« Né en 1964 à Alger, je
fais partie de la première génération d’architectes libéraux…. C'est-à-dire que
l’ordre des architectes après avoir été suspendu dans les années 70 à été remis
en scène en 1995. Tout comme la libération de la profession de comptable ou de
notaire, l’architecte de profession pouvait à nouveau signer un projet grâce à
la promulgation du décret 94-07 appliqué en1995… »
(un tableau de présentation de
l’expo « 25 ans et des poussières » ajoute ) :
« Architectes, nous existons légalement par le droit,
pas du tout par le désir, l’envie ou l’exigence. Les gens ne passent par un
architecte que pour déposer la demande d’un permis de construire auprès d’un
Etat de gauche très administré ou un Etat ultra libéral…
« Mais on ne nous reconnait pas une plus-value, ou
cette plus value apportée par l’architecte est en fait très minime alors que
notre métier est une profession médiane, une profession pacifique de règlement
de contentieux sociaux… Par exemple quand on bosse sur un bâtiment on est dans
des points de vue privilégiés, dans des cadrages, des lumières, on se
dit : je laisse passer le ciel…
« Pour les usagers, la qualité architecturale n’apporte
rien [au bâti] ; elle n’est pas reconnue… »
« Jusqu’en 1999, après les années de terrorisme, un
certain idéal de travail architectural, de faire bien les choses, était
maintenu entre architectes et maitres de l’ouvrage. Mais avec l’époque Boutef,
époque où il y avait de l’argent, époque où l’on aurait pu construire de vrais
champions en entreprises, de vrais
grands cabinets d’architecture, de grands cabinets d’ingénierie, pour les
politiques publiques il y a eu zéro exigence en architecture. C’était la
fabrication du logement en masse, et puis essalam… Mais là quand tu
peux faire bien c’est magnifique, mais quand tu fais mal c’est désastreux…Et ça
va être radio actif sur des années, cette histoire…»
« Au démarrage d’un projet, quand tu es seul avec ta
conscience et ta feuille 21 x 29,7 il n’y a absolument rien qui t’empêche de
bien faire. Tu as toute ta capacité de conceptualiser un problème. Et d’écrire
aussi, quelle que soit ta langue : arabe, français ou tamazight. Personne n’est
là avec un revolver sur ta tempe pour te dire : fais mal… On ne peut pas
tout remettre sur les autres. Mais après les choses dérapent parce que d’autres
intervenants arrivent : l’administration, les entreprises, l’argent de la
corruption… C’est alors autre chose qui est en fait l’histoire vraie de
l’Algérie contemporaine ! »
« C’est aussi un métier qui demande pas mal de
sacrifices. Ce n’est pas un métier que tu fais a coté de ta vie ; c’est un
métier que tu fais dedans. Tu le fais tout le temps. Tout le monde le
paie : tes enfants, etc… Ce n’est pas un métier où tu fermes boutique à 17
heures pour revenir le lendemain…
«Ca fait 25 ans qu’on n’en parle pas. Qu’il n’y a pas de
débat sur l’architecture, alors que l’histoire de l’architecte algérien existe…
On a l’impression qu’on a fait un métier honteux pendant 25 ans… Je veux lever
le voile : on n’a pas fait un métier honteux mais juste comme on a pu le
faire dans ce pays… C’est un métier d’ancrage. Je ne peux pas faire mon métier
comme le ferait un architecte à Paris ou comme le ferait un américain… Expliquer
également aux jeunes architectes abreuvés d’internet et du star system que chez
nous si tu ne peux faire que trois bâtiments corrects durant toute ta carrière,
eh bien tu as rendu service à ce pays…Juste pour relativiser le rapport au
temps dans ce métier, dans ce métier et maintenant.»
Photos et propos recueillis par Abderrahmane Djelfaoui
Alger ramadhan 2019
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