Bel hommage (ô combien mérité) ce
jeudi 22 décembre qui, par le vernissage de « ACTUELLES PARTITIONS POUR
TOUS JOURS », marque la rétrospective qu’organise le Musée National
des Beaux-Arts d’Alger à l’occasion du
25ème anniversaire du décès de l’artiste Mohammed Khadda.
Ce sont des dizaines, sinon des
centaines d’œuvres multiformes (peintures à l’huile, aquarelles, gravures,
affiches, tout comme nombre de
couvertures d’ouvrages, dessins ou outils de travail sous vitrines), toutes
œuvres d’une vie créatrice tendue qui sont ainsi mises à la disposition des
publics en cette fin d’année dans les salles et galeries du musée du Hamma.
Un siècle de retrouvailles à la salle des bronzes du
musée.
Parmi toutes ces œuvres, une a fortement retenue mon attention ;
une aquarelle, - un art dans lequel Mohammed Khadda a particulièrement excellé. Datant de 1987 son titre est toute une
projection poétique : « ENVOL SUR ROCHE », en arabe :
« tayrâne 3alâ sakhra »… Tout
en l’observant, un connaisseur du Musée en déchiffra pour moi de droite à
gauche ses ailes-lettres tracées noires sur rose : « es-sehm », me dit-il, « la flèche »…
(Photo : Abderrahmane Djelfaoui)
Hasard ?... A une enjambée de là je rencontrais Inam Bioud et
Khawla Taleb Ibrahimi, deux amies ; l’une poétesse et directrice de l’Institut
arabe de traduction, l’autre enseignante universitaire et essayiste, toutes
deux grandes praticiennes des langues…
L’évocation entre nous de l’ami Mohammed Khadda (Mohammed avec deux m, comme le
soulignait Habib Tengour, écrivain, qui avait été vertement rabroué par
l’artiste de son vivant pour n’avoir pas respecté la chedda), nous mena a mettre en lumière l’autre évènement de cette exposition à savoir la traduction à
l’arabe faite pour la première fois d’un écrit de Mohammed Khadda :« éléments pour un art nouveau ». Ce
célèbre ouvrage en français avait été édité en 1972 par l’Unap et imprimé sur les presses de la SNED
(atelier Zabana où travaillait l’artiste lui-même). Prix de vente 6 DA…
La notice de quatrième de couverture spécifiant que « cette plaquette constitue le tome I de la
collection ‘recherches Esthétiques’ que se propose de publier l’Union Nationale
des Arts Plastique » (union dont Khadda avait été un des fondateurs).
Mon exemplaire du siècle passé et….
… sa table des matières …
J’avais déjà discuté à ce sujet avec Madame Orfali, la Conservatrice du
Musée National des Beaux-Arts, lui demandant comment cette idée de traduction d’un
livre de Khadda était venue plus d’un quart de siècle après sa parution ?
« Parce que le Musée à
énormément d’ateliers d’enfants, de jeunes adultes, etc, qui sont parfois
totalement hermétiques à ce qu’ils ont autour d’eux parce que toutes les
sources documentaires sont en langue française. Nous sentons bien le blocage ;
nous qui travaillons dans le Musée nous nous rendons compte que tout ce qui est
mis à disposition en langue française n’est plus accessible pour la jeunesse. Ce
patrimoine restant dans un cercle très élitiste, ce qui est dommage, il était donc
impératif que ces textes fondateurs de l’art algérien soient mis à la
disposition des jeunes publics et ne soient plus occultés… »
Madame Orfali présentant un exemplaire de la toute
nouvelle traduction de Khadda en arabe
Aussi l’occasion était belle, rencontrant Inam Bioud à cette exposition,
de lui demander plus d’éclaircissements quant à cette traduction toute neuve…
Inam Bioud devant le
tableau « Talisman rouge », une huile sur toile de 1969
« J’ai connu Khadda dans les
années 78/79, me dit-elle, avec un groupe d’amis dont Rachid Boudjedra et bien
d’autres… Mais traduire son livre édité il y a trente et plus, c’est en fait
traduire un texte d’actualité. Le traduisant, j’avais l’impression forte que
Khadda parlait d’Eléments pour un art
nouveau d’aujourd’hui, en 2016 !... L’artiste était en avance. Il
avait une vision qui se projetait loin dans l’avenir… C’est aussi l’avis de ma
fille qui a lu ce livre en français… On n’a pas du tout l’impression qu’il date
de plusieurs décennies déjà… »
Couverture de la revue
EUROPE réalisée par Khadda en 1976
Et Inam Bioud de poursuivre : « Cela a été aisé de le traduire du français à
l’arabe, parce que Khadda utilise le mot qu’il faut à la place qu’il faut.
C’est vraiment un plaisir de clarté et de concision… Je l’ai fait presque d’un
trait… Et en travaillant c’est comme si Khadda ressuscitait devant moi. Je
l’entendais dire ses phrases, les prononcer…Il n’y a vraiment pas eu problème,
tant les idées de Khadda sont claires. Je pense que ce sont les gens qui n’ont
pas de suite dans les idées qui sont difficiles à traduire. Le traducteur doit
réfléchir à leur place… A mon avis, chaque écrivain qui écrit devrait penser
qu’il sera un jour ou l’autre traduit et donc penser son écriture de façon la
plus maniable, en allant à l’essentiel sans jamais perdre de vue l’idée
centrale… Avec Khadda il n’y a pas eu de difficulté, il fallait seulement
trouver la manière de dire. Je crois qu’écrire sur un artiste c’est une manière
de dire ce dont il est capable. A ce titre, pour moi l’émotion doit primer. De
là découle la beauté…. »
Abderrahmane Djelfaoui
prière me communiquer les ouvrages de feu khadda ou ceux de sa femme Mad khadda najet.merci infiniment .
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