à la mémoire de
Zahra Benacer
(1949-2005)
avec toi
décrépusculer fin de siècle
de ses poussières d’aubes
ralentir le flux des marées
nous offrir le bout d’une presqu’ile
presque heureuse
la pouliche qui a perdu
un sabot dans la plaine
ne hennit que vent
aux naseaux des feuillages
sa sueur perle
attristant le ciel
d’hirondelles
son destin est de semer un plus
tard
nous avons cru chanter tous
deux
du même pas
comme l’occiput d’un arbre croit
murmurer la nostalgie d’un
autre
arbre
creux de mille nouaisons
tout peut m’arriver mais rien
d’autre
dirait le pays
parlant sa langue
native
qui au vol des merles préfère
voir ses arbres aller leur
dérive
de chaux vive
et inconstance d’ombres
souffler à chaque expiration
un ha ras d’hirondelles
doute espoir
c’est ce qu’instille le mot peuple
ses roches nuit
vase neige ou
armoise d’oued à fendre
*
ton cœur aura vécu
ce peuple d’enfance qui avait
l’émerveillement des yeux tus
laps d’enthousiasme
laps de crainte
dans l’immensité de la
lumière
terre mère
j’ai en toi planté une pluie
qui murmure prière
à toute heure venue
venante
par toi je rêve aux feuilles et
galets
à belle circonférence
d’ombellifères
toi qui pulse tes lointains
en mes veines
bleue t’entendre et ton arôme
révérer
partie
alors qu’un muezzin entonne la
prière
du soir
ta trace brûle tant
ressusciter une sidérale folie
à mes nerfs
toi dont j’hérite une robe
de mots
décousus
survivant puis-je quêter un sens
autre que celui de non-
dits
le savons-nous d’où nous venons
a goût de beurre rance
aux enclos des guerres
et leurs regs
de mots et gestes éclatés
aujourd’hui
nos navires sont loin
du fourmillement du phosphore
et du souffre mortel
loin d’une guerre crachée
au soleil
nous dire
ô Malika de
mutité
berbère de rêverie
tu croyais en leur bonté
sans faire compte de la
tienne
ni prendre garde
aux rages
qui t’envoutèrent
en bâillonner toute petite ton
ciel
lui dont le chant poli souriait
insondable
au moindre de tes soucis en la mineur
Reine douce
de résignation
j’ai de feutres noirs calligraphié
ta plaque tombale sur une terre
étonnée de tes senteurs
ce plus rien te couchant sans nom
dans l’étrange soir
*
ta disparition
est inhumaine image
puis-je implorer ce qui n’est
plus
là où nulle prière n’a encore
fait
trépanation d’étoile ?
mettre encore mon nez
ma joue dans tes
cheveux ?
empire au goût
de pomme et champ
d’épaule nue
ouvrir à nouveau
la fenêtre
à l’humidité d’un brouillard diffus ?
et tournoiement d’hirondelles
où sous un pâle soleil
nous buvions
la prime douceur
du café ?
comme
tu disais
être brune ou rousse salée
d’une enfance où tout se compte
à la bouche
j’imagine les nuées perdre
leur morgue
au sillage des oliviers
eux que j’imagine
d’une humeur qui apitoierait
le scalpel des vents
t’accompagner
solitude après l’averse
Elle voulait
seulement rencontrer un
abricotier
d’une année l’autre
lui tendre un regard en
recevoir
cueillette de velours
(peut
être la mort n’est qu’un temps
de croisière
qui travaille
comme le vent travaille d’ombre
sa canicule)
sous sa robe de soie de Boukhara
l’air apaisait la peau du
soir
inverser mon âme dans sa robe
la fenêtre ne s’ouvre pas
toujours
en tournant le pêne
elle peut aussi bien enfermer
une paille
une nuit de papillons ou un
rêve
monochrome
puis s’entrouvrir
lune abandonnée
aux rives du mystère
cigales qui furent
que deviennent les
épouvantails
sans oiseaux faire peur
aux pierres endormies la nuit ?
vains vents obscurs
lapés d’aboiements
que vous dire
qui n’ait déjà été dit de la
légende
des pieux noirs ?
de toi
se meurt
à chaque battement de gorge
un fracas d’entrailles
à chaque frôlement d’eau
deux ou trois vents d’amer crissent
irréels volets clos
à chaque écaille
au mur
chaque cendre
neuve
renaissent pourtant tendres
sources
souvenances
que je te vois trouble
halo de la lune
ou t’oublie pérégrinations
hébétées
tu ne cesses de sertir
mes aortes
et chevilles d’une houle
marine
soudain devenue écorce pluie
tropicale
toi souffle lèvres
à nos ventres
les nuages glissent souvenirs
des décédées de la nuit
ronde léchant
l’infinitésimal éclat d’étoiles
enfilées immobiles
ajoutant alors d’étonnantes
lucioles pâles
à la nuit des astres
d’amour amer
que je me traîne arbre
à déclinante lumière de
froidure
ou que je marche à l’appel
des versets d’armoise
et pain d’orge
avec toi l’amour ne pleut
gel
ou brouillard
ô silencieuse nuit assise
en quelle seconde priera-t-on
les pierres obscures ?
en quelle autre
psalmodiera-t on une halte
fougère du retour ?
comment avec la mort
la vie
peut-elle être aussi lumineuse
et ses paroles papillonner
dessus dessous
nos solitudes ?
