On
le sait, l’Association des Amis de Abdelhamid Benzine mène un
travail de mémoire honorable et continu depuis de longues années. A son actif,
ce ne sont pas seulement des prix décernés tous les deux ans à de jeunes
journalistes qui se sont distingués par la thématique et la qualité de leurs
reportages. Ce sont aussi des colloques forts et variés qui sont organisés puis
(surtout, surtout) relayés par l’édition de leurs actes… (1)
Cette année, pour le plaisir d’un public nombreux et fidèle, la
nouveauté de la rencontre a été la projection d’un extrait du film sur Abdelhamid Benzine en présence de
son réalisateur Nasredine Guénifi.
Ce morceau est une reconstitution libre d’une période abominable vécue
par des dizaines de milliers d’algériens et Abdelhamid Benzine lui-même avec
eux dans les camps de concentration de l’armée coloniale française durant la
guerre de libération nationale. Les images du réalisateur (ami de René Vautier
et très longtemps directeur photo dans le cinéma algérien) sont franches et
denses, à couper le souffle, d’autant
plus qu’accompagnées d’une musique qui
vous prend et vous élève…
Mais comme pour toutes celles et ceux qui ont vécu les camps, les
déportations, les tortures ou les prisons : on ne peut évidemment ici tout
raconter. Il faut au moins « voir » et « écouter » ;
ce qui est la force du cinéma qui est malheureusement presque inexistant dans
notre pays en tant support de mémoire, de recherches, pour toutes les questions vives
d’identité et de vie que la majorité des algériennes et des algériens
supportent à bout de bras…
N’empêche ! La centaine de personnes présentes aura eu l’immense
privilège de « revoir » Abdelhamid, l’actif et fraternel Directeur
gérant d’Alger républicain que nous
connaissions dans les années 90 mais, qui ici plein écran, parle et défie ses
adversaires militaires au camp spécial de Boghari, refuse de mettre genoux à
terre, organise la résistance des prisonniers réduits à la condition de sous
hommes… Un homme et un militant entré en
politique à l’âge de 13 ans en 1940, un homme qui ne perd en rien de sa dignité
d’officier de l’ALN, même déguenillé et le corps suppurant de blessures, de croutes
de sang séché, noirci….
Comme l’indique et le souligne le réalisateur, le scénario est une
adaptation faite à partir de la première édition du livre. Le manuscrit, sorti clandestinement du camp
par la mère de l’auteur au fond d’un couffin, avait été acheminé tout aussi
clandestinement l’été 1961 aux fins de parution
aux Editions sociales à Paris en 1962. Un petit livre de 94 pages, mais
quel livre !...
L’hommage vivant renouvelé les mois de mars (photo Abderrahmane Djelfaoui)
Une commémoration qui était (et cela est heureux) rehaussée par la
présence tout à la fois humble et rayonnante de Zahia Khalfallah dont on sait,
qu’après d’atroces tortures, elle partagea la geôle infecte de Serkadji avec ses sœurs parmi lesquelles Jacqueline
Guerroudj, Djamila Bouhired, Baya Hocine, Anna Gréki et tant d’autres…
Souhaitons à Nasredine Guénifi de pouvoir terminer dans les meilleures
conditions possibles son film et que nous puissions le voir projeter au
bénéfice du plus grand nombre pour la fierté et le contentement humain de
toutes et de tous.
Zahia Khelfellah à la tribune (photo
Abderrahmane Djelfaoui)
Abderrahmane Djelfaoui
(1) le dernier en date étant: "Lacartagraphie syndicalle algérienne... Aprés un siècle de pluralisme". Actes du colloque en hommage à Abdelhamid Benzine, Alger , 7 et 8 mars 2015. Sous la direction scientifique de Nacer Djabi. En langues arbe et française.
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