Commencer par la photo de ton
regard au sourire de yeux clairs ; ce regard de bonté où dansent les
brumes légères et lumineuses de la plaine de la Metidja de son enfance…
Pélégri est né au village de
Rovigo (du nom d’un général qui fut d’abord l’homme de confiance de Napoléon
Bonaparte et son ministre de la Police…) à 30 kms d’Alger, un 20 juin 1920,
fils de parents colons fonciers qui allaient être ruinés…
Vendanges,
un dessin de Brouty (dessinateur né sur un bateau au large de Bastia, il
vécut en Algérie de 1922 à 1962)
Ci dessous un texte de Jean Pélégri , extrait du livre biographique que Dominique Le Boucher lui a consacré, texte qui conte cet espace de son enfance:
Ci dessous un texte de Jean Pélégri , extrait du livre biographique que Dominique Le Boucher lui a consacré, texte qui conte cet espace de son enfance:
Jean Pélégri (allias Jean Le Pélerin ou Yahya el Hadj... ) est né la même année que la
poétesse Andrée Chedid d’origine syro-libanaise au Caire ; le
révolutionnaire Abane Ramdane de la commune de Larba Nath Iraten qui de
l’âge de 13 à 19 ans étudiera au lycée Duveyrier de Blida; l’écrivain Boris
Vian qui écrira la chanson « Le déserteur » qu’interprétera
courageusement Mouloudji en 1954 ; ou le journaliste Jean Daniel né à
Blida, futur fondateur du Nouvel Observateur…
Rovigo, le village natal de
Pélégri (mais également de l’écrivain Jules Roy), porte désormais le nom de
Bougara. Une ville de cigognes et cigogneaux…
Ces majestueux oiseaux de son enfance et
d’enfances de mille autres générations qui, dés l’été, migrent du nord de
l’Europe vers nos contrées avec cette particularité de voir leurs mâles faire
seuls le voyage à l’avance afin de réparer leurs nids anciens pour la femelle
et les petits à venir…
Peut être que sa vocation de romancier
algérien (« Les oliviers de la justice » et « Le Maboul ») est-elle
aussi née du rêve de comprendre le mystère des voyages sans faute de ces grands
oiseaux – el belaredj, comme on les appelle chez nous - au-dessus des
continents et des mers ; puis par dessus le Sahara en direction de ce
qu’on désignait indistinctement comme « l’Afrique noire »…
Comment savoir ?...
Par contre, pour mieux connaitre la fibre spirituelle de l’auteur, je donne à lire un de ses poèmes :
« Les paroles de la
rose », écrit à Alger en 1957 (quand un autre général massue y faisait
la loi) et qui ne sera publié qu’en 1960 dans Les Lettres françaises,
journal que dirigeait Aragon…
Avant même le poème, il présentait lui même humblement cet écrit :
Les paroles de la rose
Le soleil c’est pour le Bon
Dieu
Et le feu c’est pour les
soldats
Nous sommes tous fous,
m’sieur Jean
Dieu nous a tout donné
La main pour caresser
Elle sert à tuer
La grenade pour la bouche
Elle sert à mutiler
La terre pour tapis
Et elle sert à enterrer
Pourquoi tout ça, m’sieur
Jean
Dieu nous a tout donné
L’arbre pour son ombre
Et il sert aux embuscades
Le couteau pour le fruit
Et il sert pour la gorge
La nuit pour reposer
Et elle sert à veiller
Nous sommes tous fous,
m’sieur Jean
Si tu veux boire la mer
C’est la mer qui te noie
Quand Dieu te donne un fils
Ce n’est pas pour
l’enterrer
Mais tu dois sourire,
m’sieur Jean
Le sourire c’est pour les
vieilles
Le sourire protège les
vieilles
C’est leur voile de mariée
Nous avions une odeur de
jasmin
Et maintenant regarde,
m’sieur Jean
Regarde mes bras et mes
mains
La main qui sert à caresser
Sert aujourd’hui à mendier
Nous étions rose, jasmin et
lilas
Regarde ma bouche et mes
cheveux
Le sourire protège les vieilles
C’est leur voile de mariée