*
qu’ai-je envie ce soir
qu’entendre rire
une enfant
entendre bailler le vent
et bruire une source
là bas au pays du laurier
rose
de mes maisons d’enfance monte
un air de pierre retournée
comme si la chevelure de la
terre
faisait descendre au puits
un autre croissant d’aube
*
friperie
la création ne serait-elle que
repasseuse
des plis de nos cils ?
*
ô colombes
de quelle immobilité
battez-vous l’aile
qui m’aère ?
elle savait
la civilisation mignardise
quel que soit le coût des
corps
hachés et
décharnés d’âme
*
ah l’envie se balancer à la
mer
mettre un océan entier
entre soi
et les maux de mots de la
terre
d’elle
oublier l’ombre crépuscule
de bois vert
époumonant trop de souvenirs
d’elle ne tailler
que crayon d’yeux
égrenant le plaisir
puis m’élancer hélice
ciel
suivre l’oiseau
une année
à un merle qui se posait
je murmurais de loin
s’il était seul
d’où il venait
il s’est retourné
a déféqué
s’est envolé
*
que faire que méditer
loin des chardons envieux ?
un muezzin
à voix de scaphandrier
appelle nuit
passage sous la cendre
prescience qu’il ne restera
de nos pas
qu’un souvenir de poussière
une trainée d’avion là-bas
écho de rien
d’une maison
ouvrir la porte suffit
en sortir
mais de soi
décoincer d’abord les pieds
sortir leurs chutes de
mémoire
*
braise faussement assagie
je me surprend être une lave
de fin
de siècle
lave mer
sans marée
qu’un ciel sans avant ni futur
ne t’excuses pas
à Youcef
Sebti, in memoriam
Mao ou le Che
le fleuve ou la foret
l’œil et l’humilité
pays univoque
il charrie ce qu’il n’a pas et
médit du plus cher
croyant que tout se trépane
de flaques d’eau
il s’agenouille aux confins
déserts
balbutier nos silences
dont il incendie le remords
si incongru que la terre tremble
honte en ses limons
pays buldinges
de briques
à brûler
lui
si indistinct de sa foi de montagne
tant ses mots fourchent
herbes mal fichues
ô pouliot de vive senteur
qui se souvient longtemps se souviendra
des hirondelles andalouses
berbères amantes des mers
qui ne revinrent que poitrail de cigognes
rond bec de mimosas
dans nos
nuits presque noires
retrouverons-nous
un bout de craie
redessiner l’imaginaire
ah cartes de géo
récitations ou dévots devoirs
de latrines
[ce qui de nos
doigts sort
du meilleur
cru rêvé
ne fait-il
pas abcès du reste de nos vies ?]
étrange d’entendre dire
la poésie est mon métier
quand on ne l’écrit qu’hors
l’horaire des pylônes
peut-être que le poète
n’est qu’un clown du plus âpre
qui va tirant juste
ce qu’il ne faut pas tirer sur la corde
décence reconnaître
qu’un poème est sang de la grêle
je me suis saigné
comme on saigne l’agneau au soleil
Et après ?
après les oiseaux continueront
pépier la vie
sans avis me faire sa scène
l’impression d’être
sur l’interminable frontière
d’un pays off limits
*
miettes de rimes que nous sommes
chutant falaise
sans émouvoir un trou
de flûte
dormante
*
et le monde de faire semblant
d’aller plus vite que la joie
d’une enfant
plus vite que les vents
jouant de son premier vernis
d’ongle
transcendant la mort
les saints ne traversent-ils
pas
pierres tombales de nos
songes
imbibant nos existences d’une
pluie
de récréation ?
une voix disait
marchant vers la beauté
je cherche revers de ses cils
m’en vêtir
…………………………………
mais où est l’audace du
battant
d’éclairs
nageur de houle
qu’il vienne enfin
poitrail caressant l’air de
sa terre
brûlante de tourments
le silence n’est peut être
que décalage de nous-mêmes
en nous-mêmes
rappeler que nous ne sommes
que lueur dune
de sable
sans pouvoir plus savoir
pinède d’amour
ô ma résine
qu’un oisillon vienne
déposer miel
et enlacer haleine à tes
robes
au parfum ancien
de tes seins
poésie naïve
à refondre air et
verdure
en espérer lisser
menthe bleue
tes tempes où vaticine un fil
blanc
en pâmer songe tronc
lisse d’olivier
voir les bateaux faire
une sieste
à la rade lente du ciel
où la lumière s’encendre
soupir
*
pourquoi pleurer un futur
quand il s’agit d’un théâtre
d’ombres
souffler
sa cécité ?
ô rêves d’images navigatrices
………………………………
échoué sur le sable
mes lèvres balbutient
fonds de lagunes
*
en ce siècle de coquillages
je réentends le temps humble
de nos corps
à marée d’aube
et galbe d’algues à leur midi
où tes pieds m’effleuraient
nus
que faire d’autre que t’épouser
encore
au-delà les toux
chaque midi de soir qu’il
pleuve échos
d’impatience
ou que chantent en moi
tes cigales
de toi en moi
le malheur est ferré
brin de sérénité
néant qui n’atteint
ni n’excède l’absolu
ce rien dont je fus le conjoint
mousse et
corsaire
pour ce jour te tendre une
main
m’élever
©Abderrahmane Djelfaoui poèmes et photos
J'ai tellement aimé la collection des poèmes posté par vous a son hommage ,j'ai commencé a aimé cette femme que je connais même pas .
RépondreSupprimerMerci Abderrahmane .