Sidi Bel Abbes (ou
Bel Abbés), entre monts du Tessala au nord et monts de Daya
au sud, est un centre commercial et industriel moyen. C’est aussi un centre universitaire
et artistique (puisqu’il dispose d’une Ecole des beaux arts) qui se trouve à 80 km au
sud d'Oran et à quelques 430 kms à l’ouest de la capitale, sur l’autoroute
est-ouest...
Deux grands noms d’intellectuels qui en sont issus me viennent à l'esprit. Djilali Liabes, d'abord, sociologue et ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, puis ministre de l'éducation nationale sous le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali assassiné par le terrorisme islamiste en 1993 à Alger, y était né en 1948…Enfin le créateur de la célèbre bande dessinée Bouzid et Zina, Slim, lui aussi né en 1945 exactement à Sidi Benyoub, près de Sidi Bel Abbès.
Deux grands noms d’intellectuels qui en sont issus me viennent à l'esprit. Djilali Liabes, d'abord, sociologue et ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, puis ministre de l'éducation nationale sous le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali assassiné par le terrorisme islamiste en 1993 à Alger, y était né en 1948…Enfin le créateur de la célèbre bande dessinée Bouzid et Zina, Slim, lui aussi né en 1945 exactement à Sidi Benyoub, près de Sidi Bel Abbès.
Dans cette ville qui
possède à proximité un grand lac d’attraction aux berges boisées, on sent vibrer
une multitude de projets et d’ambitions. C’est là, dans le cadre d’une activité
menée par des enseignants des beaux arts avec la participation du peintre Denis
Martinez, au village de Tessala (à 16 kms de Bel Abbes), que j’avais rencontré
il y a plusieurs mois les jeunes artistes Saliha Cherfi et Zineb Benamiche,
aujourd’hui fières de leurs diplômes en Design et aménagement intérieur..
Zineb
et Saliha
SALIHA
Vive malgré sa timidité rieuse, Saliha précise
d’emblée :
« Nous faisons partie
de la dixième promotion de l’Ecole des beaux arts de Sidi Bel Abbés.
Moi je voulais faire design aménagement dés ma première année, ça me plaisait.
Pour
ma quatrième année de fin d’études, j’ai projeté de faire un magasin de
vêtements mixte, contrairement à ce qu’on connait chez nous. Mais on ne m’a pas
comprise… Alors je me suis tournée vers la création d’un atelier design, ce qui
exige de l’espace, avec pour objet central à réaliser un bureau de travail »…
Pour comprendre
l’ambition de cette jeune personne il faut savoir qu’originaire de Sidi Bel
Abbés, Saliha habite à environ 8 kms du centre ville. Chaque jour elle fait la
navette matin et soir… Elle avait arrêté sa scolarité en seconde et continué à
faire des cours par correspondance...
Saliha face à sa peinture murale au village de Tessala en avril 2017, deux mois avant sa soutenance de diplôme à l’école des beaux
arts de Sidi Bel Abbes
(photo Abderrahmane Djelfaoui)
(photo Abderrahmane Djelfaoui)
Depuis son
adolescence le dessin et le sport sont ce que Saliha aime le plus. Au lycée,
elle avait déjà décroché bon nombre de récompenses en dessin. Elle se rappelle
avec nostalgie qu’elle aimait courir, qu’elle courait d’ailleurs très bien,
mais que les horaires tardifs pour le sport ne convenaient malheureusement pas
pour satisfaire cette passion… Il ne lui restait qu’à s’orienter vers le dessin
en s’inscrivant à la maison de jeunes de Sidi Bel Abbés…
Atelier designer réalisé par Saliha
« Dans
mon esprit, poursuit Saliha, je voulais un bureau encore plus compliqué dans
ses formes et ses volumes, mais j’ai simplifié les pyramides qui le composent…
Mon inspiration pour le réaliser venait du diamant et ses facettes, ce qui est
un peu compliqué… Je voulais ce défi de la difficulté dans un style
contemporain et rare… »
Prototype avec ses
tiroirs sur la droite
« …
Je voulais aussi illuminer le dessus du bureau par une ouverture centrale qui
permettrait de disposer une lampe spécialement conçue, mais cela aurait couté
encore plus cher et je ne suis qu’une étudiante… En fait je n’ai pas trouvé
toute l’aide nécessaire ; rien que pour la colle par exemple qui coute entre
300 et 700 DA il fallait que je l’achète moi-même…
Pour
ce projet j’ai terminé mes recherches et mes plans en février. On a cherché et
trouvé un bon menuisier à qui j’ai donné les plans pour réaliser à
Sidi Bel Abbes début mars. Il a travaillé lentement, parce qu’il n’avait pas que cette commande à livrer ce qui m’a beaucoup gênée et inquiétée. En fait il ne m’a remis
mon bureau qu’en juin, plus de trois mois après et au seuil de ma soutenance…
Je n’avais plus le temps pour d’autres travaux. Pourtant ce menuisier est un
bon artiste ; il fallait que je sois patiente…
Si
j’avais eu une machine à l’école des beaux arts j’aurais réalisé ce travail de
mes propres mains. Mon professeur voulait que je réalise ce projet en carton…
moi je voulais absolument qu’il soit un vrai bureau et en bois. Je me suis
dis : au moins il me restera.
