en s'adressant à Thomas Gennari, son metteur en scène d'alors, s'il est encore en vie, ou à tout autre personne liée au théâtre français, comme cette Ariette Casas dont je t'ai envoyé l'interview... qui justement s'inquiétait auprès de lui des enregistrements de ses pièces. Bon courage...

    Je voudrais ajouter un petit commentaire sur le terme terreur que tu as employé par deux fois. Tu dis une première fois : "La terreur, déjà…" , en parlant des moyens légaux et légitimes de la défense de la Révolution de 1789, définie ainsi précisément par ce terme chargé idéologiquement par la bourgeoisie infidèle au pacte anti-royaliste de 1789... Qui répliquera d'ailleurs par la contre-terreur thermidorienne qu'on retrouvera dans celle, en 1970, du "Mur des fédérés" de triste mémoire contre la Commune... et qui signe d'ailleurs la défaite de la classe ouvrière dans ce bras de fer avec son alliée bourgeoise dans le pacte susmentionné... Cette dernière fera sienne alors la politique terroriste coloniale de la royauté, contre laquelle, dès le début de la Révolution, Robespierre avait protesté par son slogan anti-colonial : "périssent les colonies si elles contredisent les principes !" (dont ceux de l'égalité et de la liberté de l'homme).
    C'est sans doute cette infidélité du "bourgeois sans culotte" aux valeurs de 1789 et à leur défense par les moyens légaux - mais que ce bourgeois qualifie de "terroristes" - de la Révolution qu'utilise génialement KY - comme lui seul sait le faire des raccourcis historiques - en développant sa pièce, comme tu dis, sur les « théâtres » modernes de la terreur des guerres coloniales. Terreur, d'ailleurs qui de distingue de celle que tu signales en premier et dont tu sembles approuver le sens par le terme "déjà". Ce terme me semble malencontreux, car il permet de comprendre et même de dire que cette "terreur des guerres coloniales" est le fait des colonisés, ce qui n'était pas - on le sait - l'avis de KY et qui n'était pas certainement le principe de sa pièce.
    D'où l'importance de récupérer un enregistrement de cette pièce qui permettrait de continuer ce débat sur des bases plus solides.
    Merci. (04/08/2016)

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