mercredi 14 décembre 2016

RECUP’ART : la longue et belle marche des femmes ressources, femmes du renouveau

C’est en allant voir Maya Azeggagh à son association le Réseau d’Artisanes d’Art Algériennes (ReS’ART), elle la fille du poète Ahmed Azeggagh et ingénieur reconvertie dans l’art et l’artisanat, qu’elle m’apprit qu’il ne restait plus que deux jours pour visiter le Festival National de la Création féminine qui se déroulait au palais de la culture à Kouba…

Maya Azeggagh 

Sur les dizaines d’artistes venues à ce Festival de presque toutes les wilayate du pays, 7 d’entre elles y étaient présentes sous la bannière de son association ReS’ART me dit-elle. Nous prîmes alors rendez vous pour le lendemain au Palais de la culture…



Et comme tout commence par des fleurs, c’est une artiste de la composition florale que je vis en premier, madame Nadia Barèche de Tizi ouzou, mère de famille qui bardée d’un diplôme de sciences économiques ne s’exprime pas moins chez elle, à domicile, tous les après midi par le langage délicat du savoir-faire minutieux et rayonnant des compositions de bouquets de fleurs à partir de la récupération de matières naturelles.

Madame Barèche, à son stand

« … Tout ce qu’il y a dans mes bouquets, me dit-elle, est récupéré. Tels les épis, les tiges de palmier, les noyaux de dattes et d’abricots, tout comme je récupère les pistaches, les clous de girofle, les chapeaux des glands, les pommes de pins, les graines du frêne, les graines de potiron, la monnaie du pape appelée lunaire, anis étoilé… Je m’évade dans ce monde de fleurs, ça me repose, ça me déstresse… je ne vis pas de ça ; j’expose de temps en temps depuis 2007, quelques fois dans des galeries d’art à Alger. Mon plaisir c’est quand des gens viennent me dire : « c’est beau ! »…


Les jouets : fleurs d’enfance ...



« … D’abord je récupère du bois et c’est une habitude que nous avons en famille depuis longtemps ; partout où c’est possible, le long des routes, devant une menuiserie ou devant un tas de bois qui va être brûlé, dit madame Yamina Souilah diplômée de l’Ecole des beaux arts d’Alger mais un peu intimidée d’avoir à commenter un travail qu’elle fait naturellement et avec plaisir…
« Parfois on nous dit oui prenez, parfois on nous dit non ne prenez pas le bois, parfois on ne nous dit rien et d’autres fois on ne nous voit même pas… Depuis toujours , poursuit-elle les yeux comme embué d'un souvenir, on utilisait chez nous ce bois de récupération dans le jardin ou pour faire des étagères. Un jour, pour l’anniversaire de mon fils qui allait avoir deux ans,  l’idée nous est venue de faire des jouets en bois… Comme j’ai la chance d’avoir un mari passionné de bricolage et qui va de temps à autre travailler dans une menuiserie, je lui ai fait le dessin avec ses accessoires, un cheval. Lui il l’a usiné et réalisé. La surprise a été totale pour mon fils. Ca a aussi fait grand plaisir aux petits neveux qui sont venus à son anniversaire … Alors l’idée, naturelle, a été de faire encore d’autres jouets. A partir de là mon mari m’achète une petite machine, une sorte de scie sauteuse, qu’on met à la maison et il m’explique comment on l’utilise. Avec j’ai commencé à faire des petites voitures, des tas de petites voitures… »


Verso de la carte de visite de madame Yamina Souilah

« Comme j’en ai fait beaucoup, on m’a dit : « mais pourquoi tu ne les vends pas ces voitures ?.... » Dans le cadre d’une association j’en ai vendu quelques unes puis ca a été la rencontre avec le président de ce 7ème festival que mon travail intéressait et qui m’a conseillé de faire d’autres jouets en bois que des voitures… »




Une bougiotte sort de l’ordinaire.

Voici ce qu’en dit le catalogue d’exposition présentant madame Tamazouzt Benmoussa.
« … Revisitant des ustensiles de la vie quotidienne ou concevant des objets de décoration à base de toile de jute, de raphia ou de morceaux de bois récupérés, elle nous avait notamment marqués par ses poules de paille, et de toutes tailles, qui lui avaient valu d’être distinguée lors de la 5ème édition du Festival de la création féminine, placée sous le thème « D’orge et de blé »….