Il ne reste que mes yeux
Et c’est pour voir mon fils
tué
Regarde la lune dans le
ciel
C’est une branche de
palmier
Regarde là-haut cette
montagne
Regarde cet avion qui passe
Mon fils aussi l’a regardé
Le soleil c’est pour le Bon
Dieu
Et le feu pour les soldats
Quand Dieu te donne un fils
Ce n’est pas pour
l’enterrer
Mais plus haut il y a un
figuier
Et une eau qui ne tarit pas
Plus haut il y a un Jardin
Je vais mourir, m’sieur
Jean
Regarde la lune qui se fend
Je vais mourir sans mon
enfant
Mais il faut sourire,
m’sieur Jean
Le sourire protège les
vieilles
On va m’enrouler dans un
voile
Et me coucher seule dans la
terre
Il faut sourire, m’sieur
Jean
C’est mon voile de mariée
Mais si tu marches dans un
jardin
Pense à moi, m’sieur Jean
Pense à ta vieille Fatima
Elle a soigné ton enfant
Le sien elle ne l’avait
plus
Quand Dieu te donne un fils
Ce n’est pas pour
l’enterrer
Pense à moi et puis souris
Moi je serai dans le Jardin
Mais dis qu’que chose,
m’sieur Jean
Dis qu’que chose toi qui
sais lire
Dis qu’que chose pour que
les autres
N’aient pas besoin de ce
voile
Pour avoir sur terre jardin
N’ayant pas la possibilité
d’accéder à la collection du journal Les Lettres françaises dans ma
banlieue d’Alger, j’ai eu la chance de trouver ce long et poignant poème dans
l’anthologie poétique publiée en 2012 par la Biennale Internationale des
Poètes en Val-de-Marne que m’avait envoyé cordialement par la poste son
directeur, Francis Combes.
Une petite anthologie de poche
qui regroupe quelques 45 poètes, dont, « ce matin ils ont osé »
d’Annie Steiner, elle-même née à Marengo
redevenue Hadjout depuis l’indépendance de l’Algérie. Egalement des poèmes de ceux
qui furent ses amis proches tels Mohamed Dib, Kateb Yacine, Jean Sénac et
d’autres encore…
Il exprima, après l’indépendance
son profond intérêt et respect pour les œuvres d’artistes Algériens.
Parmi
eux : Baya et Khadda.
De la peintre Baya donc, il
écrira en 1987 dans le catalogue d’exposition « ALGERIE EXPRESSIONS
MULTIPLES » conjointement à d’autres textes de Kateb Yacine,
Benamar Mediene et Michel-Georges Bernard:
« B
« La couleur semble chez
elle un signe, une forme –une écriture sur la jeunesse du monde. Aussi, à
chaque fois que je regarde les couleurs de Baya, j’ai l’impression que le monde
s’entrouvre, qu’il retrouve sa nouveauté, son innocence originelle – comme si
Baya, pour nous rafraîchir l’œil et la mémoire, tirait ce rideau de conventions
et d’images toutes faites qui nous cache ces réalités, autrefois entrevues,
mais peu à peu voilées, que nous goûtions, enfant, quand nous réinventions la
naissance des choses. Voici l’arbre –disions-nous- voici l’onde, le bassin,
l’oiseau. Voici Baya.
« Et nous voilà grâce à
elle à retrouver des souvenirs perdus : une pastèque entrouverte au milieu
de ses feuilles ; un vase bleu ; un bassin tranquille sous des
branchages ; le jaune lisse, rayé d’un trait noir, d’une tige de
roseau ; l’ombre bleue d’un figuier ; et cet oiseau, étrangement
bariolé, que l’on voyait parfois dans le ciel de la Mitidja, et qu’on appelait
communément le chasseur d’Afrique »
Quant à l’artiste peintre Mohamed
Khadda (originaire de Mostaganem), il écrit :
Ce n’était bien sur là que
quelques repères contre l’Alzheimer de notre culture et identité plurielles.
Ce ne sont que quelques notes, en
ce 18 éme vendredi pacifique, notes qui n’ont de souhait que de renvoyer le
lecteur vers d’autres textes, plus riches, dont il pourra trouver facilement
les références sur internet…
A. D.
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