Soudain une tempête de sable. A n’en plus voir la
voiture qui nous devance. Ni distinguer les trottoirs des balustrades ou un
rond point d’un palmier. Laghouat au cœur de l’Algérie est engloutie en plein
jour ; Laghouat la sereine n’est plus qu’un fantôme que j’ai de la peine à
photographier…
Une fois les limites de la ville qui trône à 750 mètres d’altitude atteintes, c’est l’éclaircie. Peut être rejoindrons-nous Djelfa en une heure de route, me dis-je …
... «Frison Roche… le roman d’une histoire vraie… », me dit l’ami Docteur d’Etat en littérature française pour tout commentaire sur cette belle histoire de la Princesse de Kourdane, prés de Ain Madhi, territoire de la confrérie Tijaniya, à quelques 40 kms de Laghouat…
Puis, je ne sais par quel lien invisible qu’il a noué par l’évocation d’Aurélie Picard (Lalla Yamina Tidjani), Hamid Nacer-Khodja enchaine avec le célèbre tableau « Chasse au faucon en Algérie : la curée » d’Eugène Fromentin qui se trouve aujourd’hui au Musée d’Orsay et par lequel le peintre-écrivain romantique, arrivant de Djelfa à Laghouat, concevait au printemps de 1853 une représentation idéale d’une noblesse algérienne …
Cela juste cinq mois après les massacres commis par la
colonne militaire du général Joseph Vantini alias Yusuf qui venait de construire la caserne de
Djelfa et ses fortifications en 1852… Fromentin consigne d’ailleurs dans ses
notes de voyages «Un été au Sahara »
avoir vu des cadavres encore dans les rues de Laghouat … Là, il rencontre aussi
le notable Si Cherif Belahrèche, ancien lieutenant de l’Emir Abdelkader devenu,
après la défaite de l’Emir, le collaborateur des troupes militaires françaises
pour la conquête du sud…
De cette antiques piste des caravanes puis des chariots et ensuite des diligences qui, au-delà de l’atlas saharien, menait à Ghardaïa puis, de là, aux monts des Hommes Bleus jusqu’au cœur de l’Afrique, la route Laghouat-Djelfa est aujourd’hui la route dense des camionneurs, principalement celle des pétroliers depuis la découverte de l’or noir dans les profondeurs du Sahara en 1958…
Au passage, et tout en roulant à vive allure vers le nord, Hamid
me signale le livre d’André Rosfelder, un important ingénieur français qui
avait participé à ces découvertes pétrolières. Ce personnage, résistant français
durant la deuxième guerre mondiale, gaulliste, ami de Jean Daniel, d’Albert
Camus, de Jules Roy et Emmanuel Roblès n’en devint pas moins à la fin d’une
guerre de plus de sept ans et demi en Algérie un extrémiste « Algérie
française » à mort…
Lui l’auteur des pertinentes et solitaires nouvelles :
« La femme adultère » et
« L’hôte » parues dans
« L’exil et le royaume »…
La première d’entre elles narrant la traversée de ces immensités steppiques et
désertiques par un couple de français d’Algérie
dans un car, poussif, « […] plein d’Arabes, qui faisaient mine de dormir, enfouis dans
leur burnous […] Le chauffeur dit à la cantonade quelques mots dans cette
langue qu’elle avait entendue toute sa
vie sans jamais la comprendre. « Qu’est ce que c’est ? »
demanda Marcel. Le chauffeur, en français cette fois, dit que le sable avait dû
boucher le carburateur, et Marcel maudit encore ce pays. Le chauffeur rit de
toutes ses dents et assura que ce n’était rien, qu’il allait déboucher le
carburateur et qu’ensuite on s’en irait »…
Pays et paysages grandioses même si austères que le peintre
orientaliste Gustave Guillaumet avait de son coté commencé à faire
connaitre au dernier tiers du 19ème siècle par ses peintures (dont certaines
sont conservées également au Musée D’Orsay) ainsi que par ses écrits, «Tableaux algériens », parus entre
1879 et 1884 dans la «Nouvelle Revue »……
La même route de Djelfa par laquelle un certain imam Abdelhamid Benbadis avait pour
le compte de l’Association des Oulama sillonné la région en 1939 jusqu’à la
vieille cité de Laghouat où un poète de noble descendance, Abdellah Ben Keriou,
avait quelques décennies auparavant désespérément chanter une
« belle » qu’on lui refusait et pour laquelle on alla jusqu’à
l’exiler loin de sa ville multiséculaire…
Un autre voyageur, Mouloud Feraoun, y séjourna dit-on sans qu’on
sache exactement à quelle date, lui qui à la fin de sa vie alors qu’approchait
l’Indépendance de tous les vœux allait faire un voyage jusqu’en Grèce et se
mettre à la publication des « Poèmes
de Si Mohand »…
« Les moutons marchent de Laghouat à Djelfa »… est le refrain d’une chanson du grand artiste Khlifi Ahmed dans les années soixante accompagné du ney, la flûte… Cette région austère et si sobrement lumineuse où quand le vent souffle il ressemble à s’y méprendre au son nostalgique du ney, de la flûte de roseau…
A mi parcours de notre voyage dans le voyage en ce premier
mai vers Djelfa, nous laissons Hamid et moi l’Atlas Saharien se désaltérant
encore sous la nuée au profit de ses innombrables troupeaux de moutons qui lui ont
donné la réputation d’être un pays vert, « le pays d’Abel » le pasteur…
Hamid Nacer Khodja et moi même sur la route...
(les photos, exceptée la gravure et la peinture, sont de Abd. Djelfaoui)
un périple historique et littéraire en prose et photographies à travers la steppe par la finesse et la subtilité de la plume et du canon du plus djelfaoui que tous les djelfaouis: Abderrahmane chante sa terre comme Benkerriou chanta Fatna za3nounia ou Benguitoune Hayzia , avec la même flamme passionnée errant dans les échos du mont Amour ...
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