Et
ça n’a pas été facile dans la pratique pour rassembler tout l’argent
nécessaire… Le bureau à lui seul a coûté 60 000 DA au final ! C’est
ma famille qui m’a soutenue et aidée ; ma mère et ma sœur ont cru en moi…
Pour des tas de matériaux, introuvables à Sidi Bel Abbes, j’ai du me déplacer
plusieurs fois à Oran pour aller les acheter là bas, ce qui a généré des frais
de transports supplémentaires durant toute cette période…. »
ZINEB
Zineb qui est apparemment
moins expansive que sa camarade, semble plus cogiteuse…. : « Mon projet comme l'indique le titre de mon
mémoire c'est l'intégration des symboles berbères dans un espace commercial ;
le pourquoi de ce choix c’est simplement parce que les symboles berbère
utilisés dans l'artisanat en général sont une sorte de langage spécialement
féminin; les femmes utilisaient ces signes pour parler de leur vie de tous les
jours, et c'était ma façon de leur rendre hommage… »
Je lui demande de
m’expliquer comment elle voit ce rapport entre le langage des femmes berbères
et le design, la modernité, le commerce….
« Le design comme vous le savez ne se résume
pas à la création d'objet, c’est aussi l'aménagement d'intérieur ; en premier lieu mon projet
est une bijouterie… Bien que n’ayant pas fait de la réalisation de bijoux que
ce soit avec des matériaux nobles ou des matériaux de récupération, mon idée était de m'inspirer
des symboles berbères pour créer un objet qui mettra en valeur les bijoux
parce que cela est
ancestralement féminin ; les femmes ce parent de bijoux depuis la nuit
des temps….
Et
bien sur pour placer l'objet en question il me fallait d'abord aménager le lieu où ce
dernier va être utilisé »
« Comme vous le
remarquez dans ces photos, l'intérieur imaginé pour cette bijouterie est inspiré
des décorations des maisons kabyles traditionnelles»
Peinture
murale réalisée par Zineb Benamiche au village de Tessala en avril 2017
(photo
Abderrahmane Djelfaoui)
Mais l’idée de Zineb d’intégrer les symboles
berbères dans l’espace commercial de la bijouterie apparaît encore mieux dans
l'objet qu’elle a choisi de créer et de disposer en intérieur de l’établissement
comme support.
« Pour
rester dans l'esprit du symbole, dit Zineb, j'ai utilisé comme forme initiale
le losange. L'objet réalisé est un présentoir en forme de losange. Il forme un
ensemble composé de 7 losanges. …. »
« L'objet
central est plus grand que les autres, il est composé d'un losange et de 4
panneaux dont deux décorés en tifinagh avec le mot "MACHAHO" qui veut
dire « il était une fois » et deux autres décorés avec le symbole de
la déesse Tanit (une déesse carthaginoise, vénérée ensuite par les berbères,
qui était la déesse de la fertilité protectrice des mères et de leur progéniture) ;
le mot Tanit veut dire « la femme enceinte » et c'est là que la
relation s'établie entre le losange symbole de la jeune fille, le symbole de
Tanit et le mot utilisé en tifinagh. La femme n’est elle pas une jeune fille,
puis une femme, puis une mère ? C’est ainsi tout simplement l'histoire
d'une femme…
Coté
technique le présentoir est en bois multiple ; les panneaux de l'objet du
milieu sont de 120 x 50 cm ; il est surplombé d'un mannequin paré de
bijoux ; 4 autres objets sont de 100 x 30 cm, et les 2 restant sont de 90 x
30 cm. Ils sont surplombés de boîtiers en
verre ; j'ai opté pour ce jeu de niveaux afin de mettre les bijoux en
valeur, de les exposer de façon spectaculaire».
Voila donc
rapidement fait le tour d’un travail de mémoire de fin d’études de Saliha et
Zineb, deux jeunes femmes presque ordinaires sous les latitudes de nos villes
intérieures où elles font tous les efforts nécessaires (souvent même plus) pour
imaginer, créer, ouvrir de nouvelles pistes et les proposer autour d’elles aux
fins de les intégrer dans le quotidien en le rendant plus agréable, plus vivant et
plus justement partagé…
Presque
ordinaires,
dis-je, puisque si Saliha est une passionnée de photographie, Zineb de son coté
lit un peu de tout : Mouloud Feraoun, Shakespeare, Zola, Dan Brown, Taha Husein,
les livres d'art bien sûr tout en avouant un gout particulier pour les polars de la
romancière britannique Agatha Christie!
Toutes mes
salutations et félicitations en souhaitant à Saliha et Zineb de trouver bien
vite et avec le moins de peine possible le job à la mesure de leurs talents et de
leurs ambitions.
Abderrabderrahmane
Djelfaoui
(crédit
photos : Saliha Cherfi et Zineb Benamiche)
Merci pour ce partage! Ces jeunes filles, pleines de vie et d'ambition montrent que l'Algérie recèle encore des énergies!
RépondreSupprimerElles ont besoin d'être encouragées car je suis sures qu'elles ont un avenir artistique certain!
merci Abderrahmane pour cet éloge consacré et donné a deux jeunes future artistes dynamiques plein de fougue, je leur souhaite un bon avenir dans leur pays .
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