A la mémoire de Abderrezak Hellal
« L’aventure méritait d’être tentée. Le G’zoul, jaloux du Djurdjura ; enjambe alors
le Sersou, ce grenier méconnu de Rome, trompa la vigilance du Zaccar, renfermant
la perle Miliana, fit un clin d’œil à la prestigieuse Mitidja des héroïques
Hadjout, et alla se promener humblement aux pieds de la déesse Casbah dans l’espoir de disputer
le charme de l’élue de toutes, la disputer à l’esprit de tous : Himoud Brahimi,
l’éternel Momo qui nous quitta un certain 1er juin 1997 ».
Ainsi commence la présentation –s’égrenant sur une
cinquantaine de pages- que fait Amar Belkhodja
quant au petit trésor poétique du chantre de la Casbah ; un trésor éparpillé
aux quatre vents des mémoires et que l’ami tiarti
a patiemment recherché, collationné, identifié, mis en ordre pour être enfin
mis à la disposition du plus grand nombre par ce livre tout aussi béni que ses
poèmes, - le troisième du genre sur les écrits et la poésie de Himoud
Brahimi que publie l’auteur-chercheur.
Mais comment donc ce journaliste chevronné qui s’était
spécialisé dans la mise en lumière des grands faits et noms de l’aventure
nationaliste du XXème siècle en est-il (soudain ?...et par quel
déclic ?...) venu à s’intéresser de façon aussi soutenue sur une figure
longtemps controversée de la scène algéroise ?...
« Je n’arrive pas
à me l’expliquer, répond-t-il tout de go…. Je n’ai en fait rencontré Himoud
Brahimi qu’une seule fois, à la Cinémathèque de Tiaret, en 1986-87, avec Mohamed Chouikh qui venait tourner son film
« La Citadelle » et qu’accompagnaient le chanteur Aïn Tedeless et le
cinéaste Mohamed Bouamari…
« Et lors de
cette seule et unique rencontre, Himoud
Brahimi eut un rire inoubliable, un rire saccadé, personnel et prolongé dans le
temps que je n’ai jamais connu par ailleurs de toute ma vie … Il m’avait aussi frappé par sa stature, par sa diction et sa
culture…
« Puis je l’ai un
peu oublié jusqu’à ce que je l’entende de loin à la radio, lors d’une interview
fleuve de onze heures à minuit que lui faisait Leila Boutaleb sur la Chaine
3… A partir de là le travail de recherche sur son œuvre n’a jamais cessé
de me préoccuper…»
*
Un Sésame du cinéma : TAHYA YA DIDOU.
« Zinet le connaissez vous ?
Zinet est un clair obscur qui ressemble à l’endroit où il est né.
Ce clair obscur se rapproche davantage du GRECO ;
Qu’il ne s’en éloigne de REMBRANDT.
Sinueux comme une enluminure de Omar RACIM.
Volontaire comme une métaphore de ISSIAKHEM.
Rêveur comme le ciel gris de RUYSDAEL.
Impétueux comme une colère de GOYA.
Zinet est un mult iportrait qui véhicule une multitude d’impressions se
chevauchant en ordre libéré.
Ce clair obscur qui aussi le seuil où se noua sa première respiration à
la vie,
C’est le clair obscur de Bir-Djebbah.
Bir-Djebbah c’est la goutte de miel
Qui capte le soleil pour un accouplement accompli.
Bir-Djebbah c’est le regard envahi de lumière de Zinet ;
Jusqu’à en être aveugle et aveuglé.
Zinet c’est un visage d’adolescent
qui porte les traces d’un cœur lourd.
Un cœur où l’histoire de son pays est accrochée à chaque globule qui
l’anime.
A chaque fois qu’on le rencontre il donne l’impression de sortir d’une
grotte enfumée.
Son corps est comme un manipulateur de sensations où chaque pore
transmet sa réverbération au cerveau.
C’est comme cela que Zinet à imaginé et construit son film.
Ce film que vous allez voir : ce film qui chante le cantique de
l’amour de l’Algérie retrouvée : ce film est son film.
Que d’années cumulées. Que
d’expériences vécues.
Que de remords jugulés. Que d’exaltations mues.
Que de désespoirs étranglés. Que d’espérances vues.
Le calvaire de la nuit pour celui dont l’imagination déborde d’images.
C’est un supplice lancinant dominé par le cosmos.