Depuis plus de sept ans, Tamazouzt travaille avec une plante naturelle le raphia, qu’elle achète avec la toile de jute. Par contre elle souligne que tout ce qui lui sert de support et formes est récupéré telles les boites de conserve de tomate, le carton dur d’emballage, les sachets de plastique, (et parfois les feuilles de figuier séchées) qu’elle modèle pour faire par tissage et collage des coffrets, des vases, des porte-clefs, des miroirs ou des tables basses…




Inspirées des trouvailles d’internet : pourquoi pas des pneus de récup ?...


Zafira Ouartsi Baba, directrice de l’école Artissimo, en visite au 7 ème Salon


Extrait du catalogue officiel : « Passionnée d’art et d’artisanat depuis toujours, quand Sofia, qui a longtemps tenu une boutique d’artisanat d’art à Alger, rencontre Nawal qui s’exerce depuis plusieurs années à différentes disciplines artistiques (modelage, céramique, décoration d’intérieur) , la connexion se fait, et cela donne du beau. […]



« Pneus qu’elles récupèrent chez les vulcanisateurs, bois de palette recyclés, cordes de tous types… se mêlent et se réinventent dans des salons, tables, fauteuils… surprenants de contemporanéité ».
« Mais tout ne vient pas de la récup comme les tissus par exemple, dit madame Benziada, sinon ce ne serait pas top… »



Timimoun contre le sachet plastique

Maya Azeggagh (du réseau de femmes artisanes Rest’Art) et Zafira Ouartsi Baba (Artissimo) au Festival National de la Création Artistique 


Dans le catalogue distribué: « Héritière du savoir faire de ses aînées dans la tradition régionale de Timimoun, reconnue pour ses tapis traditionnels, Khadidja Amrane, âgée de 37 ans, tisse depuis toujours, en famille, laine et chiffons pour en faire des tapis à usage domestique. Encouragée par le réseau national d’artisanes Res’Art avec lequel elle a poursuivi des formations  […] elle découvre les avantages économiques et les différents usages possibles du sachet en plastique en matière de tissage pour en faire des tapis et des nappes… »



Oran : la récup du plastique est aussi une belle affaire.



Femme très économe, originaire de Blida et habitant  Oran madame Baya Soussi, qui se définit comme « femme au foyer active » - Premier Prix au Salon d’Oran 2012 pour ses premiers travaux-, a commencé timidement à recycler les sachets en plastique pour en faire des pochettes de portable ou des trousses d’écoliers pour ses propres enfants « tous ravis »…. Récupérant ensuite les sacs plastiques qui, « ne doivent pas errer dans la nature », et les mettant d’abord en lanières et pelotes,  elle se lance ensuite dans le tricotage, crochetage et tissage des paniers ordinaires (shopping, plage, pique-nique) tout comme des sacs arrondis de toutes couleurs leur donnant ainsi une vie utilitaire et écologique, activité qui lui procure aujourd’hui de grandes commandes. « Je suis ravie , me dit-elle souriante et fière, que l’opinion publique algérienne soit de plus en plus sensible à la récupération et transformation des matériaux usagés »…


Asma et la revivification du patrimoine



Asma Bouabdellou, avec sa consœur Salima Mazri Badjadja, qui travaillent en tant qu’architectes stylistes à Constantine,  ont créé depuis 2011 une ligne prêt à porter de vêtement et accessoires (pochettes, sacs, bijoux, etc) nommée Pantaroual.
« En tant qu’architecte impliquée dans la restauration du patrimoine à Constantine, j’ai participé à la restauration du palais du Bey Hadj Ahmed, la Medersa du Cheikh Ahmed Ben Badis, El Ketania… A partir de là, on a commencé à s’inspirer des tenues et vêtements algériens traditionnels, mais revisités. Pourquoi la femme ne porterait-elle pas dans ses activités la tenue traditionnelle de tous les jours et non plus seulement à l’occasion de fêtes… On peut ainsi mettre un pantalon Haouka ou Mdaour qui n’est ni marocain ni tunisien, mais un seroual bien de chez nous qui nous permet de renouer avec notre sensibilité et notre manière d’être; ces pantalons qui nécessitaient dans le temps 12 mètres de tissu, nous réalisons aujourd’hui avec 2 mètres… C’est très élégant, pratique et on y est à l’aise. Nous avons maintenant mon amie et moi un appartement commun avec deux machines industrielles (acquises avec l’aide de la Chambre d’Artisanat) pour la réalisation de ce travail qui se développe. Dans ce cadre la récup n’est pas chose nouvelle pour nous, mais une idée force du patrimoine où chaque chose récupérée a sa valeur. Nous ramassons tout ce qui est ancien avec le peu de moyens que nous avons… La matière première pour nous demeure le sac de jute que nous traitons. Tout dernièrement en récupérant des cageots en plastique on a juste voulu faire passer un message puisque avec ces éléments aménagés et décorés on peut autant faire une installation de détente dans un jardin qu’en intérieur… »



