Telle
est l’exclamation de Caroline, 24 ans, biologiste, à la fin d’un séjour de
moins d’une semaine qui se décompte en centaines de kilomètres sur l’autoroute
est-ouest vers Mostaganem, puis retour sur Alger par la petite route passant
par-dessus l’oued Cheliff à son embouchure, les villages et villes de Hadjaj,
Sidi Abderrahmane, Ténes, Beni Haoua, Hajrat Enouss, enfin l’autoroute Cherchell-Alger
au pied du Tombeau des rois de Maurétanie (salut par-dessus les millénaires à
Juba II et Cléopatre Sélénée son épouse…) avant d’atteindre le centre de la
capitale, rond point Addis Abéba…
Caroline, le lendemain de son arrivée à Alger
Les sœurs Delphine et Caroline avec leur grand père
Jacques (88 ans) dans le centre d’Alger
Découverte d’Alger
« C’est très émouvant, parce que ça fait des années qu’on insiste,
moi notamment, pour demander à papy Jacques de me montrer où il a grandi et me
faire visiter Alger comme il l’a connu pour partager et mettre une photographie
sur ses souvenirs », dit Delphine qui travaille dans un bureau d’architecture
à Paris. Elle et sa sœur caroline sont
les filles du fils de Jacques Fournier, Denis, et de leur mère camerounaise.
Et Delphine d’exprimer
sa première impression : « Quand
on a descendu l’avenue Didouche, hyper commerçante, j’avais l’impression
d’être à Marseille… Mais quel dommage
ces trottoirs tout cassés ; on a tous failli tomber au moins une
fois !.. Deuxième
surprise, on s’était bien sur renseigné avant sur le voile, comment on
s’habillait et ou était la norme ici; eh ben je n’ai pas été surprise de voir
qu’il y a beaucoup de filles voilées ; j’en ai vu d’autres qui n’étaient
pas du tout voilées et qui se baladaient sans qu’on les embête ; et je
vois que les plus jeunes font très attention à comment elles s’habillent, coté
esthétique, avec recherche… Vraiment, je trouve que les filles sont beaucoup
mieux habillées que les garçons à Alger! »
« Autre chose, et je ne sais pas si c’est
juste une impression ou une réalité : j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup
moins de personnes dans la rue qui font la manche, la mendicité, qui vivent
dehors, que j’en vois depuis cinq ans dans le quartier populaire de l’est de
Paris où j’habite… »
Je réponds qu’Alger,
comme d’autres grandes villes du pays, a aussi malheureusement ses innombrables
mendiants, SDF et ses flux de migrants venus par milliers depuis le Niger et le
Mali, entre autres…
Scène de rue du coté de la Fac centrale d’Alger
En
route vers Mostaganem
L’ancien haut cadre
de l’Etat et dirigeant de sociétés publiques françaises qu’a été Jacques
Fournier, voulait montrer à ses deux petites filles le village où il avait vécu
son enfance et adolescence jusqu’en 1947, date à laquelle il partit faire des
études à Paris en Sciences Po et à l’ENA.
Pour visiter le
village de Sidi Ali, (ex Cassaigne, du nom de l’aide de camp du général
Pélissier), dans le Dahra, nous décidâmes de faire la route dans ma propre
voiture en deux jours aller-retour avec une nuitée à Mostaganem. Quelques 800
kms de voyage …
Durant toute la
route où nous avons échangé et croisé à quatre nos points de vues sur
l’histoire contemporaine de l’Algérie (et parfois de la France) Jacques ne
s’est jamais départi de sa carte routière d’Algérie (une carte Michelin, ainsi
qu’un bon guide : un livre bien
illustré et détaillé).
Ici sur l’aire de repos de Hmadna, en bordure de l’autoroute,
à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de Chlef (ex El Asnam, ex
Orléansville)
Delphine et Caroline assurant le service de la pause
café avec le thermos que feu ma mère allah
yerhamha avait ramenée à l’occasion de son pèlerinage à la Mecque et dans
lequel ma fille, Yasmine, avait choisi de mettre le café chaud préparé très tôt
matin pour notre longue traversée des terres intérieures d’Alger à Mostaganem…
Il y a douze ans, je
me rappelle qu’au premier voyage de Jacques l’autoroute est-ouest n’existait pas; nous étions passés dans le
village de Oued Rhiou, ex Inkerman et nous avions visité sa petite gare où, à
la fin de la seconde guerre mondiale Jacques ado venait prendre le train pour Oran
où il était lycéen….
