mercredi 14 mai 2014

Camus / Belcourt : une histoire de proximité



10 mai : vernissage de l’Exposition « L’étranger » sous le chapiteau du FIBDA, à l’esplanade de Riadh El Feth  sur la colline-plateau dominant les quartiers de Belcourt, du Hamma et l’ensemble de la baie d’Alger.


             Avec Dalila Nadjem, Commissaire du FIBDA


Là, bien après la cérémonie d’ouverture, presque vers la fermeture même de l’exposition j’ai rencontré Jacques Ferrandez qui signait encore ses ouvrages, particulièrement « L’Etranger », adapté du roman d’Albert Camus et édité chez Gallimard Jeunesse en 2013 (« Année Albert Camus »)…




Ce qu’il est d’ores et déjà  intéressant de savoir c’est que cette bande dessinée n’est pas la première à mettre en images l’œuvre de Camus. Le dessinateur avait déjà adapté en 2009 le très intrigant « L’hôte » (la quatrième des six nouvelles qui compose le recueil «L’exil et le royaume») …
Quand je demande à Jacques Ferrandez le pourquoi d’une telle proximité avec l’œuvre d’un des plus grands écrivains du 20è siècle, il me répond avec la douceur de son sourire et une sérénité joyeuse dans le ton :
« C’est que je suis né moi-même à Belcourt en 1955… Mes grands parents paternels possédaient un magasin de chaussures, à l’enseigne ROIG, au 96 boulevard de Lyon. Camus habitait au 93…juste en face. C’est donc vraiment une histoire de proximité »…


                                                       Jacques devant l’image de l’ex Boulevard de Lyon

 

J’apprends alors en passant à Jacques Ferrandez que moi-même suis né en 1950 «à proximité» : rue Lafontaine, qui continue la descente d’El Aquiba et que mon père, Mansour,  et mon grand père Aïssa sont enterrés à quelques pas de là au cimetière de Sidi M’Hamed. Là même où fut enterré en 1950 un des premiers écrivains de l’Algérie Moderne, Ali El Hammami, auteur  du roman « Idriss »…
Jacques me demanda si je savais où se trouvaient dans le quartier les ateliers des tonneliers évoqués par Camus. Sa question resta sans réponse, puisque moi-même je me le demande aussi, la ville ayant au fil des décennies, et cela bien avant nous,  déjà engloutie ses trolleys ainsi qu’une bonne partie des cercles de sa mémoire…

Pépé le Moko – L’étranger…
Devant l’image stylisée de très grand format des quais du port d’Alger,  il reste un moment le bras tendu vers elle avant d’expliquer :
« Pour m’inspirer dans mon travail d’images, je dois faire appel à beaucoup de documents d’époque. Des documents écrits ou des photos pour savoir comment les gens se coiffaient, quel style de vêtements ils mettaient, quelles chaussures, etc… 




« Ici, pour bien situer la ville il me fallait un plan du port d’Alger. Je me suis alors souvenu du film « Pépé le Moko » avec  Gabin, film en noir et blanc où la plupart des séquences avaient été tournées en studio, [ à Marseille, ai-je ajouté…] mais où il y avait quelques plans réels de la ville. J’ai pris celle-là que j’ai mise en couleurs où on voit deux marins en train de repeindre l’arrière du navire «La ville d’Oran». Oran pour laquelle beaucoup de lecteurs en avaient voulu à Camus de l’avoir décrite de façon négative dans « La peste »…

« Pépé le Moko avait été tourné au milieu des années 30. L’étranger était paru juste quelques années après. Ca correspondait, c’était la même époque d’avant la deuxième guerre mondiale… »




La dédicace


A coté de « L’étranger », étaient exposés nombre d’autres ouvrages de Jacques Ferrandez, notamment  « Dafatir mina el jazair » (« carnets d’Algérie ») traduit et édité par les éditions Dalimen dirigées par Mme Dalila Nadjam. 

 

Mais également des ouvrages du cycle Carnets d’Orient  parus chez d’autres éditeurs : « La guerre fantôme », « La fille du Djebel Amour », « Rue de la bombe »…



Je choisis bien évidemment deux exemplaires  de « L’étranger » et demandais à Jacques Fernandez de les dédicacer, le premier pour Hamid Nacer-Khodja qui tenait absolument à avoir cet ouvrage dans sa bibliothèque à Djelfa où il est professeur d’université ; le second pour moi-même…
Et Jaques Fernandez de concevoir (de mémoire) puis dessiner pour l’ami de l’ami cette dédicace dont j’imaginais déjà à quel point elle allait être apprécié par le lointain destinataire… 






Je me dis alors en moi-même : Voila que le dessinateur vient de tracer le premier trait à ce qui pourrait être conçu et intitulé par lui, pourquoi pas : « Les carnets de route de Jean Sénac »…


 

 
 




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