lundi 3 mars 2025

PREMIERE MÉDAILLE ALGÉRIENNE EN OR DE 24 CARATS

 



PREMIERE 

MÉDAILLE ALGÉRIENNE 

EN OR DE 24 CARATS



En rappelant la réalisation de cette médaille en 1968, nous voulons rendre un modeste hommage à un artiste exceptionnel : un dessinateur, peintre, sculpteur, architecte, rénovateur d’édifices historiques ; mais aussi enseignant de longues années durant à l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger, et « artiste du feu » en tant que céramiste et émailleur sur cuivre…



Mustapha Adane dessinant dans son salon

Photographie Abderrahmane Djelfaoui

 

La Foire internationale d’Alger, plus précisément son DG d’alors Mohamed Ferrah lui commande une médaille en prévision de la 5-ème FIA devant se tenir à l’été 1968. Soit une année avant la célèbre manifestation internationale du PANAF tenue à Alger en 1969..

L’artiste, à cette époque est professeur aux Beaux-arts et Président de l’Union nationale des artistes peintres (UNAP), commence évidemment par dessiner au crayon les esquisses de ce que pourrait être les caractéristiques essentielles de l’image de cette médaille ; ses traits simples……

Adane pense que ce qui peut « imager » avec bonheur la tenue d’une manifestation économique de plusieurs nations à Alger est justement de prendre un des plus anciens édifices de la capitale, la mosquée de Djamaâ el kbir édifiée au XI -ème siècle, aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1992…

« Les populations de notre pays étant plus que majoritairement musulmanes, j’ai en conséquence pris un détail de la première mosquée du pays, c’est-à-dire la grande entrée de la mosquée de Djamâ el Kbir à travers laquelle on voit la fontaine de granit noire...



Photographie Abderrahmane Djelfaoui

 

« J’ai gravé au bas de la médaille sur l’une des colonnes les armoiries de la ville d’Alger qui est le « centre » de l’Algérie, sa capitale. Tout cela est composé de façon claire et simple afin de symboliser l’Algérie par sa spiritualité et par le blason de sa capitale dans l’avers… 

« L’arc architectural de la grande porte est un arc brisé en haut, c’est à dire que c’est un type d’arc destiné à renforcer l’architecture. Comme la frappe de la monnaie cette construction est un miroir des idées, de la volonté et du mode de vie d’une société ; elles sont à cette époque l’indice d’un destin social commun vécu à travers la religion dont un des points d’orgue est l’arabesque… »

 

UNE HISTOIRE DE LA CITÉ CROISÉE A L’HISTOIRE FAMILIALE



Vue de la mosquée dans l’ancienne rue de la Marine, fin du 19 eme siècle.

 

Ce choix est d’autant plus justifié, me dit Mustapha Adane, que « le trait principal de l’architecture au XI -ème siècle qui vient autant de l’Espagne andalouse que de l’art roman d’Europe (qui s’est nourri de l’art musulman) c’est l’arc…

« Cette caractéristique (comme l’écriture koufie de la même époque) indique de façon très synthétique un art et un style qui ont notablement enrichi la civilisation méditerranéenne. » 

Pour mémoire : Djamâa el Kbir est l’une des premières mosquées de notre patrimoine et de l’histoire de l’islam en Algérie datant de l’an 1097. Elle a subi d’importants dégâts entre autres à la suite du bombardement d’Alger par la marine du royaume de France à la fin du 17 -ème siècle puis le bombardement de la même cité par Lord Exmouth en 1817…

L’inspiration de l’artiste n’est pas seulement d’ordre historique, elle puise aussi aux racines de l’enfance de Mustapha Adane qui se souvient que son oncle paternel Belkacem montait souvent à pied au haut du minaret de la mosquée faire à voix nue l’appel à la prière du fadjr quand l’imam de la mosquée n’était pas là… « Mon père, lui, faisait toujours sa prière dans cette mosquée. C’était obligatoire !... »

Cet extraordinaire édifice religieux est donc non seulement une vague de psalmodies inoubliables mais une géographie évidente (de la place du Gouvernement, de Djamaa Jdid, Djamaa Ketchaoua, Djamaa Betchine…) de l’enfant de la basse Casbah, né et scolarisé à la Casbah durant les années 30 du 20ème siècle.

« … La mosquée de Djamaâ el kbir m’impressionnait depuis mon enfance, vu que qu’un commerce et un salon de coiffure de mon père se trouvaient à côté de ses murs dans une rue perpendiculaire. Enfant de cinq-six ans je faisais souvent la navette entre notre maison près de Ketchaoua et les commerces de mon père où ma mère m’envoyait pour une course ou une autre … »

Ajoutons que juste au bout de cette rue perpendiculaire, sous les arcades et face à la mer se trouve le célèbre « Kahouet Et-Tlemçani » qui nécessiterait à lui seul une série de films documentaires et de livres mémoires…

  

 LA PREMIERE MÉDAILLE ALGERIENNE FRAPPÉE A BARCELONE




Diamètre :90 mm pour les pièces en or

70 mm en argent et en bronze

Photo : Abd. Djelfaoui

 

 

Le revers de cette médaille indique l’intitulé et l’ampleur de la manifestation ainsi que sa date dans une écriture droite, immédiatement lisible. L’ensemble de la composition, équilibrée dans la circonférence, intègre la symbolique de la planète rayée par ses fuseaux horaires à quoi s’ajoute le sigle de la foire d’alors qui n’est pas le logo de Mustapha Adane…

 

« Après l’avoir dessinée et en avoir fait moi-même la matrice, la médaille fut frappée de l’autre côté de la Méditerranée dans un atelier de médailleurs espagnol à Barcelone, un atelier spécialisé depuis 1860 du nom de VALLMITJANA et qui avait assuré la frappe de médailles dessinées par Picasso ».

« Ainsi mes tous premiers contacts avec les responsables de la Foire internationale d’Alger dès 1968 m’ont permis cette année-là de réaliser la première médaille algérienne, un méplat. C’était ce qu’on appelle une médaille vermeille, c’est-à-dire en or de 24 carats sur un support en argent pur... »


Au vu de la médaille achevée, Mohamed Farrah, le DG de la Foire demande à l’artiste de concevoir un autre sigle… « J’ai donc fait un autre logo qui existe jusqu’à aujourd’hui : une simple hélice qui tourne, comme tournent les expositions de la Foire… »




Le logo de la FIA dessiné par Mustapha Adane.

Comme le dit et le répète Mustapha Adane, à ses étudiants comme dans ses déclarations :

« le dessin est le fondement de la créativité dans tous les arts plastiques ».

 


« Cette médaille a été ensuite offerte dans toutes les règles de l’art aux représentants des pays venus participer à la Foire Internationale d’Alger ; elle a été également offerte aux responsables des organisations économiques existantes ou naissantes de notre pays. Au total c’était une centaine de médailles qui étaient offertes, ce qui était alors une performance…

« Mohamed Farrah étant un responsable pragmatique n’oubliait pas d’envoyer la médaille au dépôt légal de la Bibliothèque nationale dont le directeur était Mahmoud Bouayed, tout comme vers le secrétariat de l’union des écrivains algériens, et d’autres… »

Ceci étant, la première médaille algérienne ne sera pas la dernière pour Mustapha Adane qui entre dans sa 92 -ème année de vie. Il a en effet réalisé près d’une vingtaine de médailles d’art (du PANAF de 1969 à l’ouverture du métro d’Alger) au cours de sa longue carrière artistique de plus de 60 ans !

 

 

Abderrahmane Djelfaoui

03 mars 2025

 

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