Hind Hamar du réseau ResT’Art


Diplômée de l’Ecole régionale des beaux arts de Constantine, en miniature, Hind Hamar, mère de famille, s’est orientée récemment vers la récupération de jean et des chutes de tissus…



Journaux et papiers récupérés….


« … Sensible aux enjeux environnementaux, et devant la masse de vieux journaux s’entassant dans tous les coins, Goussem Djellouli s’initie en autodidacte au recy
clage de ce matériau […] pour en faire des objets de décoration figuratifs ou abstraits. » (Catalogue Recup’Art)


L’autre dimension du fil électrique : devenir bijou….


Céramiste d’argile et sculpteur de formation, Narimène Hakimi s’est retrouvée à Doubaï où son mari travaille dans la nécessité d’élaborer  une nouvelle voie à sa création puisqu’elle n’avait plus son atelier. Ses moyens du bord n’étaient que du simple fil électrique mou et flexible dans sa gaine colorée, ou du fil de corde (el halfa) et des pierres dures et brillantes… Elle senti vite en poétesse du modelage que ces éléments contradictoires pouvaient faire symbiose  en dégageant une belle et sobre harmonie en étant assemblés… Elle devint « créatrice de bijoux  de fil électrique, dit-elle, qui ne sont pas ornés de métaux précieux mais avec des chutes d’aluminium que je récupère pour les travailler bombés ou plats, mats ou brillants… » 


Entre la réalisation de plusieurs bijoux
Narimène Hakimi écrit de la poésie…


Chafika Aitoudia : d’un rève en 3D aux bijoux uniques de récupération



Chafika Aitoudia est un designer issue de l’Ecole des beaux arts d’Alger, promo 2000. « Pour ce qui est du bijou je m’y intéresse depuis 2006. Je les dessinais en 3D sur ordinateur, mais tous les artisans que j’ai contacté pour réaliser mes modèles ne voulaient pas les réaliser. Je ne sais pas pourquoi. Peut être ils n’aiment faire que leurs propres modèles. Ainsi plusieurs de mes créations sont restées en stock 3D. Mais avec d’anciens bijoux à moi en argent et en or blanc que je ne porte plus j’ai commencé à rêver de ce que je pourrais en faire… C’est comme ça que j’ai dessiné ma première bague, un simple anneau en argent que j’ai orné de pierres semi précieuses et du fil de soie rouge. La pièce est apparue… »


« Pour la bague en bois, je l’ai aussi dessinée, mais je ne savais pas avec quel matériau j’allais la réaliser, mais je l’avais comme esquisse sur micro. J’avais des chutes de bois ; du sapelli, un bois rouge exotique qui est très léger et très résistant à l’humidité ; un bois noble et cher. D’une chute de ce bois que j’ai ramassé sur un chantier où je travaillais j’ai commencé longuement à la sculpter, la découper, la tailler en y adjoignant une plaque d’argent récupéré d’un vieux bracelet acheté à la casse… Ces bijoux qui prennent du temps pour être réalisés sont des pièces uniques ; je ne fais pas dans la grande série pour ne pas dévaloriser la valeur de l’objet »

*

De ce tour d’horizon notre texte (malheureusement limité) ne porte que sur le quart des femmes artisanes et artistes présentes à ce 7ème Festival… C’est dire la richesse multiforme de leur travail et créativité souvent passés sous silence mais créations qui une fois découvertes nous étonnent, nous émerveillent et nous laissent rêveur par leurs trouvailles paraissent , par leur ligne d’une sveltesse t raffinée. Beautés, beauté, beauté mesdames ! Salut respectueux à vous toutes et bonne continuation.






