dimanche 7 juillet 2019

INOUBLIABLE JOUR D’INDÉPENDANCE, AU GOÛT DE MER ET VASTES STEPPES





Au matin de ce 5 juillet je me suis éveillé en me demandant : quelle image choisir à partager sur mon mur facebook pour cette date anniversaire?

Je le savais depuis la veille, en fait, puisque en feuilletant des photos de mes voyages dans le pays et vues de ses paysages dans la nuit, une image d’altitude avait saisi mon esprit ; mieux : elle avait saisi en moi quelque chose de profond et d’aérien à la fois comme les cigognes savent d’instinct faire vol d’un continent à l’autre…

Le lieu et la date de cette vue n’ont apparemment aucun lien direct avec la célébration de l’évènement.

Bon Jour A Toutes et à Tous
Vendredir de fierté
Vendredir une pensée à celles et ceux qui ont humblement accompli leur part du destin
Vendredir pour le présent de nos enfants
Vendredir la terre et ses coquelicots
Vendredir ses arbres méditerranéens



Et pourtant !


Pour « ce » juillet, il y bien sur encore en moi des centaines de bribes de souvenirs d’avant cette date, durant la période de la guerre de libération nationale quand enfant j’allais entre quatre et onze ans… 
Il faudra bien, me dis-je,  que je  mette un jour bout à bout (délicatement) ces bribes vives, chantantes ou silencieuses de mystère, d’interrogations…

Donc cette image du jour (prise en juin 18, sur le chemin du retour d’Azzefoun par la montagne d’Aghribs à plus de 1000 mètres d’altitude ; région d’où sont issus le musicien Iguerbouchène ou la famille du héros Didouche Mourad, né lui-même à Alger Belcourt …

D’ailleurs, à 10 kms à vol d’oiseau au-delà ces monts, c’est la commune de Fréha dans la plaine d’où étaient issus les grands parents de ma mère et qui s’expatrièrent tous à la fin du 19 eme siècle vers le Titeri ; -un des frères de mon arrière grand père, m'a-t-on dit, avait été envoyé pour le restant de son existence à plus de 17 000 kms dans le Pacifique sud, dans le bagne de Nouvelle Calédonie…


La seule photo de mon grand père maternel, Mohamed, né en 1901 à Médéa, qui de très actif et humblement patriote toute sa vie n’eut jamais l’occasion ni la joie de revoir ne serait-ce qu’une fois la terre de ses aïeux… Mon autre grand père paternel, Aïssa, me répétait avec la sérénité de celui qui a dompté son amertume: la terre d’Allah est vaste

Je laisse là Mohamed et Aïssa et je  plonge directement dans le 5 juillet 1962 à Alger. 



C’est une vue prise sur le vif à la basse Casbah, par le regretté Mohamed Kouaci qui de 1958 à l’indépendance fut le photographe de l’exode des populations paysannes algériennes fuyant bombardements et misères pour se réfugier en Tunisie ; il photographia également les dirigeants du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) installées à Tunis, comme encore Frantz Fanon ou les rédacteurs du Journal El Moudjahed , etc…



5 juillet 2019, Rue Hassiba Ben Bouali



Avec le stationnement depuis deux vendredis de lignées de cars de police le long des trottoirs,  la spontanéité du contexte n’est plus la même, encore bien moins que celle que nous communique une autre photographie de Mohamed Kouaci prise le 5 juillet 1962, à la basse Casbah d’Alger, à l’angle de la rue du Lézard…





Aujourd’hui c’est une manifestation de modernité pacifique et de bonheur partagée, certes, mais avec l’appréhension de ce qu’est la (difficile) nécessité d’un nouveau vivre-ensemble, à peine entrevu, à peine abordé au travers d’une inouïe course d’obstacles…


Fin du boulevard de l’immortelle jeune héroïne Hassiba, les fourgons de la police sont garés en travers de la chaussée rendant impossible la poursuite de la marche populaire, comme les autres vendredis depuis le 22 février, à travers la trémie vers le colonel Amirouche puis la rampe Tafouraf …


Alors ?