En 2005 à la gare d’Inkerman replongé dans ses
souvenirs d’ado alors qu’il fut président du conseil d’administration de la
SNCF de 1988 à 1994 …
Puis à quelques
bornes de Hmadna, nous sortons de l’autoroute pour bifurquer vers la cote
méditerranéenne encore lointaine dont nous sépare la petite ligne descendante
des monts du Dahra…
Arrêt-bonheur aux abords de la riche plaine qui
s’enfonce au loin jusqu’à l’ancienne cité de Mazouna
Arrivés début
d’après midi à l’hôtel des Sablettes nous déposons nos affaires, faisons un
brin rapide de toilettes puis nous, par la grande rocade qui contourne la ville,
à la rencontre des amis mostaganémois
Abderrahmane Mostefa (cinéaste) et Mohammed Ould Mammar (musicien) qui doivent
nous accompagner avec leur voiture jusqu’à Sidi Ali...
Jacques et Delphine en séance photo rapide au-dessus
de la piscine de l’hôtel
Mohammed prenant de l’essence à la sortie est de
Mostaganem ; une zone qui il y a une dizaine d’années n’était que foret et
maquis face à la mer où sont érigées aujourd’hui de nouvelles cités
résidentielles et de nouvelles universités avec leur gigantesque parc
d’attraction et voies ferrées pour un tramway en construction…
Jacques
lui-même qui est passé à plusieurs reprises par Mostaganem ces dix dernières
années a du mal à la reconnaitre. Il me dira nettement :
« On sent bien ici qu’on s’affirme en construisant »….
Montant vers le village de Hadjaj, le phare de
Willis derrière nous en bord de falaise, la gendarmerie arrête la voiture de
nos amis. Nous saurons après que l’infraction était une affaire de vignette non
apposée sur le pare brise …
En les attendant, plus loin, nous descendons de
voiture et entrons dans une vaste vigne dont on sent qu’elle attend avec
impatience les premières pluies… Au fond à gauche, à peine visibles au dessus des
tètes des filles : des chevaux en pâturage…
Puis c’est une
halte improvisée au village de Hadjaj où à la terrasse d’un café nous prenons
café et thé dans des verres et non des gobelets jetables. Après une belle
discussion collective et ses flashs back, Jacques va nous faire une surprise.
Il sort deux de ses livres de son sac : « L’Algérie retrouvée »
et « Mohand Tazrout, la vie et l’œuvre d’un intellectuel algérien ». Il déclare qu’il dédicacera le premier à un
ami de Mostefa Abderrahmane, Nadir Kaid, chez qui nous nous rendrons le lendemain,
et, le second, sur le champ à Mohammed Ould Mammar. Mostefa Abderrahmane avait
déjà eu sa dédicace à Bosquet trois années auparavant à la ferme Edmée de
Janson à Bosquet…
Heureuse improvisation sous le parasol d’un café de
village du Dahra….
Sidi Ali, ex-Cassaigne …
Déjà en 2005…
JACQUES : « C’est la
troisième fois que j’y viens, mais là c’est avec mes petites filles, c’est plus
significatif en même temps. Je me dis… c’est peut être la dernière fois que j’y
vais…
C’est vrai, ça m’a fait plaisir.
La maison je l’ai vu il y a douze ans, nous étions ensemble toi et moi. On y
est retourné ensemble il y a deux-trois ans ; des gens en sont sortis et
nous ont invité à rentrer, moi j’ai alors refusé énergiquement parce que je les
aurais embêté et je n’avais pas envie de recommencer. Mais cette fois ci
revenant avec Delphine et Caroline, ça m’a fait beaucoup plaisir qu’on puisse à
nouveau y accéder. »
Caroline et Delphine sur le perron de la maison
d’enfance de leur grand père et où le père même de Jacques exerçait en tant que
médecin de colonisation dans les années 1940, le seul sur prés d’une dizaine de
circonscriptions à la ronde de cette partie nord des monts du Dahra…
Dans le jardin de grenadiers, de néfliers et
citronniers, les Fournier et Mostefa Abderrahmane sont en discussion avec le
petit fils, de dos, de l’occupant qui nous avait fait visiter la maison en
2005…
On voit en arrière fond à droite, la vieille maison
et, en haut à gauche, une des deux maisons construite depuis 2005…
Sans
nostalgie aucune Jacques constate :
« Le jardin a rétréci, il a rétréci, et ça
rejoint ce qu’on disait à propos de la construction dans toute l’Algérie, puisque le monsieur qui nous reçoit est le petit fils du précédent occupant. Il a
donc hérité de la maison qu’on a visitée, celle où j’habitais, mais il a
maintenant flanqué cette maison de deux autres maisons, qui ne sont pas rien.
Il y en a une qui existe juste au dessus. Il y en a une autre qu’il a fait pour
ses enfants et qui est plus bas. Donc on sent bien qu’ici on s’affirme en
construisant ! »
Du gout de la pomme à Paris à celui des grenades à Sidi
Ali
Abderrahmane
Djelfaoui, texte et photos
(fin de la première
partie.
Prochain
article : retour de Hadjaj beach à Alger par la côte)
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