mercredi 4 juin 2014

« La Belle Bête », de Mustapha Boucetta



le cheval sort enfin de sous
les décombres
sa crinière illuminant alors
l’appétit du ciel


Quand on demande à Mustapha le temps qu’il a mis pour réaliser cette œuvre,  il vous regarde d’un air amusé puis s’enhardit à vous dire : « une femme met bien neuf mois pour accoucher…  Moi, j’y ai mis trois mois… C’est comme si j’avais fait la jument pour ça… »

Puis quand je le relance pour savoir pourquoi , de tous les modèles humains ou d’animaux existant, il a choisi le cheval ?.. Sa réponse d’artiste ne s’invente pas :
« C’est évident ! C’est beau ! C’est puissant ! C’est en plus ce qu’il y a de plus difficile à réaliser ; pour moi c’était donc un vrai challenge ».

Et sans transition, de la dite jument au football-roi, voilà que l’illumination d’une des innombrables anecdotes dont il est friand lui revient vous faire toucher du doigt ce que créer veut dire…
« Le grand meneur de jeu Hacène Lalmas du CR-Belcourt discutait avec  Noredine Saadi, entraineur. Ce dernier essayait de convaincre le célèbre buteur du meilleur gardien de but du monde,  Lev Yachine, de jouer de façon scientifique… Lalmas l’a écouté, écouté… puis excédé il tire un stylo Bic de sa poche et le tend à Saadi : « Hak stylo et joue moi un corner avec… »



Mustapha avait commencé le travail par la tête du cheval … Le matériau premier pour ce faire avait été deux passages de roues d’une 405 Peugeot récupérés chez un ferrailleur de Boudouaou où il avait été fouiné avec un ami du nom de Kamel Errih, dit Véno
« Quand j’avais débité ces pièces pour la première fois, ça faisait une tête de veau ; mais alors une vraie tête de veau … »
Bien entendu Mustapha voulait lui une tête de cheval pur sang… Un cheval fabuleux, certainement à l’image de ceux qui étaient chevauchés par un John Wayne ou un Kirk Douglas dans la salle obscure du ciné du quartier de son adolescence…
Ne dit-on pas qu’un artiste avec l’âge c’est tenace ? Je dirais même plus : c’est têtu comme un Bouceta qui doit alors aller jusqu’au bout de son idée et de ses peines…
Sans compter que c’était le plein été 2012… « Il faisait chaud à crever ! Avec le ferronnier qui travaillait sous mes directives pour ajuster, découper et souder les différentes pièces de métal – plus d’une centaine de pièces provenant de tôles, de passages de roues, de futs d’huile ou de graisse pour la mécanique-  (il n’avait jamais vu ça le ferronnier!.. Pour lui le chalumeau ce n’était pas pour les bêtes !...C’était contre nature… Il n’imaginait même pas que son feu puisse aider à faire une œuvre d’’art…) on était obligés de travailler avec un parasol et une guitoune qu’on déplaçait avec la rotation du soleil… Alors pour détendre l’atmosphère je lui lançais des boutades du type : qu’est-ce tu penses, on fait un cheval ou on fait une jument ?...»



Et bien entendu les amis passaient voir.
« Mustapha Nedjai et son épouse me rendaient visite voir l’état d’avancement du travail…  Ils étaient curieux… Yamo le designer aussi… El Hachemi Ameur de Mosta. Moncef Guitta et d’autres… Les gens étaient intrigués par ce qui était devenu un campement… Ils voulaient voir si j’allais gagner mon pari de transformer toute cette feraille»…
Il va sans dire que Mustapha Boucetta était sûr de lui: « j’étais même convaincu à l’avance de son élégance et de son âme… »
En fait on imagine aisément l’artiste s’endormir et s’éveiller chaque jour, chaque nuit, avec ce cheval qui ne cessait de lui trotter dans la tête…
Un projet qui s’est admirablement concrétisé.




Question dernière, question des origines… D’où donc est né chez Mustapha Boucetta peintre le désir de sculpter ?...
« L’idée m’est venue en peignant… D’ailleurs des artistes qui me voyaient peindre (notamment le sculpteur Massen) décelaient dans ma peinture des possibilités de sculpteur… Jusqu’à aujourd’hui quand je peins j’ai plus la sensation de sculpter un matériau que de peindre, de juste ajuster des touches avec un pinceau… Peut être que ça me vient de mon ancien métier de restaurateur de meubles… »



On attend plus que de voir cette sculpture exposée et voyager de salle d’exposition en salle d’exposition…
Voir également les autres sculptures du genre que Mustapha Boucetta est en train de peaufiner : une autruche et un énorme poisson des fables…







4 commentaires:

  1. aucun mot n'est surprenant quand on le connait un peu ... un artiste, un vrai ! ...

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  2. très belle oeuvre avec si peu de moyen, bravo! Et merci à Djef de nous permettre de prendre connaissance ce travail.

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  3. Enfin
    La finesse fluide
    La fraicheur qui demande le temps
    Pour réaliser cette beauté
    Cette bête humant le ciel
    Au regard amusé
    Un regard puissant en tendresse
    Je suis un descendant de l’adolescence
    Un futur faiseur de formes
    Enfin
    Demain
    Je serai vivant
    Enfermer dans ce fer
    Ouverte pour tous ces contes
    J’ouvre les couvercles
    Ces portes pour montrer
    Ma monture involontaire
    Indatable

    Réjean Desrosiers ( Réj Rosiers ) © 2016 06 06 004

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  4. Quand j'étais toute petite, je lançais à qui se fendait de quelque colère :

    Arrête arrête ou je vais te mettre un cheval sur la tête qui va te brouter les cheveux !!!

    Appropriation que je me faisais à l'âge de 4 ans de l'expression Monter sur ses grands chevaux !!!

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