Changement d’itinéraire pour les dizaines de milliers de marcheurs.
Passer par les petites rues et les escaliers transversaux montant vers la Rue Didouche et la place Maurice Audin… Et c’est sur ce parcours tortueux qu’on peut voir leur misère, au moment où la terre de ce pays produits ses belles richesses…



Mais aussi ceci 



C’est dire qu’un barrage 300 mètres plus bas n’a pu empêcher au final le rassemblement d’une foule millionnaire et coloriée ! 
Une vue qui a fait mille fois le tour des réseaux sociaux, signée Youcef Ketfi auteur de plusieurs beaux livres sur l’Algérie publiés tant au Canada qu’en Suisse…


Ce même lieu, au ras de la chaussée où la foule ovationnait Benyoucef Mellouk pour son courageux combat solitaire mené depuis un quart de siècle contre « les magistrats-faussaires » (procureurs et procureurs généraux) qui se sont indument accaparés du titre de Moudjahed et jamais inquiétés jusqu’ au jour d’aujourd’hui…


Photographie diffusée le 5 juillet  sur internet par l’éditeur 
Boussad Ouadi


C’est sur ce même croisement de boulevards centraux, cinq semaines auparavant, lors de la marche du vendredi 31 mai, dernier du ramadhan, que je rencontrais par hasard madame veuve Kouaci, contente mais qui me sermonna de ne pas l’avoir appelée  pour discuter de l’état du projet commun d’un ouvrage à la mémoire de feu Mohamed Kouaci (1922-1996) dont on a vu quelques photos plus haut. Un ouvrage projeté pour vulgariser son œuvre auprès des jeunes générations comme l’avait souhaité Kouaci lui-même, homme d’une autre époque de terribles luttes et de résistance…

Avec madame Safia Kouaci


15 heures 30, remontant Didouche dans la liesse populaire :

Sous les 40 degrés torrides de juillet, je captais  ces autres images:




Comme celle aussi d’un carré de marcheurs unis par une grande banderole exigeant la libération du commandant Lakhdar Bouregaa, officier de l’historique wilaya IV, emprisonné fin juin pour ses propos critiques contre l’armée et certaines personnalités de l’oligarchie administrative.


Ce même boulevard où l’icône de la révolution algérienne, Djamila Bouhired, est également photographiée au centre de ce 5 juillet 2019 par Mohamed Cherchal






Image d’un groupe de jeunes dans le flux de la marche claquant des mains et chantant la gloire des héros de « la bataille d’Alger », Hassiba Ben Bouali et Ali la Pointe, tout comme celle du Colonel Amirouche…


Du colonel Chaabani, exécuté à son trentième anniversaire le 4 septembre 1964 à Oran sur ordre de Ben Bella et de son chef d’Etat major et ministre de la défense, etc, etc…


La fierté enfin de se faire photographier avec Larbi Ben Mhidi, dirigeant de la Révolution algérienne (exécuté par l’officier parachutiste de renseignement Paul Aussaresses, sous les ordres directs du général Massu en 1957)…





En mémoire de Fatma Nsoumer, Malika Gaid, Hassiba Ben Bouali, Meriem Bouatoura, Fadhela Saadane…


…Et si nos tee-shirts et cassettes sont mouillés de sueur, ils le sont aussi par la bonté d'une Madone à son balcon qui a su, contre la canicule et la fatigue,  faire de la pluie pour toutes les  passantes et passants



Puis une autre vague, partie de la Grande poste en remontant d’abord tout Didouche Mourad, bifurque pour descendre la rue Victor Hugo afin (« Légende des siècles ») de rejoindre le boulevard Hassiba ben Bouali arborant un drapeau de plusieurs dizaines de mètres confectionné de 48 exemplaires représentant les 48 wilayate du pays…




Ce qu’exprime tout aussi bien à sa manière Le Hic, (de son vrai nom Hichem Baba Ahmed) dessinateur de presse, bédéiste et caricaturiste algérien, né en 1969) dans le journal El Watan :












Ni cette magistrale manifestation aux centaines de ramifications de rues, de places, d’escaliers, ni cette magnifique journée d’été ne sont évidemment terminées ;  mais il est tout même reposant de s’adosser un moment à la mer, même si c’est une image…


Abderrahmane Djelfaoui


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