jeudi 13 juin 2019

QUEL SAVOIR DISPOSENT LES CIGOGNES DE BOUGARA (ex ROVIGO) ?





Ce qui frappe en cette période de l’année, dés qu’on aborde les chaussées défoncées, surchargées d’automobiles et autres véhicules de Bougara ( Rovigo pendant plus d'un siècle durant la colonisation française…), c’est la présence verticale d’innombrables familles de cigognes ayant fait leurs nids sur chaque poteau et lampadaire du centre ville sans parler de certains toits et minarets…

A cette hauteur elles  donnent l’impression d’être « la population souveraine de la ville »…







Président de la Fondation Terre (en hibernation pour l’heure) et guide de montagne reconnu depuis des décennies, Mohamed Belaoud, m’apprend que ces grands oiseaux qui, dés l’été, migrent du nord européen vers nos contrées ont l’habitude de voir leurs mâles faire seuls le long voyage un mois à l’avance afin de préparer les nids pour la femelle et les petits…

"Pour faire grandir leurs petits, les parents vont et viennent avec de l'eau et des nourritures glanées à Oued Hammam El Ouane... Au mois d'août, toutes les familles s'envoleront ensemble pour se rassembler d'abord au sud de la ville avant de s'envoler traverser nos hauts plateaux et le Sahara en direction du Sénégal...  Plus de 3000 kms "à vol d'oiseau"...

(Au pays des cigognes de mon enfance et de tant de régions où je les ai croisé–Ain Bessam, la Kabylie, l’Oranie-  je n’ai jamais pu avoir entre les mains ne serait-ce qu’un petit livre de 30 pages qui m’aurait expliqué leur vie er leurs exploits)…



Par contre, si vous vous prenez le temps de faire un arrêt pour discuter un moment avec certains « vieux » attablés à l’une des terrasses de café (qu’y a-t-il donc d’autres pour passer le temps dans ce pays ?), vous apprendrez que Bougara a subi comme la plupart des autres villages et villes d’Algérie les affres de « la décennie noire », avec exode de populations et retours partiels…

Vous apprendrez aussi que si cette région est considérée comme une région agricole des plus riches des alentours de la capitale, elle n’en souffre pas moins terriblement de manque d’eau depuis plus d’une génération alors qu’existe un barrage en amont… 


On voit sur cette photo Mohamed Belaoud en discussion avec un habitant de la ville qui en nous racontant une partie de son histoire (l’histoire de sa famille) nous apprend au passage qu’il est originaire de palmeraie d’El Oued située à plus de 500 kms au sud est d’Alger…

Un échange décontracté (le bonhomme nous faisant l’offre de nous inviter à déjeuner chez lui…) tout près de la place de la vieille église (fermée) au-devant de laquelle est érigé un monument avec une plaque de marbre gravée à la mémoire des martyrs de la révolution de libération nationale (1954/1962)


Une église qui me rappelait d’ailleurs, en une fraction de seconde, une autre église, dans un village tunisien d’un tout autre contexte, où la bâtisse avait été transformée en un riche musée exposant de très belles mosaïques de la période romaine et chrétienne initiale…. 
(voir :   https://djelfalger.blogspot.com/2018/10/enfidha-voyage-millenaire-dans-une.html) – village où je n’avais pas remarqué de cigognes…




De cette terrible Histoire humaine, ses avatars connus ou tus, on ne sait ce que les cigognes pensent, elles qui sans aucun instrument naviguent au-dessus de la planète depuis la nuit des temps et continueront peut être à le faire après la disparition de l’espèce humaine…
Si je parle de « disparition » c’est en pensant à au moins deux écrivains contemporains d’importance : Jules Roy (1907-2000)   et Jean Pélégri (1920-2003) qui sont nés à Rovigo aujourd’hui Bougara…
Jules Roy avait écrit entre autre: « Les cerises d'Icherridène », 1969  et « Le maître de la Mitidja » en 1970…
Jean Pélégri,: « Ma mère, l’Algérie » en 1988 en revenant visiter son pays.  De cet ami de Mohamed Dib, Kateb Yacine et Bourboune,  le journaliste et écrivain Jean Daniel écrivait en 2003 : 
« ni Gabriel Audisio, ni Emmanuel Roblès, ni Jules Roy, ni Albert Camus ne se sont sentis, comme Jean Pélégri, aussi naturellement que lui, fils de toutes les Algérie, arabe, berbère, espagnole et française. Depuis les Oliviers de la justice jusqu'au Maboul, c'est un véritable cante jondo de l'Algérie paysanne qui est chanté par lui dans sa complexité baroqueLe Maboul est, avec Nedjma de Kateb Yacine, le seul roman faulknérien de notre littérature. »




Notre littérature !..
Tout un programme d’équilibre en vol par-dessus les continents de l’oubli, des illusions dérisoires et rétrogrades, mais surtout du manque (chez tous les certains bien connus) du sens de la responsabilité civique et du simple courage humaniste… 





Abdererahmane Djelfaoui
Alger-Bougara-Hammam El Ouane
12 juin 2019 (le jour où un de nos premiers ministres passa sa première nuit à la prison d'El Harrach-Alger)


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