A l’instar de Christian ROSENCREUTZ les noces chimiques de Zinet
C’est à travers TAHYIA YA DIDOU qu’il les a traversées »
(poème des années 70, mais non daté)
*
On le
sait : Himoud Brahimi fut un
fervent cinéphile du muet puis du parlant au cinéma « La Perle » au
haut de la Casbah et cela de son enfance à l’âge d’homme… On le sait
aussi : il fut très tôt comédien de théâtre avec Mahieddine Bachtarzi et comédien
de cinéma notamment dans le « Les puisatiers
du désert » de Tahar Hannache (1952) avec Djamel Chanderli et Habiba… Ce
que l’on sait moins par contre de cet ami proche de Simone Signoret, c’est que
son statut d’indigène musulman ne lui
permit pas d’aller au-delà de petits rôles dans le cinéma français… Lui qui
n’en avait pas moins battu le record du monde de nage en apnée de 5 minutes 45
secondes à Paris, 1948, à la piscine de la Butte aux cailles … Il faudra
attendre 1971 pour le voir rayonner au sens matériel et spirituel du terme dans
TAHYA YA DIDOU
(« Alger insolite ») aux
cotés d’autres illustres maitres de l’époque tel George Arnauld auteur du
« Salaire de la peur »,
« Les aveux les plus doux »,
« Pour Djamila Bouhired »,
etc……
Ce que l’on
sait encore moins et que nous devons au travail désintéressé et méticuleux de
Amar Belkhodja c’est qu’au sein même de la Casbah aux 130 saints, Himoud
Brahimi a pensé et aussi rédigé une
œuvre de spiritualité : « L’IDENTITÉ SUPRÊME », ouvrage remarquable de
80 pages, dense et inattendu, qu’il finit par publier sur les conseils pressants
de Pierre Bourdieu en pleine guerre
d’Algérie, en 1958, à Alger, Chez l’éditeur algérois Edmond Charlot…
Ce même
Edmont Charlot qui interviewé en 2003 (a
88 ans) fera ce témoignage à Çaliha Brahimi (pour le livre commun :
« Tahya Momo » qu’elle
réalise avec Djamel Azzi) :
« Himoud Brahimi était un bel
homme, il a servi de modèle à des artistes peintres, dont une académie de
peinture, dont il était le Modèle. Il était comédien en arabe et en français.
Je réalisais beaucoup d’expositions qui attiraient beaucoup de monde, notamment
le Cardinal Duval, le Représentant du Consistoire Juif et le Mufti. C’était
extraordinaire, ils venaient tous à la librairie [rue Charras]. C’était
marrant, si l’exposition était programmée à cinq heures, ils étaient tous là
bien présent à l’heure et je voyais en même temps le Cardinal, le Mufti, le
Représentant du Consistoire Juif, et Himoud Brahimi faisant la conversation avec
eux ! »
« L’IDENTITÉ
SUPRÊME », un livre à propos duquel Amar Belkhodja me fait l’aveu que l’autre
fille de Himoud Brahimi, Douja, qui habite Lille et lui-même ont dû contribuer
chacun d’une somme de 50 000 DA afin que ce travail puisse être, 52 ans
après à nouveau publié en Algérie même… Je
me suis dit, souligne Belkhodja : « Je ne vais pas attendre indéfiniment un éditeur… » . Et le fascicule
put être exhumé et sortir (une nouvelle fois) de la nuit coloniale…
Mais combien
d’autres textes encore à exhumer d’un Himoud Brahimi qui ne cessait de taper
sur sa machine à écrire mais qui, sauf
rares exceptions, ne s’est jamais soucié de publier de son vivant ?...
Amar
Belkhodja, aussi vénérable que les chênes de Tiaret, s’est engagé corps et âme
dans une opération de sauvetage de l’œuvre de cet illustre casbadji du XXème siècle….
Salut et
respect à son inappréciable contribution pour une appropriation sereine de notre
patrimoine.
Amar Belkhodja lors de la
commémoration de la Journée de l’Artiste le 21 juin 2014, au Bastion 23, Alger
très touchée par l'initiative de Amar Belkhodja, il met entre nos mains une partie de notre mémoire collective et enlève la poussière sur un pan de notre patrimoine. Il y a du chemin encore à faire mais quand on voit la volonté de certaines personnes, on garde espoir et nos horizons ouverts. Merci de nous rapporter ce travail Abder.
RépondreSupprimerBonjour, tout simplement merci !
RépondreSupprimerOui, merci Abderrahmane
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