Oui : des poissons geules
ouvertes prêts à mordre !
Des silhouettes de femmes au
long cou, mollets gonflés, « sans
visage », sombres…
Pas de lieu ! Pas de
temps ! Hier ou demain plus encore…
Peut-on peindre
l’irrémédiable ?
Peindre la tragédie ?
La désolation humaine qui sombre
sans retour ?...
Comment donc cette partie infime du réel, - la toile du peintre - ,
celle là qui n’est qu’enserrée dans un cadre de bois, immobile, juste posée sur
un chevalet ou un coin de table pourrait-elle « dire » le bouleversement à mort de ce monde ?
Est-il possible qu’elle puisse essorer la peine et la rage de nos corps
comme un chiffon de parterre prétend résorber une inondation?...
« Quand je peins les naufragés, je deviens un naufragé ! Je souffre », me dit Hachemi Ameur au téléphone, depuis le port de Mostaganem à plus de 300 kms d’Alger et ses banlieues où quelques cageots de sardines finiront par se vendre à plus de 400 DA le kilo après que le soleil soit à son zénith…
Lui, le peintre, dont je sais qu’il travaille pieds nus et en cuissette, suant, suant dans son atelier toute la misère que depuis son enfance il ne peut accepter, souvent ne pas comprendre…
Et de me demander lèvres closes si l’on peut juste avec de la peinture et des collages « peindre-dessiner » des toiles qui ne se noieront pas ensuite dans la traversée des expositions, la traversée des regards, la traversée des masses d’informations innombrables qui nous électrocutent chaque seconde, minute et jour après jour de leurs interpellations, pubs, rires gras, morales et discours à deux sous ?...
Peintures : Hachemi Ameur
Texte : Abderrahmane
Djelfaoui
Comme une marée, ces images me ramènent au souvenir d'un texte de Youcef Elalamy -les clandestins-
RépondreSupprimer"Ce jour là,il y avait le ciel bleu des mauvais jours, et là éparpillés sur le sable, d'étranges poissons. Des poissons si gros que l'on eut dit des hommes. Dieu tout puissant, on dirait des hommes, mais oui ce sont des hommes! Malheur à nous, ce sont des hommes!"