Abderrahmane Djelfaoui
Texte et photos


13 commentaires:

  1. élégante relève , gracieuse continuité , intelligente suite de ce que nos mères ont toujours fait, dans un souci économique et esthétique ...
    je me souviens que durant toutes nos vacances, mes soeurs et moi en compagnie des voisines, nous organisions des ateliers de travaux manuels... nous avons travaillé rafia, jute, alfa , capsules, riz, lentilles, fayots, macaronis, plâtre, laine, fil à broder, bois, perles ...pour fabriquer des objets de décoration, ou des bijoux ... des siestes animées et studieuses, où nous apprenions en éclats de rires à être des artistes inconnues, comme le furent nos mères

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    1. quand on fait une aussi vive et radicale critique publique "on" met son nom et sa qualité artistique ou professionnelle qui permet de se faire "juge". Pour ce qui est des photos les sources sont là, datées, archivées et signées . J'attends donc votre nom puis l'on avisera...

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    5. J'ai supprimé le premier commentaire, pour insérer notre mise au point!
      le plagia ne concerne pas vos photos qui sont très belles d'ailleurs! mais concerne Maya Azeggagh. Dans votre introduction:"Maya Azeggagh à son association le Réseau d’Artisanes d’Art Algériennes (ReS’ART), elle la fille du poète Ahmed Azeggagh et ingénieur reconvertie dans l’art et l’artisanat, qu’elle m’apprit qu’il ne restait plus que deux jours pour visiter le Festival National de la Création artistique qui se déroulait au palais de la culture à Kouba" alors que le FESTIVAL DE LA CREATION FEMININE avait clôturé l'activité le 29 Novembre, et Maya fait croire qu'elle a reproduit notre travail, et clôture le 16 décembre (référence votre date de publication le 14 décembre)

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  3. Mise au point des membres du comité d’organisation du FESTIVAL NATIONAL DE LA CREATION FEMININE (FNCF)
    Encore une fois, nous trouvons malhonnête de la part de Maya Azegah, et de l’association Res’art de tenter de s’approprier le travail réalisé par d’autres.
    Les créatrices dont le FNCF, sous l’égide du Ministère de la culture, a organisé une exposition au Palais de la culture du 24 au 29 novembre 2016 étaient au nombre de 33. Elles ont été sélectionnées par le comité d’organisation du festival. Et c’est un pur hasard, si quelques-unes d’entre-elles sont affiliées à RES ‘art (le comité du festival n’en était d’ailleurs pas informé). Elles avaient été repérées parmi d’autres, lors d’une exposition organisée à la maison diocésaine.
    Donc dès le départ, RES’art ne peut se prévaloir d’aucun mérite dans la présence de ces créatrices à la 7ème édition du festival.
    Que Maya veuille faire venir un ami journaliste pour lui faire découvrir les œuvres réalisées par ces femmes à partir de matériaux de récupération, c’est très bien ! C’est justement l’objectif principal du festival : rendre visible le génie créateur des femmes. Cependant ni elle, ni l’association ne doivent en tirer une quelconque gloriole, Car c’est le festival et son comité d’organisation et donc le Ministère qui ont mis sur pied tout l’évènement.
    Le choix du thème (adapté à la conjoncture économique mondiale) la sélection des participantes, leur prise en charge totale, la mise à disposition gratuite des espaces pour l’exposition, l’organisation de toutes les activités, l’animation scientifique et artistique, et la médiatisation des créatrices, y compris sur la toile (site web et page Fb).
    Tout, absolument tout, a été organisé par le comité du festival !
    Nous apprécions les magnifiques photos réalisées par M.Djelfaoui, mais concernant les textes, il s’est inspiré de tout ce que nous avons-nous mêmes écrit dans le catalogue de l’édition, quand il n’en a pas reproduit des paragraphes entiers…
    Alors un peu d’honnêteté intellectuelle s’il vous plait !!!
    PS/ le vrai nom du festival « festival national de la création féminine » et non de la création « artistique »comme mentionné dans le blog .

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  6. Merci pour vos explications c'est correcte
    Asma

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  7. Ya3tikom essaha Mesdames :D

    Que c'est beau, bien fait, ingénieux et miraculeux si j'ose dire :)

    Nesta3ref bikom Mesdames et que j'aimerais vous ressembler !!!!

    Châpeau bas Mesdames, bravo :D

    Vive les femmes algériennes :D

    Yasmine Djelfaoui

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  8. bonjour
    je souhaite prendre contact avec Mme Yamina souilah svp!

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