Du port de Tigzirt,
deux mini bus nous ont emportés en gravissant l’étroite route de montagne en
lacets jusqu’au village de Tifra. Là se sont arrêtés les bus pour que nous commencions
la balade à pied sur les traces du poète Si Mohand U Mhand (né aux environs de
1845 et décédé le 28 décembre 1905). Tifra n’était pas le village du poète,
mais dans son incessante errance Si Mohand U Mhand était souvent passé dans
cette région dans son cheminement vers la Zaouïa de Timliline…
Cimetière de
Tifra en dessous du poste militaire français construit après la défaite de
1871…
Au nom de Dieu je vais entamer le poème
Puisse-t-il être bon
Et s’en aller errant dans les plaines
Quiconque l’aura entendu l’écrira
Il ne l’oubliera plus
L’esprit sagace en comprendra le sens
[…]
Premières
lectures tour à tour en tamazight puis en français
On grimpe
encore, en passant devant une maison en construction. Tout autour une campagne
féérique malgré la chaleur ; fleurie de senteurs. De temps à autre on
aperçoit un troupeau de moutons à l’ombre généreuse d’un olivier. Myrtes
blanches aux graines noires sur les bords du chemin. Elles sentent, comme le
pouliot (flyou) un temps sans temps…
Du temps que j’étais enfant
Sans pareille était ma beauté
Mon père travaillait pour moi
Nous possédions les bonnes terres de
Chemlal
Et d’autres en montagnes
C’était pensais-je la fortune
Maintenant que je prends appuis sur la
férule
Mon bonheur penche
Hélas Où est le temps d’antan
L’artiste peintre Arezki Larbi en halte devant
ce qui reste de la maison d’une poétesse
du nom de Fadhma Tiliket, décédée l’année passée…
du nom de Fadhma Tiliket, décédée l’année passée…
Le chanteur Salah Gaoua, vice-président
de l’association Bla-Tiless (sans frontière) organisatrice de la randonnée
Ce siècle ingrat
A la fin m’avilit
Et chaque jour augmente mes peines
Jadis j’étais chevalier
Pourvu de fortune
Je montrais la voie à beaucoup
Maintenant le destin m’est contraire
Et mon bonheur s’est endormi
Sans doute irais-je jusqu’au bout de
l’épreuve
Esprit avisé écoute moi je t’en conjure
Ne tiens pas de propos inconsidérés
Car mon mal à personne je ne puis le
dire […]
A la halte de la maison de Mohand Akli,
chevrier, le grand gaillard explique que son grand-père mort à l’âge vénérable
de 114 ans (en 1954) était l’ami de Si Mohand U Mhand qu’il recevait, hors de
la maison, lors de ses passages et pour lequel il sacrifiait tantôt un bouc, tantôt
un mouton.
L’échange avec ce descendant nous
apprend peu à peu que le centenaire avait trouvé une recette éprouvée contre
les invasions de sauterelles qui s’attaquaient à l’écorce des arbres. Il les
recouvrait de la laine des brebis, ce qui les sauva…
Ne te fie pas au monde il ne dure pas
Il peut démentir ton étoile
J’ai vu la chèvre insulter le bélier
Le faucon qui allait en tête des foules
Aujourd’hui pauvre hère
Est devenue la proie des battues
Les bouchers qui lavaient la viande
De sa bouse sauf votre respect
Sortent maintenant vêtus richement
Mais comment retrouver au plus prés de sa vérité cette voix
d’un grand bohème du 19ème siècle ? Surtout dans ces espaces
d’air pur, lumineux où des centaines d’oiseaux pépient mélodieusement en
concert rappelant l’autre grand poète du 12ème siècle : Attar…
Où l’on marche même sur des centaines de
mètres pieds nus sur les petits cailloux et les crottes de biques…
[…] Je n’avais pas de compagnon
Il est bon pourtant de faire route
ensemble
A deviser tout en marchant […]
[…] Et moi voué à la bohème
Et à l’exil
Je trouve les morts plus heureux […]
Khaled Louma T34, sur le chemin du
retour…
[…] Je suis comme l’oiseau sur qui dans
son nid
L’épouvante fond
Parce que ses frères envolés l’ont laissé
seul […]
Après une belle et longue balade l’appétit
est heureux. Un couscous est offert à l’association sur l’esplanade du port de
Tigzit.
Ce même port, sur les quais duquel, le
matin tôt avant le départ en montagne j’avais vu les pécheurs débarquer un très
gros thon…
Nous sommes tombés raides dans la mer
Sans espoir de nous en tirer
A moins que Tu ne nous sauves mon Dieu
Voici fondre sur nous la vague
Mes yeux pleurent
Mes amis familiers […]
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