La nouvelle décennie débute à
peine, qu’Anna nous revient des prairies éternelles par un recueil au nom d’un
de ses vers : « Juste au-dessus du silence »…
C’est le sous-titre (« ANNA
GREKI Juste au-dessus du silence ») du livre que lui consacre la poétesse
Lamis Saidi qui y traduit en arabe une vingtaine de ses poèmes :
« Algérie, capitale Alger», « Enracinement
(Pour Ahmed Inal) », « Vivre », « Même plus nue que
l’eau », « Une leçon d’histoire » et tant d’autres…
Des poèmes qui redéclenchent en
moi le plaisir passionné d’innombrables lectures de ses poèmes que j’ai mené
des années durant comme on monte en rêvant une colline ou une de nos belles
montagnes de cèdres…
Une photo inédite
d’Anna Gréki clôturant ce livre…
Presque tous les poèmes d’Anna me sont chers. Ceux écrits
clandestinement en détention à la prison de Serkadji qui composeront plus tard le
célèbre recueil ALGÉRIE CAPITALE ALGER, tout comme ceux rassemblés dans TEMPS
FORTS, publié quelques mois après sa mort en 1966…
Presque tous ont cette vertu d’être dits sans concession avec une
réelle tendresse, retenue... Le vers et son rythme y ouvrent la cage du rêve,
laissent s’élever toute la respiration déterminée de l’espoir, de l’humanisme
et de la fraîcheur d’être malgré le givre de toutes les oppressions…
En 2006, pour le 40 è anniversaire de sa mort, son mari Jean Claude
Melki (natif de Constantine) autorisait (lui et les éditions Présence
Africaine) l’enregistrement d’un CD de 8 des poèmes extraits de TEMPS FORTS…
A l’intérieur de la jaquette du disque, un hommage inédit de l’historien
Mohamed Harbi….
La couverture de la jaquette était, elle, illustrée par une aquarelle
du regretté peintre Abdelwahab Mokrani (né le 6 janvier 1956/ décédé le 3 décembre
2014) dont la relation à la poésie (notamment celle de Baudelaire) était
viscérale.
Et parmi ces poèmes lus :
Oursins de la mémoire
Dans la douleur intacte de l’été
S’anime un étrange spectacle
Les citadins sous les ficus
sentent des gestes leur pousser
comme l’herbe sur un cadavre
D’où vient l’idée météorite
qui a creusé dans la cervelle
un cratère sans limite ?
Quel est le monde où la pensée
ne sert qu’à se mettre à genoux ?
Celui-ci pêche à la ligne dans un mirage
Les poissons apaisants de la métempsychose
Cet autre en se rasant va de la joue à l’œil
Et râpe sa pupille sans s’apercevoir
Celui-là crache dans ses mains saisit sa hache
et se délivre de sa langue de sa main
Avec des sécateurs pris aux doigts des ancêtres
les jardiniers mutilent les plus belles fleurs
Mais le cœur de l’homme et celui de l’univers
répondent au même mot
Et dans le vide interstellaire
des fleuves de sève et de sang
roulent vers la brûlure des étoiles
Est-il un monde où la pensée
ne sert qu’à se mettre à genoux ?
………………………………………………
Abderrahmane
Djelfaoui
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